Littérature 2017

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Un récent conseil de lecture qui s'est avéré rapidement devenir une véritable claque au fil des pages. Un Mexique qui veut se passer de Dieu, le périple de son dernier prêtre dont le voyage dans son fort intérieur est aussi difficile que sa traversée du pays. Le poids des croyances dans la société, la question de l'identité, la finalité de l'existence et les fondements du sacré sont des thèmes parmi d'autres qui parsèment l'oeuvre. Un style plus qu'inspiré et une galerie de protagonistes propices à un discours d'une incroyable justesse. Une foultitude de passages magnifiques et la concrétisation dans les derniers instants de la richesse contenue dès les premières pages donnant une portée à l'oeuvre toute entière. Graham Greene parvient (comme c'est souligné dans le roman même) à extraire une pureté de l'impropre et c'est fascinant à lire, criant de vérité, témoignant d'une profonde réflexion sur le sujet.

Petit passage, un parmi d'autres qui a pu me marquer, à ne pas lire si vous souhaitez découvrir de vous-mêmes !

"(...)Il ne la distinguait pas, dans l'obscurité, mais il pouvait retrouver dans ses vieux souvenirs un grand nombre de visages avec lesquels cette voix se serait fort bien accordée. Lorsqu'on peut imaginer avec minutie le visage d'un homme ou d'une femme, on se met inévitablement à ressentir de la pitié... à cause d'une qualité qui s'attache à l'image de Dieu... Si l'on examine les petites rides au coin des yeux, la forme de la bouche, la naissance des cheveux, il est impossible de haïr. La haine n'est qu'une défaite de l'imagination (...)"

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Une oeuvre assez fascinante que nous donne à lire Lewis Carroll. Un rapport au monde assez unique, une habileté du verbe et des codes permettant au lecteur d'atteindre une expérience presque dérangeante. D'une justesse assez hallucinante faisant de cet onirisme un conte philosophique par bien des aspects, un regard malin sur les mœurs d'une époque dans ce qui se veut être avant toute chose une invitation au voyage. Cette invitation c'est un minimalisme de la description couplé à une minutie dans les rares détails livrés. En cela Caroll parvient à donner ses pistes de lectures non sans mal tout en évitant d'imposer au lecteur un imaginaire bien précis ce qui de fait implique ce dernier de manière assez forte, bien aidé par cette rationalisation de l'absurde typique du rêve. C'est tout simplement brillant, une oeuvre qui parle et parlera à tous grâce à ce style aussi ludique que maîtrisé.

Une invitation au voyage et à l'imaginaire telle qu'il est évident que l'on se jette dessus pour une adaptation. Mais le genre est différent et les codes du langage le sont tout autant. Si le film d'animation Disney s'en sort c'est probablement en raison de cette ambiance entre rire et malaise, folie et beaux sentiments qui est cultivée sans cesse. C'est également permis par un travail visuel cohérent, chose paradoxale dans un univers a priori si insensé. Un sacré exploit car une telle oeuvre implique finalement trop son lecteur pour que la moindre adaptation puisse se révéler satisfaisante.

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Œuvre pourtant réputée et qu'on m'a assez souvent incité à découvrir, il est probable que la grandeur des attentes ait nuit à la lecture. Si la fin est parfaite, la nouvelle a beau traiter d'une foultitude de thèmes aussi prenants qu'importants, la structure de cette dernière et le déroulement de certains passages m'ont laissé sur ma faim. Formellement l’enchâssement des récits si caractéristique du genre est assez convenu. Un propos puissant pour une écriture efficace mais pas systématiquement non plus.
J'ai pu souvent lire que M.B. et Czentovic s'opposaient en tout point, chose qui me semble assez incohérente. Encore jeune homme Czentovic est cet automate déshumanisé brisé à la naissance, orphelin sans motivation, il n'existe que dans la confrontation avec autrui et tire satisfaction du gain, il est l'enfant d'une époque inhumaine sans pensée ni émotion. Il n'existe que du belliqueux, pas de jeu. Beaucoup plus âgé M.B. a également été brisé à cette période où la confrontation à autrui l'a conduit à cette confrontation contre soi, une destruction douloureuse de son humaine condition. Ils sont alors les parfaits reflets, « décérébrés » dans la froideur morbide de ce jeu qui les aliène définitivement. L'imagination de M.B. n'est que le reste d'une époque révolue. Défaite de l'esprit, l'humanité incarnée par ces spectateurs pourtant témoins de quelque chose d'immense et de grave ne voient rien, ne comprennent rien, perdus eux-aussi. Y avait-il erreur sur l'échiquier ? M.B. avait-il trop de coups d'avance pour être compris ? Seul individu pas totalement broyé par l'époque, il choisit logiquement de partir. La défaite contre soi et contre le monde étant actée. Ne se reconnaissant plus en rien ni personne, y compris lui-même comme le fit Zweig. Par ailleurs Czentovic n'a pas évolué malgré le conflit d'où ces derniers mots mémorables, nouvelle défaite de la pensée. Notre narrateur comme notre équipage peuvent continuer leur route en mer à la dérive dans ce monde comme ultime huis clos carcéral, aveugles dans leurs chutes respectives alors que la bataille des idées étaient sous leurs yeux. Or le terrible constat c'est qu'il n'y a plus de place pour les esprits dans ce champ de bataille mondain. Tenter une dernière fois de se sauver, de changer ce monde, c'est faire l'expérience de sa destruction comme de la nôtre. Un final fort, triste et désabusé qui fait de cette nouvelle une œuvre qui m'aura bien divisé en définitive.

