Le silence des espaces infinis

ll s'agit là d'un livre plaisant de l'astrophysicien franco-vietnamien Trinh Xuan Thuan.

L'ouvrage est plus ou moins découpé en trois grandes parties:

• La première, mathématique, retrace l'histoire de la découverte puis de l'acceptation du concept d'infini, des suites divergentes et des nombres irrationnels. Des parallèles toujours pertinents avec la littérature nous amènent à découvrir de nouveaux auteurs dans une variété de domaines intellectuels.




• La seconde partie discute de la physique, de l'astrophysique en particulier, avec une trame semblable : de l'acceptation de l'infini de l'univers à la théorie des cordes, des branes, des multivers, de l'influence du boson de Higgs dans la détermination des masses primordiales et des perspectives de découverte du Large Hadron Collider. Un développement intéressant sur la recherche d'une unification des grandes forces qui régissent l'univers ( "The Theory of Everthing"), actualisé avec les données les plus récentes est particulièrement apprécié.




• La dernière partie se penche sur une vision sociétale de l'infini, de sa portée philosophique et religieuse.

Trinh Xuan Thuan est un bon vulgarisateur: à l'image de Reeves ou Hawkins, il permet d'aborder, moyennant un léger bagage physico-mathématique, les thème les plus primordiaux, magnifiques et vertigineux qui existent. On appréciera tout particulièrement l'intense recherche bibliographie qui mène à des parallèles vraiment subtils entre la littérature et la science. D'autre part, bouddhiste, il nous livre sa vision philosophique de la création et du sens de la vie.

Je lui reproche cependant, de donner de manière trop péremptoire sa vision de la "raison des choses", en particulier de la conscience et de la neurobiologie. Malgré son immense talent dans le domaine de la physique, ses lacunes en la matière sont criantes, presque embarrassantes à lire. Il est dommage, dans une démarche rationnelle, de commencer une phrase par "Il m'est impossible d'accepter, ou : "ma sensibilité d'accepte pas que..". La nature précise de la conscience reste un mystère et l'attitude, à mon sens, la plus juste à adopter sur ce sujet est la réserve en attendant des résultats plus probants, plus lisibles, surtout lorsqu'il ne s'agit pas de notre domaine de compétences. Notons qu'il ne s'agit que d'une infime partie du livre qui ne nuit en rien à la qualité de l'ouvrage et qui ne dérangera sûrement que les initiés aux questions des réseaux neuronaux.
Enfin, notons que le passage final, qui consiste en un raisonnement par l'absurde: "et si la mort n'existait pas", est trivial et assez décevant, peu d'idées sont développées et il est dommage de terminer sur cette note particulièrement pauvre philosophiquement.

Du reste, ce livre est une belle synthèse de ce que l'on sait, et surtout de ce que l'on ne sait pas sur la notion d'infini.

J'ajouterais que, pour avoir lu beaucoup de bouquins sur le sujet, je recommanderai au profane de lire Reeves sur les mêmes sujets, qui est à mon sens légèrement moins pédant, et infiniment plus poétique. (Voir lectures connexes.)

Lectures connexes:

Poussière d'Etoiles - Hubert Reeves

Our future in the Universe - Chris Impey

Une belle Histoire du Temps - Stephen Hawking

Le gène égoïste - Richard Dawkins

Le Sahara vient des étoiles Bleues - Jean-François Becquaert