Berthe Morisot est l’une des rares peintres femmes que l’histoire du XIXème retienne. Si l’on évoque son nom, on pense à son célèbre Berceau, que l’on peut admirer au Musée d’Orsay, ou encore à ce fameux tableau d’ Édouard Manet, le Balcon, où la jeune peintre pose en robe blanche, dans l’encadrement vert d’un balcon printanier. Que ce soit dans ses poses lascives sur les nombreux tableaux que lui a consacré Manet, comme dans la provocante Berthe au soulier rose, ou dans le simple fait qu’elle était une femme artiste, à une époque où aucune personne de son sexe n’exerçait cette profession, ou encore dans son mariage tardif à presque quarante ans, Berthe Morisot demeure une figure mystérieuse de son temps.

Était-elle une de ses femmess bohèmes, qui fleurissaient à Montmartre ou à Montparnasse ?

Berthe Morisot est née en 1841 à Bourges, d’un père préfet, et d’une mère aux aspirations artistiques brimées, on la dit descendante du peintre Fragonard. De bonne famille, Berthe Morisot restera très attachée à ses parents. Très tôt passionnée par les cours d’art qu’elle prend aux côtés de ses deux sœurs, elle sera la seule à ne pas considérer cette activité comme une occupation de jeune femme éduquée. Proche de sa sœur Edma, elles exposent dans les premiers Salon de peinture et de sculpture parisiens, quelques toiles qui connaitront une notoriété discrète. Mais c’est en fréquentant le Louvre et l’école des copistes, sous le chaperonnage de leur mère, que les deux sœurs rencontreront les jeunes peintres de leurs temps, au premier rang desquels les frères Manet.

Si Edma, talentueuse, peut-être plus que sa sœur, se rangera vite dans la vie matrimoniale et ses impératifs, Berthe Morisot demeure toute entière pour sa peinture. Stoïque, intègre, peut-être même distante, elle traverse la guerre en 1870, puis le siège de Paris, elle connaît la faim, et finalement un peu la peur. Ses toiles ne s’en ressentent pas tellement, si ce n’est peut-être qu’elle manque d’air et de ces grands espaces que le futur courant impressionniste allait tant célébrer.

Avec le retour de la paix à Paris, revient le temps des expositions. Manet est décrié comme un peintre rebelle et négligé. Son Olympia est rayé, son Déjeuner sur l’herbe moqué…mais l’artiste ne perd rien de sa morgue et de sa confiance. Avec ses amis Auguste Renoir, Claude Monet, Paul Gauguin, entre autres, ils fondent un second salon, le Salon des Refusés, ou le salon Nadar, du nom du galeriste chez qui ils exposent. Berthe Morisot se joint à l’exposition de ceux dont elle allait être l’amie fidèle durant toute sa vie.

Berthe Morisot deviendra une Madame Manet. Mais ce n’est pas d’Édouard, le peintre frivole et talentueux, dont elle devient l’épouse, mais d’Eugène, son frère plus sérieux et fidèle. De leur mariage naîtra sa fille Julie, passion de toute sa vie.

Femme artiste avant-gardiste, Berthe Morisot restera toujours attachée à sa classe sociale et à son éducation. Alors que des femmes aux penchant plus ou moins artistiques papillonnent dans cet univers bohème et révolutionnaire, Berthe est une travailleuse acharnée.

Dominique Bona, membre de l’Académie Française, s’est plongée dans les nombreux échanges épistolaires de la peintre, dans ses archives, et dans ses toiles…

Elle a choisit de l’aborder sous son jour le plus mystérieux, par cette toile qu’Édouard Manet peint d’elle, où, vêtue de noir comme à son accoutumée, elle pose avec un sourire énigmatique, avec ce bouquet de violette….

À sa sœur, sa confidente, celle qui posa pour Le Berceau, Berthe confie ses aspirations, ses craintes, ses espoirs…

Jeune femme, elle échangeait pudiquement avec Pierre Puvis de Chavanne, sur leur art et leur amitié….Sans nul doute le peintre plus classique du Rêve, et du Printemps, de plusieurs années son aîné, aurait pu demander sa main s’il n’avait du affronter l’hostilité du clan Morisot.

Avec son mari, Eugène, elle était complice et unie. Rentier, il gérait sa carrière et se passionnait pour l’art de sa femme…mais elle ne sera au plus intime de leurs échanges que sa « chère amie », cette épouse peintre si avant-gardiste dans son activité, et si classique dans ses élans familiaux.

Mais d’Édouard Manet, il n’existe presque pas, ou peu de lettres. On pourra s’en étonner, vu la proximité du lien qui unissait les deux peintres, et laisser au mystère ce qui lui appartient.

Berthe Morisot laisse une œuvre forte et énigmatique. D’elle on sait beaucoup, et pourtant il pourrait nous manquer l’essentiel. La source de son inspiration, la motivation de sa volonté inflexible, de son engagement si total pour son art, venant d’une femme si indépendante à une époque où les filles de bonne famille se mariait et fondait une famille et les personnalités plus bohèmes posait pour les artistes. Berthe Morisot sera une des rares exceptions de son temps, qui, à l’instar de son ancêtre Fragonard, su déplacer les perspectives, pour se placer quant à elle derrière la toile, femme artiste et non plus femmes d’art.
madamedub
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le 17 sept. 2013

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