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Relecture de ce livre qui me marque inlassablement. Maupassant ne pouvant s’empêcher de côtoyer le fantastique même là on l'on s'y attendrait le moins. Malin le bougre.

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Sortie plus ou moins 20 ans avant l'excellente adaptation de Pasolini, cette version signée Anouilh se démarque au-delà de sa simple forme. Dans cet univers au lexique cadavérique où morts et chairs putrides gouvernent ce chaos des cœurs comme des cités, Anouilh livre une vision modernisée qui connait son apogée lors de la "confrontation" entre Médée et Jason. L'écriture y atteint des sommets dans cette passion dévorante de chairs et de vie, c'est déchirant à plus d'un titre.

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La première partie est parfaite, si parfaite que c'est dans ces moments que l'on rage de ne pas avoir écrit ces mots. Un texte qui me parle énormément, tout bonnement excellent. Seconde partie plus convenue mais qu'importe, l'écriture comme le travail de notre personnage frappe le lecteur. Encore une fois une première partie excellente. Le fantastique dans toute sa splendeur, une pensée de la peur et ses dérives au quotidien, sublime.

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Perte de repères mondains en plein Paris. Pas la plus grande ambition mais encore une nouvelle fantastique qui nous saisit. Ce malaise, cette errance inavouée, cette crainte du devenir, quand le connu s’obscurcit c'est fascinant pour ne pas dire terrifiant.

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un indispensable

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Après avoir été fasciné par La Puissance et la Gloire, impossible de ne pas me plonger dans la lecture de cette nouvelle de Graham Greene présente (et plus encore) dans Donnie Darko, autre œuvre mémorable.
Ce qui une nouvelle fois impressionne c'est bien la force des thèmes abordés, d'une cohérence historique certes redoutable mais à la portée universelle.
Dans un quartier londonien, alors que la guerre a ravagé des lieux entiers plutôt que d'autres, une demeure a su résister au mal. Tandis que la reconstruction opère dans le pays comme on l'imagine aisément, une bande de jeunes gens décident que ce sera par la destruction que ce bâtiment historique finira. La destitution des idoles, l'éclatement des vestiges et symboles. Dans ce monde désenchanté notre écrivain célèbre le chaos comme réponse à l'absurdité. Aucune mauvaise pensée, seulement la réaction la plus sensée à une époque gangrenée par la violence où le deuil de la raison s'impose. Le ludique prenant alors le pas sur les bombes, (re)créant par une incessante destruction ce qui nous sert encore de monde. Une pensée de l'art, de l'humain, une profonde douleur mais sans haine ni rancœur. Une génération enfantée dans la guerre qui célèbre comme il se doit les legs de leurs aînés et semblables. La création comme récréation puérile où la vie tente tant bien que mal de poursuivre sa route. Brillant et émouvant.

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Après ma déception que fut Le Joueur d'échec il y avait quelques craintes à se lancer dans la lecture de cette nouvelle de Zweig.

