Cette merveilleuse biographie de Glenn Gould enchante par sa profondeur. C'est une quête psychanalytique, autant qu'une réflexion philosophique ou qu'une méditation sur la musique. Toute biographie est impossible. L'écrivain se raccroche à des faits, qui importent moins que ces riens qui motivent une vie, la ressourcent, lui donnent sa couleur et son parfum inimitables.


"Un ami d'enfance dira de Glenn Gould : "Je ne peux pas me rappeler un moment où il n'était pas un étranger".


"La solitude de Gould ne fut pas déchirure, mais blessure qui se referme.Une clôture féconde, le lieu d'un rassemblement : il se recueillait. Il aurait pu dire comme Rilke : "Je suis dans le travail comme le noyau dans le fruit."


"Être seul n'est pas être dans la solitude. Je garderai le mot de solitude pour parler de cet état où l'on est sans les autres, certes, mais où l'on se tient compagnie, et nommerai esseulement les temps, que je sois seul ou en compagnie, où ma propre compagnie me manque. Être dans la solitude, c'est éprouver la certitude que l'autre est là, en moi. Et puis, il y a l'isolement, où manquent et l'autre et moi."


"Le studio d'enregistrement et la sécurité matricielle qu'il offre sont très en accord avec mon style de vie. Je suppose que ce serait une part de mon fantasme que de développer jusqu'aux limites extrêmes une sorte de vie secrète à la Howard Hugues." (Glenn Gould).


"Gould a des mots très durs pour qualifier le concert "abjection morale, déguisement, position de pouvoir et de domination du soliste, dépendance servile du public". Toujours la scène a pour lui des relents de scène capitale ou de scène primitive. Il y voit du sang, de la sueur."


"Bach disait du contrepoint deux choses contradictoires, comme est contradictoire la solitude avec la solitude : c'était pour lui une conversation entre amis, quelque chose de quotidien, de divers, mais aussi une offrande musicale adressée du tréfonds de l'oraison au divin. Ce n'est pas que Gould n'aimât pas la mélodie. Il n'aimait pas qu'il n'y en ai qu'une. Il aimait cette forme qui s'interroge sans cesse sur sa propre forme, et il lui fallait peut-être la multiplicité des voix pour faire entendre la sienne."


"Gould aimait les formes fuguées en raison de leurs caractères subjectifs plus souples que ceux de la forme sonate. Les oppositions (de mouvements, de thèmes, de tonalités) y sont remplacées par des rapports non conflictuels. Pas d'altercation dramatique. Une constante densité. Quelque chose de la pulsion, sous la propulsion férocement allègre de son Bach."


"Gould fait partie des êtres rares qui, "aux mauvaises heures", nous consolent d'être là. Grâce à eux nous ne savons certes pas mieux ce que nous faisons jetés en ce bas monde. Mais, en nous faisant savoir et souvenir un peu profondément qui nous sommes, ils nous rendent ce monde un peu moins bas, au sens de la bassesse, non de l'humilité."


"Extase. État où l'on est hors de soi. Mieux vaudrait dire : hors du je, car il n'est pas sûr que cet état ne ramène pas à soi, justement. Gould était hors de lui, quand il jouait. Mais est-ce, hors de ? A côté, en face, en miroir, en avant de soi, derrière soi ?"


"C'était pour voir clair dans la musique qu'il lui fallait la nuit".

lionelbonhouvrier
9

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le 30 juil. 2015

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