Je les ai pas tous lu mais voilà sans doute un des meilleurs romans français de l'année. Loin de toute autofiction étroite, Senges déploie un vaste roman sur des fondations purement imaginaires, textuelles, soit les vies du Capitaine Achab et Moby Dick, les créations de Melville, avant et après leur rencontre.
Imaginer à partir de imaginaire d'un autre écrivain, écrire à partir du autre écriture, on pourrait craindre le parasitisme, mais Senges réussit à imposer sa propre création. Dans la fidélité, car comme le roman de Melville, la fiction se fait ici encyclopédique, ancrée dans la réalité biologique, saturée d'érudition.
Tel Melville, Senges refuse de fixer un cadre à sa fiction, ici le monde entier est le sujet, l'Amérique surtout, Hollywood et Broadwat, tel mais aussi Shakespeare, mais aussi la littérature elle-même, mais aussi et surtout la dimension métaphysique, religieuse parfois du texte de départ est reprise, décalée, mais toujours surplombant les aventures, comme les moments de stase de la vie d'Achab, et celle de la baleine.
Senges est fidèle mais forcément indépendant, le second sujet de roman est après la vie des personnages de 'Moby Dick', 'Moby Dick' lui-même c'est à dire, l'objet d'Art et le mythe, et on suit le parcours d'Achab qui cherche à raconter son histoire, des bars miteux à Hollywood en passant par Broadway, ici se joue l'invention d'un mythe contemporain, la baleine blanche et son chasseur à la rancune inextinguible. Le cinéma est bien sur au centre de cette création de mythe typiquement américaine, pourtant Achab échouera à convaincre les meilleurs réalisateurs de l'époque (Sternberg, Stroheim, Wilder, Welles etc...), comme si l'écran même était trop petit pour son histoire.
Le ton du livre est bien sur plus "méta" ou post-moderne que celui de Melville mais on ne tombe jamais dans l'artifice.
La langue de Senges, oscillant dans un même mouvement entre l'analytique et le fantaisiste rend se voyage passionnant et jamais ennuyeux, maniaque de la liste interminable, il semble incapable d'écrire une seule phrase banale, tenant ce rythme sur plus de 600 pages, il montre une endurance semblable aux cachalots qui ne reviennent respirer à la surface qu'après des plongées en apnée de plus d'une heure.

ArnoldB
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le 25 sept. 2015

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