Le proverbe dit qu’il ne faut pas juger un livre à sa couverture, variante de « l’habit ne fait pas le moine ». Pourtant, je n’ai acheté celui-ci uniquement parce que j’ai été attiré par son aspect extérieur. Faisant partie d’un groupe de livres acheté en 20 minutes lors d’un épisode de panique « je n’ai plus rien à lire, merde » pré-confinement, la couverture était un peu l’unique aspect sur lequel me baser.


Vous le voyez par vous-mêmes, celle-ci fait penser à une oeuvre idéale entre deux livres qui nécessitent plus de concentration. Il y a une idée de tranquillité qui se dégage de cette couverture, portée par l’immobilité et la sérénité d’une montagne millénaire.


La 4ème de couverture vient pourtant titiller plus avant la curiosité: « ci-gît Chaudun, village maudit qui fut vendu en 1895 par ses habitants à l’administration des Eaux et Forêts ».


J’ai bien du mal à décrire ce livre, ne sachant dans quelle case le ranger. Il s’agit à la fois d’une histoire humaine, d’une étude historique et sociale, d’une contemplation de la nature et d’un récit personnel, l’auteur ayant grandi dans les montagnes des Hautes-Alpes.


Ce qui est certain, c’est sa simplicité : 170 pages remplies de caractères assez gros, sans cliffhanger ou retournement de situation. C’est peut-être d’ailleurs son humilité qui m’a plu, un peu comme le film de Benoît Poolvorde et d’Edouard Baer, Raoul Taburin. C’est un livre sans ambition, dans le bon sens du terme. Il raconte une histoire, sans en faire des tonnes, sans se prendre pour ce qu’il n’est pas.


On y admirera la capacité des archives de l’administration à garder des documents n’ayant aucune importance ou signification, mais qui donnent nombres d’incides sur la vie d’un village montagnard français de la fin du XIXè siècle: les changements de curés et d’instituteurs, les petites querelles de voisinages, les difficultés d’approvisionnement, les naissances et les décès, les départs pour l’Amérique ou pour la guerre, etc. Luc Bronner retrouve même des exercices donnés par l’instituteur du village, dont je ne peux résister à vous donner un exemple.


Composition française: Vous avez reçu quelque instruction: n’avez-vous pas ainsi contracté une dette ? De quelle importance ? Envers qui ? Et comment vous acquitterez-vous de cette dette ?


Mais ce récit humain n’est présent que pour nous expliquer, sans moralisation ni jugemment, pourquoi l’administration française des Eaux & Forêts a pu – et dû – racheter le village. L’auteur nous raconte comment, d’une terre certes peu accueillante, Chaudun est devenu terre hostile, impraticable, et dangereuse. Si la montagne est blessée, c’est parce que l’homme y a fait n’importe quoi, sans mauvaise intention ni préméditation, sans même d’arrière-pensée vilement pécunière, simplement pour la survie.


Il y a coupé tous les arbres, pour se chauffer l’hiver et réparer ses maisons, arbres qui faisaient la cohésion des sols. Il y a fait paître des centaines de moutons pour se faire un peu de laine et de sous, moutons qui ont dévasté la basse végétation et rendu les terres encore plus arides. Et bien d’autres choses encore. Au bout du compte, il a fini par quitter définitivement la zone.


Mais ne vous inquiétez pas: si Chaudun est effectivement le récit d’un désastre écologique et humain, c’est aussi le récit d’une renaissance, hallucinante, irréelle, organisée par les Eaux & Forêts, que je vous laisserai découvrir. L’histoire est trop belle et trop bien contée pour être résumée ici.


Retenez peut-être simplement que l’histoire de ce renouveau écologique est riche d’enseignements, notamment sur l’investissement de l’administration et les connaissances des écosystèmes. Si, bien sûr, on ne pouvait se rendre compte de pertubations à l’échelle du globe, l’homme n’a pas attendu le XXIè siècle pour agir sur son environnement direct.


Je vous recommande donc chaudement la lecture de ce récit: attachant, poétique et simple, il me semble qu’il convient parfaitement aux besoins du moment.


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le 19 févr. 2021

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