Ecorces
Ecorces

livre de Hajar Bali ()

En 2016 Baya à 95 ans et son arrière-petit-fils Nour (Lumière) en a 23. Pour la vingtième fois elle lui raconte l’histoire de la famille… Toute l’histoire ? À un secret près, oui. La saga de quatre-vingts ans d’une famille algérienne, sur quatre générations. Baya, l’arrière-grand-mère, Fatima, la grand-mère, Meriem, la mère et Nour, le fils et seul homme survivant à cette date.
Hajar Bali mêle ses personnages aux événements de l'Histoire, sur près d’un siècle. Ce ne sont pas des héros, ils sont juste marqués par ce qui arrive.


Née en 1961, Hajar Bali (de son vrai nom Djalila Kadi-Hanifi) vit à Alger où elle a enseigné les mathématiques à l'université des sciences Bab Ezzouar (Alger). Dramaturge, elle est l'auteure de Rêve et vol d'oiseau, un recueil de pièces théâtrales (Barzakh, 2009), Écorces est son premier roman. Il paraît simultanément (2020) en Algérie (Barzakh) et en France (Belfond) « Avoir un public français est un rêve pour moi, la chance de ne pas être confinée dans des frontières, à une nationalité. Mais avant toute autre m’importait la réaction des Algériens, leurs lectures. » Bilingue, elle écrit en français, la langue de ses études.


Donc, répétons-nous, il s’agit d’une histoire familiale "toute simple", avec ses drames, ses mensonges et ses non-dits, qui traverse l’Histoire, de 1935 à 2016. Cette année-là, on découvre Nour, 23 ans, étudiant en mathématiques, qui vit avec son arrière-grand-mère, Baya, sa grand-mère, Fatima, et sa mère, Meriem, dans un minuscule appartement d'Alger. Baya, 95 ans, née pendant la colonisation, est une femme courage qui a bravé les interdits et les mœurs de son temps. Jour après jour, elle transmet la mémoire de la famille à Nour. Élevé dans ce gynécée étouffant, celui-ci s'ouvre au monde et à l'amour, qu'il trouve en Mouna, jeune femme à l'" inquiétante étrangeté ". Ça, c’est ce que nous dit la quatrième de couverture.


Ce qu’elle ne nous dit pas, c’est que tout commence par une sorte de « GPA » qui ne dit pas son nom (en 1935 ce n’est pas encore à la mode) dont le contre-coup se fera encore sentir quatre-vingts ans plus tard… j’en ai déjà trop dit, ne comptez pas sur moi pour en révéler davantage !


Une histoire de femmes déterminées, entrainées par Baya, la doyenne tyrannique de la dynastie, qui acceptent leur sort sans renoncer à se battre, contrairement aux hommes, si aimés, choyés et servis depuis toujours qu’ils en sont devenus passifs, apathiques et faibles.


Le mystérieux secret de famille est vite éventé par le lecteur et devient un secret de Polichinelle, le seul à ne rien comprendre, c’est Nour et, étant dans la confidence, tout l’intérêt du lecteur réside dans la façon dont il va apprendre la chose…


Personnellement, j’ai craint, un moment de basculer dans le mélodrame de bas étage et commençais à être sur le reculoir, mais Hajar Bali a très bien su maintenir un excellent niveau d’intrigue.


L’écriture est puissante, le vocabulaire riche, et je suis heureux qu’un professeur de mathématiques puisse enrichir la littérature de cette manière. Une manière peut-être non conventionnelle, qui sort des sentiers battus, néanmoins, les sauts de lieux et d’époques, d’un chapitre à l’autre, loin d’alourdir le fil narratif, comme c’est fréquemment le cas, donnent ici, me semble-t-il, une dynamique des plus intéressantes. Il en va de même des pensées intimes des protagonistes qui fait entendre les voix intérieures de chacun, offrant une richesse de regards sur les mêmes scènes.


Un écrivain est né. J’en veux pour preuve les magnifiques pages sur la musique du chapitre X que je ne peux reproduire ici. Mais si parfois les envolées lyriques des étudiants « explorant avec force et délicatesse la question de l'indicible. Ou comment rendre compte de l'humain, de sa complexité, de ses paradoxes, au-delà du langage et de ses axiomes » frôle le galimatias abscons d’une jeunesse qui refait le monde, ces pages, sur le langage musical, est d’une beauté et d’une pertinence sublime.


Pour tout dire, après plusieurs centaines de bouquins lus, il me semble que c’est mon premier Roman !

Philou33
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le 8 mai 2020

Critique lue 54 fois

Philou33

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