Durant trois années, Orson Welles et son ami, le réalisateur Henry Jaglom avaient pour habitude de diner dans un restaurant basé à Los Angeles, et parlaient de tout et de rien, mais surtout de cinéma.
Ce livre comprend les retranscriptions de ces rencontres, et Welles avait accepté l'idée que ce soit enregistré, à la seule condition que le magnétophone soit caché dans le sac de Jaglom afin qu'il puisse parler en toute liberté.


L'initiative est très intéressante, mais le portrait que fait Orson Welles à son propos est quelque peu triste. Alors en pleine recherche de financements pour ses futurs films (qu'il ne réalisera jamais), il en ressort de lui quelqu'un d'égocentrique au possible, qui tacle un peu sur tout le monde avec des propos souvent homophobes voire xénophobes, quand ça ne tombe pas dans la paranoïa. Dans un des chapitres, il refuse ainsi tout contact physique (serrer la main, faire la bise...) avec Henry Jaglom sous prétexte que ça pourrait lui donner le sida !
Quant à savoir ce qu'il aime au cinéma, c'est simple ; il détruit absolument tous les films sortis avant Citizen Kane et soutient de ne rien avoir avoir vu depuis de peur que ça ne l'influence !
Mais ce qui est limite triste, c'est de voir son aigreur, son envie de dire "fuck you" à la face du monde, son désespoir même. Mais il faut dire qu'il donne souvent le bâton pour se faire battre ; alors que des producteurs français lui offrent rubis sur ongle pour un de ses projets (sur l'impulsion de Jack Lang, alors ministre de la culture), il arrive quand même à faire le difficile et demander des exigences démentes, ce qui fera au final capoter le projet ! Alors qu'il dit être sans le sou à ce moment-là...


On parle également de ses anciens films dont bien entendu Citizen Kane, où il affirme être le seul auteur du film, sur ses rapports avec les anciens patrons de studios (dont MGM), des réalisateurs ou acteurs (John Ford, Elia Kazan, Joseph Cotten...), ses amours, et l'impression qu'après son premier film, il aurait dû en fait tout arrêter. Pour lui, sa carrière aura été un véritable naufrage, dénigrant ses propres réalisations.


Le dernier diner, qui se passe cinq jours avant la mort de Welles, verra une petite lueur d'espoir pour un financement. Jaglom parle également du laserdisc de Citizen Kane, paru chez Criterion, et quand il demande sil il aurait voulu faire un commentaire audio, Welles refuse l'idée !
Tout le livre se passe autours de diners, avec parfois certains invités (Jack Lemmon, Vincente Minelli ou Gilles Jacob), et le rôle de Jaglom n'est pas négligeable quand on sait qu'il fut presque le porte-parole de Welles à la fin de sa vie, cherchant pour lui des financements et se rendant compte qu'il se heurtait aux mêmes murs.
On apprend tout de même qu'à la mort d'Orson Welles, il avait pas loin de 19 projets en cours ou inachevés !


Il est clair qu'en lisant ce livre, Orson Welles ne nous ressort pas comme quelqu'un de sympathique ou d'aimable ; son aigreur est là à chaque page, de sort qu'il en ressort presque quelque chose gênant à lire ce déballage. Je dirais qu'il ne faut pas garder l'image que Welles donnent dans cet ouvrage, et retournez voir ses films, ça vaudra mieux.

Boubakar
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le 19 avr. 2015

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