Mais dès les premières lignes la gorge se noue et une profonde tristesse nous envahit. La confusion entre le lecteur que nous sommes et ce "bien aimé" nous donne à vivre dirons-nous une expérience aussi belle que pénible. Il y a toujours cette tentation à la lecture d'une oeuvre de noter un passage, une phrase, une expression qui nous bouleverse plus qu'une autre. Un réflexe aussi ludique que passionné qui se heurte à la présente oeuvre tant il est compliqué de mettre en avant un passage plutôt qu'un autre. Au rythme de la mort cet amour d'une vie qui se dévoile sous nos yeux attristés nous marque inlassablement. Aucune coupure de faite et nous sombrons dans les abîmes d'un cœur qui a tout vécu tout connu alors que le nôtre est mis à rude épreuve.
La Lettre d'une inconnue c'est le récit d'une vie, des morceaux de vie et anecdotes que l'on a tous vécu et qui nous investiront forcément tant cette oeuvre fait émerger ce que l'on croyait parfois enfoui. C'est ce voyage pour un être cher, ce rendez-vous irréel où l'on préfère alors se taire et écouter, ces moments où l'on veut crier mais par crainte de tout perdre on fait le deuil du possible au profit de l'instant présent quitte à tout rater.
Lettre d'une inconnue c'est l'histoire de cette étrangère qui paradoxalement puise sa force dans ce qui n'a rien d'inconnu. Cette naïveté, cet espérance, ce fanatisme pour autrui devenant notre fenêtre sur le monde, devenant le monde tout simplement. Cette violence des cœurs couplée à de si douces paroles. Une lettre libératrice pour l'une, une vie à refaire sur les cendres des souvenirs pour l'autre. Une nouvelle d'une beauté rare à l'adaptation cinématographique toute aussi réussie. Il n'y a pas de bon moment pour lire ces mots. Ils nous brisent, nous touchent, nous broient. Sublime.

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Fable considérée comme une des sources de la pensée libérale, ce texte de Mandeville possède un intérêt certain en raison de la radicalité de son regard sur la nature humaine. L'homme est orgueilleux et vaniteux, ne vise que la luxure égoïstement. Cette domination d'une minorité sur une majorité d'assujettis laissant place à une société dont le vice reste le mécanisme nécessaire pour ne pas dire universel à son bon fonctionnement. Ôtez ce vice et alors toute la société prospère s'écroule. Exit Hobbes et sa nécessité de contrat puisque les maux de notre nature sont indispensables à l'existence d'une société durable aussi inégalitaire et corrompue soit-elle. On comprend dès lors la réaction d'un Rousseau tant sa conception de l'humain s'y oppose.

Texte assez rapide à lire, loin de la subtilité certes mais qui trouve un écho chez Smith comme chez Hume par ailleurs. Le déploiement des ego et désirs comme moteur de la paix civile, la morale cantonnée à un rôle destructeur des fondations.

Un fable comme point d'accroche à la pensée des Lumières mais bien au-delà aussi.

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Court roman d'André Gide qui nous rappelle tout d'abord et c'est toujours de bon ton qu'il y a autant de livres que de lecteurs. En s'appuyant sur la lecture de la Bible par un pasteur comme par d'autres protagonistes de son entourage, Gide déploie alors cette manière de lire une œuvre à notre façon de voir le monde jusque dans ses détails les plus évidents et sur lesquels nous ne prêtons par habitude plus la moindre attention.

Par sa forme Gide prône une certaine efficacité et authenticité dans l'écriture de ce pasteur qui par une bonne mise en abîme devient par là-même le propre lecteur de son œuvre et donc de sa vie à son tour. Le procédé fonctionne totalement. Une autre façon de voir le monde, un autre langage et une manière de se découvrir aussi. Mais le véritable intérêt de La symphonie pastorale réside surtout dans le personnage de cette jeune aveugle, elle qui n'en connaît rien, ou trop. Sa manière de percevoir le monde comme la façon dont elle est elle-même perçue permettent par là même certains échanges qui marquent par une efficace simplicité : « je ne tiens pas à être heureuse, je tiens à savoir ».

Cette découverte puis redécouverte du monde, son apprentissage ; ce Pasteur créateur de la vie avant que cette dernière ne prenne le pas sur la sienne constitue autant de thématiques intéressantes. Religion oblige, Gide travail les Textes, la façon de les transmettre comme de les penser. Autant de regards qui se croisent et s'affrontent. Un livre qui se dévore en bien peu de temps, le faible nombre de pages certes, mais surtout la plume de Gide y est pour beaucoup.

