[Lu sous le titre Femmes d'été, femmes d'hiver aux éditions 10/18]


Jonas Rosen est un tout jeune homme, étudiant en cinéma, quand il débarque à New-York en 1996. Il vient de Berlin où il a laissé sa petite amie, Mah, et doit préparer la venue d’un groupe d’étudiants sensé tourner un film sous la direction de leur professeur. Dès son arrivée, les choses s’annoncent un peu plus compliquées que prévu. Il doit d’abord compter sur un hôte un rien déjanté dont les capacités ménagères sont inexistantes. Et Jonas va bientôt croiser la route de Nele, stagiaire de l’institut Goethe, qui doit l’aider dans sa tâche et dont la personnalité hors cadre va le fasciner. Et c’est sans compter la présence dans la ville de “tante Paula”, une vieille dame juive que le grand-père de Jonas, le Sturmbannführer Rosen, a sauvé pendant la guerre. Mais pour Jonas, hors de question de se pencher sur ce passé même si tout l’y ramène irrésistiblement.


Chris Kraus poursuit ici son travail exploratoire sur le passé de l’Allemagne et sur l’héritage que doivent endosser les jeunes générations, descendants de nazis, et sur la manière dont elles peuvent gérer ce leg encombrant.


Ce qui est remarquable, c’est que l’auteur, même s’il revient sur des thèmes qu’il a abordés dans La Fabrique des salauds, écrit un livre totalement différent. Le style ici, peut se comparer à celui d’auteurs américains tels que Richard Ford ou Richard Russo voire à l’univers de Woody Allen, dans le côté parfois légèrement absurde et décalé des événements. L’histoire aussi qui met en scène un jeune homme déchiré par l’histoire familiale mais aussi entre deux femmes que tout oppose, la très jalouse Mah et l’évaporée Nele, une femme d’hiver contre une femme d’été.


Chris Kraus nous livre l’histoire sous la forme d’un journal tenu par Jonas sur la période où il est à New-York, retraçant jour par jour ce qui lui arrive, les rencontres qu’il fait, les évènements qu’il traverse. C’est subtilement drôle, grave sans être pesant, incroyablement intelligent, totalement addictif.


C’est ce genre de livre qu’on peine à lâcher avant la phrase finale mais qu’on regrette de fermer définitivement. Une vraie réussite !

Christlbouquine
10
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le 19 déc. 2023

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Christlbouquine

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