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Critique basée sur la version 2018 Chaosium pour la V7 de l'Appel de Cthulhu


Juger un mastodonte du jeu de rôle est assez compliqué et nécessite de poser le contexte de sa création.
On est en 1984, la deuxième édition du JDR l'Appel de Cthulhu est sortie depuis un an, Peterson et toute sa clique ont déjà pondu deux campagnes qui deviendront un peu le modèle à suivre : Les Ombres de Yog-Sothoth et les Fungi de Yuggoth. En gros : oups, il y a un culte très crados près de chez moi, allons à l'autre bout du monde pour mettre fin à ses machinations, oups il y avait un shoggoth dans la cave de Carl Stanford, mort de l'équipe, nouveaux persos, and so on.
Larry Di Tillio (aidé de nombreux autres) est à l'époque un scénariste télé au chômedu et s'aventure dans le JDR via des copains chez Chaosium. Intéressé par la vie de Johnstone Kenyatta, le "père" de la nation moderne kényane, il commence à pondre une petite campagne en dix mois qui reprend le concept des campagnes de l'AdC (plus Indiana Jones quand même) mais en ajoutant un élément qui pour moi est très, très, très important : l'enchaînement libre des chapitres. Tout ce que je vais dire, cracher, maugréer, doit être lu à la lumière de cette idée. C'est une idée révolutionnaire qui rend la campagne unique. Voilà c'est dit.


Bon, l'histoire, on ne la présente plus (divulgâchis en règle mais pourquoi iriez-vous lire une critique des Masques si vous comptez la jouer, vilain garnement ?) : un couillon dandy, fils à papa impotent se fait berner par une prêtresse de Nyarlathotep pour monter une expédition en Égypte et détruire une protection magique. Le dieu fourbe et cruel en profite pour corrompre trois autres membres de l'expédition pour l'aider à réaliser un plan maléfique : ouvrir une porte magique au dessus de l'océan indien dans un an. Astres propices, retour des copains à tentacules, fistinière assurée pour l'Humanité. Les investigateurs découvrent l'histoire par les messages sibyllins d'un ami écrivain assassiné ayant découvert le pot aux roses. Après avoir résolu le mystère entourant sa mort à New York, votre fine équipe est invitée à retracer les pas de l'écrivain, Jackson Ellias, et/ou de l'expédition Carlyle à travers le globe pour venger leur ami et contrecarrer le plan maléfique de Big N.


Qu'est-ce qui change dans cette édition ?


Ce beau bébé de 666 pages (hmm) ajoute pas mal de choses donc je ne vais pas énumérer l'intégralité des changements mais juste vous brosser les grandes lignes et ce que j'en pense.



  • Un nouveau scénario d'introduction au Pérou - Situé quelques années avant le début de la campagne, il est excellent et permet d'introduire Ellias Jackson auprès des joueurs, ce qui était un sacré problème dans la version originale. L'histoire est bien vue et guide les joueurs sur les grands thèmes de la campagne - avatars de big N, rituels magiques, cultes très méchants.

  • Les PNJ changent de peau et de sexe - Ellias devient afro-américain, un paquet de méchants deviennent des femmes, certains méchants autochtones deviennent mal intentionnés voire innocents. Pourquoi pas ? Le côté fête à la saucisses disparait un peu chez les PNJ et ça montre que le Mal est très en avance côté justice sociale.

  • Haro sur les côtés les plus crades - Plus de cérémonies où de jeunes donzelles se font agresser à coups de tentacule par ces vieux pervers de dieux extérieurs. Les massacres à la douzaine ne changent pas par contre. Pas de soucis pour moi, c'était rigolo à seize ans, moins quand maintenant que j'en ai le double.

  • Baisse de la létalité - Les cultistes sont moins nombreux durant les cérémonies, les shoggoths se cachent, les peintures mortelles débiles aussi. La campagne propose un mode AdC "normal" où vos investigateurs auront moins de chances d'être atomisés comme des connards pour avoir ouvert le mauvais tiroir à chaussettes du grand prêtre local. A noter que tout le sel "Tomb of Horror" des Masques 1984 est présent dans des encarts pour jouer en mode "Pulp" où les PJ sont un peu plus costauds. C'est très bien, je sais que certains MJ soulèvent des tables sans les mains en pensant aux nombres de joueurs trucidés dans cette campagne mais ce n'est pas mon cas. La mort d'un personnage ne devrait jamais être gratuite pour apporter un véritable enjeu narratif.

  • Quelques bouts de scénario par ci, par là - Par exemple à New York, un gars de Harlem est accusé du meurtre d'Ellias Jackson. Ça allonge la sauce mais c'est plutôt bien foutu et cohérent. A intégrer selon votre bon plaisir.


Qu'est-ce que j'en pense ?


Je suis en passe de finir la campagne comme MJ, merci le confinement. Je suis plutôt un MJ porté sur l'impro et les mondes homebrew donc pour moi, suivre un scénario, voire une campagne, c'est une nouveauté.


La campagne demande une tétrachiée de travail pour vous (et pour les joueurs). Avec une centaine de PNJ, des lieux exotiques (Egypte, Chine, Australie, Kenya) à faire vivre et une palanquée d'indices, vous allez en baver. J'ai bien aimé le travail de préparation, c'est une belle façon de s'instruire sur ces pays dans le cadre des années folles.


La structure m'a fait partiellement péter un plomb car elle se résume bien souvent à aller à un endroit, repérer le culte, empêcher son grand prêtre de faire son rituel houba houba avant de se tirer fissa pour ne pas finir en bouillie. Les joueurs en général ne verront pas la structure répétitive avant le dernier gros tiers de la campagne, les cultes par exemple sont très différents les uns des autres avec des objectifs et des habitudes variés, mais moi, ça m'a très vite soûlé.


Dans tous les cas, mes joueurs se sont bien amusés et me direz-vous, c'est l'essentiel. Là où vous ne voyez que les ficelles et le stuc, eux verront une grande conspiration planétaire et pour peu que vous liez les chapitres entre eux (ramener un méchant à l'autre bout de la terre, tuer un PNJ rencontré au début de la campagne) ils se sentiront d'autant plus impliqués. C'est le côté fascinant des Masques, elle vous invite à boucher sans cesse des trous manquants dans le texte, à créer des connexions entre les joueurs et les PNJ à travers le monde, les mois qui s'écoulent, et c'est là son génie. Vous allez vous approprier Le Caire et ses ruelles brûlantes, rendre l'orphelin Mahmoud attachant, terrifier vos joueurs à chaque fois qu'ils croiseront un chat et penseront voir Hetep le démon, rendre la rencontre avec les membres des derniers membres de l'expédition Carlyle marquante. Mais tout ça, c'est VOTRE boulot et le texte ne sera d'aucune aide pour y arriver.


Est-ce que je considère que les Masques de Nyarlathotep est une campagne de jeu de rôle génialissime ? Non.


Est-ce que tout le monde a passé un excellent moment autour de la table ? Oui.


Et ça, c'est déjà pas mal.

Coulis
8
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le 19 juin 2020

Critique lue 964 fois

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Coulis

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