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Je ne suis que littérature et je ne peux ni ne veux être rien d'autre

Maurice Blanchot analyse le labyrinthe kafkaïen dans onze études, publiées entre 1943 et 1968. Les cinq premières m'intéressent particulièrement : "La littérature et le droit à la mort" (1947), "La lecture de Kafka" (1943), "Kafka et la littérature" (1949), "Kafka et l'exigence de l'œuvre" (1958) et "La mort contente" (1952). Blanchot insiste sur les aspects sombres de la personnalité de Franz : conflits de conscience, besoin de solitude, angoisse, fascination pour la mort. Où sont donc passés son humour, son esprit malicieux et son faible pour les blagues ou les farces ?


"La littérature et le droit à la mort" s'interroge sur la littérature, l'écriture et sur l'écrivain confronté à l'œuvre et à la mort. On y croise Hegel, Sade, Hölderlin, Mallarmé, Lautréamont, Ponge et Kafka. "Tant que je vis, je suis un homme mortel, mais, quand je meurs, cessant d'être un homme, je cesse aussi d'être mortel, je ne suis plus capable de mourir et la mort qui s'annonce me fait horreur, parce que je la vois telle qu'elle est : non plus mort, mais impossibilité de mourir. De l'impossibilité de la mort, certaines religions ont fait l'immortalité. C'est-à-dire qu'elles ont essayé "d'humaniser" le fait même qui signifie : "Je cesse d'être un homme". D'autres religions optent pour "la malédiction des renaissances : on meurt, mais on meurt mal parce qu'on a mal vécu, on est condamné à revivre, et on revit jusqu'à ce qu'étant devenu tout à fait homme, on devient, en mourant, un homme bienheureux : un homme vraiment mort. Kafka, par "La Kabbale" et les traditions orientales, a hérité ce thème. L'homme entre dans la nuit, mais la nuit conduit au réveil, et le voilà vermine."


Dans "Kafka et l'exigence de l'œuvre", Blanchot analyse les idées de Kafka sur l'art et la littérature à l'aide de ses écrits. "Le Joseph K. du Procès s'imagine que les choses vont toujours continuer et qu'il est encore dans le monde, alors que dès la première phrase, il en est rejeté. La faute de Joseph, comme sans doute celle que Kafka se reprochait à l'époque où il écrivait ce livre, est de vouloir gagner son procès dans le monde même, auquel il croit toujours appartenir, mais où son coeur froid, vide, son existence de célibataire et de bureaucrate, son indifférence à sa famille - tous traits de caractère que Kafka retrouvait en lui-même - l'empêchent déjà de prendre pied."


Dans "La mort contente", Blanchot réfléchit sur certains passages du "Journal", comme : "Ce que j'ai écrit de meilleur se fonde sur une aptitude à mourir content. Dans tous ces bons passages, fortement convaincants, il s'agit toujours de quelqu'un qui meurt et qui le trouve très dur et y voit une injustice ; tout cela, du moins à mon avis, est très émouvant pour le lecteur. Mais, pour moi, qui crois pouvoir être content sur mon lit de mort, de telles descriptions sont secrètement un jeu, je me réjouis même de mourir dans le mourant, j'utilise donc d'une manière calculée l'attention du lecteur ainsi rassemblée sur la mort, je garde l'esprit bien plus clair que celui-ci dont je suppose qu'il se lamentera sur son lit de mort, ma lamentation est donc aussi parfaite que possible, elle ne s'interrompt pas d'une manière abrupte comme une lamentation réelle, mais elle suit son cours beau et pur..." Blanchot résume ainsi : "L'on ne peut écrire que si l'on reste maître de soi devant la mort, si l'on a établi avec elle des rapports de souveraineté." Et "La relation avec le monde normal est d'ores et déjà brisée : Kafka est en quelque sorte déjà mort, cela lui est donné, et ce don est lié à celui d'écrire."

lionelbonhouvrier
8

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le 4 mars 2020

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