Grenouilles par Nina in the rain

On ne le dira jamais assez, la langue chinoise est fascinante. Par exemple, en Chine, grenouille se dit « wa ». Et le cri de la grenouille, c'est « wa ». Et le cri du nouveau-né, c'est « wa ». Et le nouveau-né, c'est « wa ». Ça permet, dans un roman appelé en VO « Wa » de faire tout un tas de petits jeux de mots sympathiques et intraduisibles autour des grenouilles et des nouveaux-nés, et ça tombe plutôt bien puisque l'intrigue fait s'entrelacer les batraciens et le Planning Familial. Ah là là, ces Chinois, ils prévoient tout !

Pour tout dire, ce roman, au début, je n'avais franchement pas envie de le lire. J'avais lu la quatrième de couverture en diagonale et je pensais que c'était centré sur les relations maître-élève de deux écrivains, d'avance ça m'ennuyait. Et puis j'ai lu une recension dans le Monde des Livres qui ne parlait pas de disciple, mais de gynécologue de campagne et une petite ampoule s'est allumée dans mon esprit. Tiens, ça a l'air sympa, je ne sais pas pourquoi. Comme toujours, j'ai attendu (si, si, comme toujours, c'est mon blog j'dis c'que j'veux héhéhé) le temps de laisser à cette ampoule le temps de s'allumer complètement (oui, c'est une économie d'énergie) et vendredi à la librairie je l'ai courageusement rajouté sur la pile des romans que je venais chercher. Finalement, tout me faisait envie : la couverture, la taille, le poids... Chiens Féraux que j'étais en train de lire péniblement n'a pas fait le poids et je me suis jetée sur les p'tites grenouilles.

Et là, flash souvenir. Quand j'étais petite j'avais lu un roman nommé Que cent fleurs s'épanouissent, qui m'avait à l'époque réellement fait comprendre ce qu'avait été la Révolution Culturelle en Chine. Pour moi, Grenouilles reproduit le même exploit avec les politiques de Planning Familial en Chine. À travers les yeux de Têtard, un dramaturge moderne, on voit se dérouler la vie de Tante, sa grand-tante, responsable du Planning Familial de la communauté de villages. Elle commence en étant gynécologue-obstétricienne, puis entre au Parti Communiste et va dès lors procéder à plus de vasectomies et d'avortements que d'accouchements.On va suivre à travers elle les différentes politiques de natalité mais, surtout, le fanatisme de certaines personnes qui vont aller jusqu'au bout de leurs croyances et des slogans gouvernementaux sans se préoccuper des conséquences éventuelles.

Et ce roman est réellement passionnant. À travers les multiples anecdotes racontées par Têtard on voit se dessiner une société extrêmement différente de la nôtre, à tel point qu'on a parfois l'impression de lire une histoire qui se passerait au XIXème siècle. Tous les personnages, tellement attachants, forment une fresque où s'entrelacent la politique, la maternité, l'art et la famille et il est difficile de le lâcher en pleine lecture. On est happé par ces descriptions fourmillantes et ces dialogues extrêmement vivants qui immergent réellement le lecteur dans l'histoire.

Une bonne surprise, donc, et une lecture vraiment agréable, très évocatrice, qui donne envie d'aller voir là-bas dans les campagnes si la vie se déroule bien comme le raconte l'auteur.