"Seul le silence", c'est un titre de Ellory... Mais ce roman d'Alain Blottière, d'une affolante crédibilité est très éloigné de ce polar américain. Dans ce livre, "Comment Baptiste est mort", le silence est le principal héros. Baptiste devenu Yumaï, ou le renard du désert, jeune adolescent de 14 ans, seul rescapé d'une famille de cinq personnes enlevée par des djihadistes se retrouve interrogé pour un débriefing après sa libération. Baptiste est mort. C'est Yumaï qui raconte. Mais il n'en a pas envie. Il ne veut pas se souvenir comme s'il avait peur de sa mémoire. Le silence semble son seul compagnon...
Pourtant, la ténacité et le savoir-faire de son interrogateur vont petit à petit l'ouvrir à la réalité du monde qui l'entoure et reconstituer son parcours. Entre tortures, violence psychologique, menace permanente, apprentissage de la terreur, mascarades séductrices, pertes de repères, l'adolescent va revivre sa lente destruction jusqu'à en rejeter son prénom de naissance. Au cœur du désert, où la famine côtoie la soif, la solitude, le froid, il n'est plus question de religion, de messie, de foi, mais de survie. L'horreur de la terreur devient une réalité sèche à laquelle il faut se soumettre, pour apprendre à la répliquer, à terroriser à son tour, à maîtriser les pires sévices pour transformer sa victime en esclave total.
"Comment Baptiste est mort" est une description méticuleuse du fanatisme qui ronge les individus comme le pire des cancers, en en faisant les bras armés de causes insupportables. Et tous les moyens sont bons, y compris d'utiliser les enfants, les adolescents pour en faire des "renards du désert" en utilisant leur frayeur, leur épouvante, leur propre terreur comme un outil du Diable en personne.
C'est dérangeant, absurde, insupportable, violent... c'est l'horreur absolue.
Lorsque Baptiste retrouve la mémoire par bribe, ou du moins, qu'il accepte de se souvenir, la lecture elle-même devient une sorte de douleur intolérable, qui nous soumet à une sorte de torture comprenant que l'avenir semble fermé, impossible, neutralisé.
J'en ai encore des frissons...
Et Yumaï, ou Baptiste, racontera comment il trouva une sorte de réconfort dans le silence, tandis qu'il était seul dans le désert, aux portes d'une grotte recouverte de peintures en forme de main. Cette solitude infinie le rapprochait des beautés de l'univers et du ciel étoilé, malgré la peur et le froid, en lui apportant un apaisement improbable. En évitant de sombrer dans un désespoir total...
Mais l'horreur de ces causes illusoires ne restait jamais loin.
Même le silence ne parvenait plus à couvrir l'absurdité d'une terreur funeste.
Une terreur froide, impossible, indicible...
Comment Baptiste pourrait-il renaître... ? Il est mort.