"Partout où l'on se bat, un homme qui sait dresser des hommes peut toujours être roi."

L'histoire tout le monde la connait. Devenir rois, telle est l'ambition de Daniel Dravot et Peachy Carnehan. Dans leur délire de grandeur et de puissance ils décident de soumettre le peuple du Kafiristan, contrée sauvage où aucun européen n'a osé s'aventurer depuis Alexandre le Grand, et d'y établir leur prestigieuse dynastie.
Avant d'inspirer Conrad pour son Lord Jim, la vie du britannique James Brooke, qui fut le premier rajah blanc du royaume de Sarawak sur l'île de Bornéo, inspira donc librement Kipling pour cette nouvelle avec celle de Josiah Harlan, un aventurier américain devenu prince de Ghôr.

Petit extrait brillant :
"Au moment où Dravot mit le tablier du Maître que les filles lui avaient brodé, le prêtre se mit à brailler et à hurler en essayant de retourner la pierre où Dravot était assis. "C'est tout fichu à présent, que je dis. Voilà ce que c'est de se mêler de Franc-Maçonnerie sans brevet." Dravot ne sourcilla pas, même quand les dix prêtres empoignent et renversent le siège du Grand Maître ; c'était, comme qui dirait, la pierre d'Imbra. Le prêtre se mit à en frotter pour détacher le terre noire, et le voilà qui montre aux autres prêtres la marque du Maître, la même que sur le tablier de Dravot, gravée sur la pierre. Les prêtres du temple d'Imbra ne savaient pas qu'elle était là. Le vieux tombe aux pieds de Dravot et les baise."

La nouvelle se lit d'un trait grâce au style sûr de l'écrivain et à sa prodigieuse narration qui lui valut le Nobel de littérature (1902). Cette dernière est double ici puisque c'est l'un des deux aventuriers (Peachy) qui raconte l'histoire au narrateur (Kipling), qui se trouve donc au même niveau que le lecteur. Je ne saurais dire pourquoi, peut être la fantasmagorie du décor (cette contrée au Nord-Est de l’Afghanistan peuplée d'indigènes blonds, inspirés des Nuristanis) ou l'ambiance fantastique (la neige, la forêt de pins, la tête dans la sac, inspirée de celle d'Adolf Schlagintweit), mais son écriture m'a régulièrement lancé des frissons le long de l'échine. C'est vrai pour cette nouvelle comme pour les autres que j'ai lu.
Il n'est en tout cas pas étonnant que l'histoire de ces deux gus et l'échec de leur entreprise aient plu à Huston.

"The son of a man goes forth to war,
A golden crown to gain ;
His blood-red banner streams afar-
Who follows in his train ?"
blig
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le 2 déc. 2013

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