J'ai cru que ça allait être ma première déception avec Koestler.


En effet, comme le précise l'auteur lui-même dans sa préface, il a écrit ce roman sous le coup de l'impulsion (ou de l'émotion), c'est donc un travail plus sentimental que "La corde raide", "Hiéroglyphes" et "Dialogue avec la mort [Un testament espagnol]". Et cela se sent durant tout le premier chapitre 'Agonie'. Et c'est un peu désagréable. Je pensais que c'était aussi dû à l'emploi de l'imparfait qui ajoutait un côté factuel aux événements historiques mais un côté romantique à la vie de l'écrivain. Le temps renforce peut-être cette impression mais n'est clairement pas la cause directe ; non c'est bien Koestler qui écrit cette première partie comme un doux rêveur, comme un aventurier. Je n'ai rien contre ce type de roman, mais ce style est mal maîtrisé par cet écrivain-ci. Du coup, le premier chapitre se lit vite, sans éprouver grande joie ni satisfaction (juste assez pour poursuivre). Il faut aussi ajouter que l'action est un peu lente, Koestler se contentant de contempler la douce agonie du pays : pas tellement de conflits malgré un objectif suffisamment déterminé.


Heureusement les chapitres suivants sont nettement mieux écrits : on retrouve le Koestler des romans cités ci-dessus : plus distant, plus factuel, plus simple, moins maniéré, moins romantique, moins sentimental. L'auteur va à l'essentiel. Même la structure est mieux : dans le premier chapitre ça allait un peu dans tous les sens, dans les suivants il structure mieux sa pensée, sait quoi aborder à quel moment. Et le récit devient alors nettement plus prenant et palpitant et agréable. Et là j'ajoute aussi : forcément, l'auteur raconte son incarcération puis son évasion du pays, cela permet d'amener bien plus de conflits, de tension, d'enjeux palpables.


Sa description du camp français est très intéressante : qu'elle soit véridique ou pas (les bons français lui ont longtemps reproché d'avoir inventé tout ça ; je n'ai rien lu d'autre de cette période sombre, mais ce qu'il raconte me paraît plausible, surtout qu'il ne rabaisse pas constamment la France, on sent qu'il voue au pays un certain amour, d'où la grande déception qu'il transmet sur plusieurs points et puis aussi le fait qu'il critique sévèrement certains faits), elle est riche, nuancée, approfondie.


Ce bouquin m'a aussi fait réfléchir sur la 'bonne ' chose à faire en temps de guerre. Certes, le gouvernement français de l'époque a mal agi. Certes, des gens n'ont pas attendu longtemps avant de passer dans le camp adverse. C'est facile de pointer cela du doigt aujourd'hui. C'est facile d'intenter des procès à des gens qui ont collaboré voire à des gens qui étaient haut placés dans le camp des 'méchants'. Mais je pense que dans de telles circonstances, beaucoup d'autres gens auraient agi de la même façon à leur place. Il n'est pas simple d'échapper à un mouvement de masse. Il n'est pas simple de lutter contre l'instinct de survie le plus 'logique'. Retourner sa veste, monter les échelons du 'mal', c'est finalement un comportement normal que nous avons certainement tous effectué à une autre échelle. Parce qu'il n'y a pas de bien et de mal en soi. L'homme a juste déterminé des valeurs à bannir et d'autres à soutenir. Evidemment, cela paraît ici plus condamnable parce que la conséquence se fait voir au travers de nombreuses victimes humaines. Mais lorsqu'on est un grain de sable au milieu d'autres, tous projetés par un coup de vent, il est difficile de se rendre soi-même responsable. Et encore, je ne parle même pas des convictions que l'on adopte, qui viennent d'on ne sait où et qui peuvent évoluer en milieu de vie ou pas, qui sont la conséquence d'une mode, d'un style de vie, de quelque chose qui peut nous dépasser. Cela ne veut pas dire qu'il faut excuser poliment les 'méchants' de l'histoire, juste qu'il faut garder à l’œil le fait que, pour l'instant, on pense faire partie des 'gentils' mais que un jour nous serons les méchants... et que ferons-nous alors ? (mouais, ce paragraphe est bien naïf, manque cruellement de documentation, mal écrit, mes pensées sans doute mal formulées au vu des nombreux raccourcis employés... mais tant pis, je le laisse).


Bref, au final, j'ai passé un bon moment avec ce bouquin ; seul le premier chapitre n'a que peu d'intérêt.

Fatpooper
8
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le 4 août 2017

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