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Quelques mots rapides sur une œuvre maintes fois analysée et à juste titre tant les qualités ne manquent pas. Une des choses qui frappent, c'est la maîtrise du moteur des habitudes qui nous régit. Si le mot ne revient que trop rarement, c'est pourtant lui qui justifie ce glissement infernal malgré les motivations aussi immondes qu'explicables de nos protagonistes, donnant une certaine cohérence à l’innommable. La force du temps et la répétition d'actions font ainsi de l’extraordinaire ce qu'il y a de plus ordinaire, qu'il s'agisse d'une apparence comme de la conception de la vie. Une vie ici synonyme d'incarcération au moyen d'une écriture à la fluidité évidente. Alors que notre personnage s'efface à en perdre le verbe pour mieux se libérer, Kafka joue littéralement avec ce dernier dans son rapport à l'environnement en allant de son propre corps jusqu'à l'invisible, une aliénation salvatrice remarquable. L’enchaînement incessant des événements comme de la prise de parole des différents acteur concernés constituant la véritable violence, une violence littéralement écrasante pour des émotions toutes aussi fortes. Oscillant entre l'horreur et le grotesque, la nouvelle n'en devient que plus dérangeante, l’inexplicable disparaissant au profit d'un laboratoire des peurs et des mécanismes, d'autant plus troublant que la raison humaine l'emporte aisément.

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Légère déception vue la réputation du roman. Oui ça se dévore, oui le personnage captive (durant un temps du moins) et oui la dimension surnaturelle mêlée à l’Histoire (question fascinante d'ailleurs de l'hygiène en France) constitue des arguments parmi tant d'autres. Malgré tout le style auquel j'attache une importance sans limite ne m'a que trop rarement convaincu. Pourtant les premières pages m'ont imprégné de ces odeurs que l'auteur cultive au fil des pages. Mais l'effet voulu n'atteint pas l'essence visée, seulement un eau de parfum à la portée limitée. Le Parfum c'est alors des passages du grande virtuosité où la dimension olfactive séduit. Mais ces moments ont été trop rares. Cette manie de parler au lecteur pour plus d'immersion produit l'effet inverse et me concernant c'est ultra rageant. Un style jamais totalement convainquant pour une conclusion prévisible au possible à l'image de certains passages sur l'imaginaire notamment. Une oeuvre vraiment inégale où le quelconque côtoie les belles lettres. Des odeurs il y en a mais quand je vois certains comparer ces écrits à du Hugo Céline ou Zola pour ne citer qu'eux, cela est vraiment regrettable. On a perdu quelque chose en route pour lire pareilles choses mais c'est ainsi. Une histoire qui intéresse sans non plus m'emporter et un style assez facile malgré des passages qui en imposent, Le Parfum c'est malgré tout un bon et parfois très bon moment de lecture, l'essentiel mais pas plus.

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Après plusieurs semaines (ne jamais lire trop de livres en même temps) La Fortune des Rougon est tout bonnement le meilleur roman (avec La Puissance et la Gloire) que j'ai pu lire cette année pour le moment. C'est aussi ce que Zola a fait de mieux à mes yeux de ce que j'en ai lu. Ce roman est immense, une fresque historique, sociale, économique comme politique. C'est aussi comme le souligne justement la préface ce roman biologique, le tout parcouru par ce qui reste aussi et surtout un roman d'amour. Zola est clairement une de mes références parce qu'il incarne un style qui me séduit énormément, parce que son oeuvre est la démonstration de la nécessité d'un travail titanesque sur plusieurs années plutôt que l'illumination révélée d'une nuit d'un génie que je pourrais jalouser, parce que son oeuvre est à mes yeux parfaitement représentative de la vision que j'ai de la littérature à savoir une science de synthèse et de prise de conscience aussi. Au même titre que la philosophie, la littérature et donc Zola ici a cette force de pouvoir piocher dans l'intégralité des disciplines et sciences de l'homme d'une époque afin d'en extraire un propos totalisant à valeur de dépassement, d’interrogations aussi. Avec cette plume remarquable (les premiers paragraphes du roman sont juste sublimes inutile de chercher plus loin) Zola donne à lire une oeuvre d'une densité et d'une force remarquable, analysable et à découvrir sous une foultitude s'aspects. L'un des plus grands écrivains français. Si brillant et si agréable à lire.