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Cette critique pourra donner l’impression que j’ai boudé mon plaisir alors que De la misère en milieu publicitaire est une lecture tout à fait recommandable. C’est parce que lire ce genre de livres, pour quelqu’un qui, comme moi, ne fait pas ou plus partie de « ceux qui croient encore que la publicité a pour fonction d’informer en amusant » (p. 13), c’est devenu comme se masturber en colonie de vacances pour un adolescent de quinze ans : toujours agréable et quelque part réconfortant quand on songe qu’on n’est pas le seul – mais pas fécond
Un mot sur le titre, d’abord. Le milieu publicitaire dont il est question dans l’ouvrage n’est pas circonscrit au milieu des pubards et autres communicants : c’est notre société post-industrielle entière, aux paysages urbains et péri-urbains ravagés par les supplications putassières, dans laquelle trois de nos cinq sens sont sollicités par des gens qui ont des choses à nous vendre – en attendant les marketings tactile et gustatif. À cet égard, le sous-titre, Comment le monde se meurt de notre mode de vie, est moins situationniste mais plus éclairant.
De fait, si le Groupe Marcuse critique la publicité comme la partie émergée d’un iceberg, c’est à l’iceberg tout entier qu’il entend s’attaquer. Plus exactement, « la publicité n’est que la partie émergée de cet iceberg qu’est le système publicitaire et, plus largement, de l’océan glacé dans lequel il évolue : la société marchande et sa croissance dévastatrice » (p. 15). C’est ainsi que l’« on reconnaît plus de logos que de sortes de fleurs, on connaît plus de slogans que de poèmes, etc. » (p. 36)…
L’ouvrage est donc défini comme un « manifeste contre la publicité et “la vie qui va avec” » (p. 17). Là encore, l’indication peut être trompeuse : alors que souvent les manifestes, surtout contre quelque chose, se résument à une série d’aboiements, celui-ci est argumenté, solidement étayé sur des explications d’autant plus efficaces qu’une bonne partie des déclarations desquelles elles partent émane des publicitaires eux-mêmes. D’une manière plus générale, la langue du capitalisme est pertinemment évoquée çà et là (de façon plus laconique mais plus convaincante que dans LQR d’Éric Hazan, par exemple) : écrire que « la seule chose publique dans la publicité, c’est le public importuné » (p. 25) ou que « Les notions d’“échange” et de “marché”, qui connotent la coopération et la paix, masquent trop souvent dans les esprits contemporains, le fait moderne central de l’accumulation » (p. 48), par exemple, c’est déjà en faire la critique.
Je dis plus haut que certaines analyses du livre partent des affirmations des publicitaires eux-mêmes. Elles ne s’y limitent pas, les auteurs de ce travail collectif apportant là leur expertise : indépendamment de tout parti pris, certaines pages de De la misère…, dont le propos ne porte pas que sur la publicité, constituent une très bonne introduction aux sciences économiques, et en particulier à l’histoire du capitalisme. De fait, il me semble qu’on manquerait le coche si on coupait la publicité, cette « industrie de promotion de l’industrie » (p. 46), de la logique d’accumulation sans fin qui caractérise le capitalisme.
Pour finir, et avant que cette critique ne devienne trop longue pour nos cerveaux habitués à ne même plus regarder en entier une vidéo sur Youtube, un mot sur le qualificatif de gauche qu’on pourrait assigner à De la misère humaine en milieu publicitaire – comme à mainte publication des Éditions de la Découverte. À l’image de certains travaux tellement à gauche qu’ils en deviennent apolitiques – ceux de Jean-Claude Michéa, ceux de l’Encyclopédie des Nuisances –, celui-ci critique bien plus sévèrement la gauche que la droite. C’est qu’on n’est jamais trahi par ses adversaires déclarés.

Alcofribas
7
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le 9 nov. 2019

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Alcofribas

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