Quête semblant sans fin où chaque chapitre, tel une sorte de jeu de plate-forme macabre, est un monde onirique et lugubre dont la jeune héroïne doit comprendre les codes, pour l'apprivoiser ou s'en échapper.
C'est ainsi que l'on pourrait résumer grossièrement le premier roman d'Alexandra Ourse. Mais ça serait un peu vite oublier la dimension quasi existentielle de l'ensemble car notre Abigaël, à travers ses pérégrinations angoissées et la galerie de personnages qu'elle rencontre, soulève à la fois la question de notre rapport (et sans doute plus particulièrement celui de l'auteure) au sommeil mais aussi de l'acceptation de l'autre ou de sa propre remise en question, aspects très présents dans des dialogues à la fois incisifs et surréalistes, notamment.
Ce n'est qu'après avoir affronté, en y laissant quelques plumes, les monstres les plus sadiques que son esprit puisse produire que la craintive Abi se découvrira des ressources insoupçonnées de courage et d'abnégation. Une fois canalisée sa colère et ses peurs, sera-t-elle capable d'atteindre la sérénité nécessaire à la paix du corps et de l'esprit ? Rien n'est moins sûr, mais comptez sur Alexandra Ourse pour vous mener par le bout du nez à travers son univers sombre et complexe où planent les esprits de Carroll, Burton et Lovecraft pour un résultat à la saveur horrifique maîtrisée de fort belle manière.
Ce tourbillon de sensations, parfois dérangeantes mais souvent empreintes d'une certaine tendresse, de mystères "psychanalytiques" foisonnants et de péripéties haletantes décrites avec précision et raffinement mérite qu'on s'y attarde, ne serait-ce que pour soutenir la délicate Abigaël dans sa poursuite désespérée des bras de Morphée.