Sans nouvelles de leur mère partie quand ils étaient très jeunes, Danny et Maeve Conroy grandissent entre un père distant, des employés de maison dévoués, et les portraits des Hollandais, les anciens propriétaires de leur somptueuse demeure de la banlieue de Philadelphie. Leur vie bascule quand y entre Andrea, bientôt leur belle-mère, en vérité bien plus intéressée par la magnificence de l’édifice que par ses habitants. Devenus adultes, le frère et la sœur reviendront régulièrement rôder autour de leur ancienne maison, théâtre de leur passé, si douloureux qu’il ne cesse de les hanter.


Imposante construction héritée des années vingt dont on imaginera le faste en pensant à Gatsby le Magnifique, la maison des Hollandais est le point focal du roman. A l’exception de la mère, tournée vers une autre quête, tous les personnages en font, jusqu’à l’obsession, le réceptacle de leurs désirs et de leurs fantasmes, au point qu’elle en finit par prendre des airs d’allégorie d’un bonheur éternellement inaccessible. Enviée par les ambitieux qui rêvent de la posséder, regrettée par les orphelins qui l’ont perdue en même temps que l’affection d’une famille, elle s’avère en tous les cas un mirage et une trompeuse coquille vide, incapable de combler les béances intérieures de ses habitants. Lorsque sera passé le temps de l’orgueil et de l’ivresse de la possession pour les uns, celui de l’éternel ressassement du manque et de la perte pour les autres, restera le tardif et cruel constat de vies enfuies, passées à courir derrière des chimères.


Placé sous les auspices de la rancune et de la frustration, ce roman désenchanté illustre l’accumulation des malentendus et des incompréhensions, venue gâcher la vie d’êtres qui auraient dû s’aimer. La narration prend le temps de camper avec soin ses personnages, suivis sur cinq décennies. Leur portrait crédible s’avère d’une remarquable acuité. Et c’est étreint d’une douce tristesse que l’on achève cette lecture si juste et si fine, portée par une plume agréable, fluide et précise.


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Cannetille
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le 12 juin 2021

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