Cover Les meilleurs films de 2000 putain de 21 (et les plus ésquintés)

Les meilleurs films de 2000 putain de 21 (et les plus ésquintés)

Espérons y aura des cinoches ahah ^^ (j'rigole ap)

Liste de

84 films

créee il y a plus de 3 ans · modifiée il y a presque 2 ans

Onoda
7.5
1.

Onoda (2021)

2 h 47 min. Sortie : 21 juillet 2021. Drame, Guerre, Biopic

Film de Arthur Harari

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Claque assez monumentale. "Onoda" est fidèle à sa réputation Cannoise. Mais le mot de "claque" n'est peut-être pas la terminologie adéquate. "Onoda" est un long cheminement au fil de la nature et d'une guerre comme on en a encore jamais vu. Rien de "Rambo", les spectateurs qui disent ça ont tort car il n'y a quasiment pas d'empressement dans le film (à quelques rares instants, un en fait, qui constituent des moments de bravoures notables). D'une certaine manière la survie n'est même pas au centre du film même si elle constitue, disons, la coquille du récit. Ce qui compte le plus c'est le temps, qui inlassablement passe dans une micro-société militaire persuadée que la guerre est encore là autours d'eux, auto-persuadés d'une mission honorable. "Onoda" est une histoire vraie et pourtant son lyrisme presque Tarkovskien emmène souvent son naturalisme très concret vers une dimension plus étrange (le prolongement du réalisme dans un surréalisme particulier dont parle Deleuze certainement). Le film s'envole largement dans ses ellipses, ses changements de points de vue, ses flashbacks. Littéralement à pleurer dans son dernier quart d'heure, "Onoda", sans prendre les traits de la fable, est bel et bien fabuleux. Identité Japonaise oblige, on ressent un sentiment de dignité absolu qui, c'est presque une première pour moi, est carrément matérialisé filmiquement. La beauté des images, la logique du montage, l’interprétation des acteurs forment un tout ultra-cohérent et qui vont en ce sens. Voilà un film de guerre fascinant, nouveau mais pas que, qui file un de ces classicismes qu'on ne voit tout bonnement plus dans ce genre et en résulte un pur travail d’orfèvrerie pour Arthur Harari. Qui signe, peut-être bien, son chef-d’œuvre.

Benedetta
6.3
2.

Benedetta (2020)

2 h 06 min. Sortie : 9 juillet 2021. Biopic, Drame, Historique

Film de Paul Verhoeven

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Un nouveau film de Verhoeven est en soit un événement, d'autant plus pour moi qui le considère parmi mes cinéastes fétiches.
Connaissant donc le bougre on pouvait se demander pourtant et à juste titre en quoi ce film avec son sujet avait quoi que ce soit de subversif et donc de pertinent... en effet la nunsploitation, bien que ça échappe encore à quelques moralisateurs incultes, est un sous-genre qui existe depuis pas moins que la fin des 60's et qui a connu quelques sommets en Italie ou au Japon (Dark Waters et Le Couvent de la Bête Sacré) ou déjà entre les mains d'authentiques grands auteurs, je pense à Rivette ou Bresson. Son potentiel anti-clérical, athée voire carrément anarchiste a été maintes et maintes fois abordé et d'une certaine façon Verhoeven ne déroge pas à la règle et passe à peu près par les endroits obligés de ce type de film (la flagellation, le blasphème, les visions etc). Pourtant là où le film trouve toute sa pertinence et son intérêt, au-delà d'une mise à sac de l’idolâtrie et du fanatisme hypocrite auquel je souscris pleinement, c'est bel et bien dans sa façon (sa mise en scène) franchement baroque et même parfois grotesque (qui prête même à rire) de montrer la violence, la perversité, le mensonge et dans un même temps de questionner la morale de chacun. Chacun des spectateurs se sentira à sa façon largement bousculé par une variété de scènes à fort potentiel corrosif mais surtout magnifiquement réalisées et interprétées; notamment par la splendide Virginie Efira qui irradie le film de sa prestance et interprète un personnage pour lequel le mot "ambiguë" semble avoir été créé. Cette ambiguïté qui traverse tout le film enfonce le clou d'une mise en récit d'une phénoménologie des miracles beaucoup plus complexe qu'un film qui se moque de l'église catho comme l'a écrit le pseudo-critique Eric Neuhoff dans Le Figaro. "Benedetta" semble nous montrer l'histoire d'une fraude tout en se teintant de fantastique, semble nous dévoiler la coulisse d'un mensonge permanent sur les masses tout en laissant planer le doute sur les pouvoirs de Sainte de son héroïne, semble enfin s'amuser à bafouer les principes de l'église tout en montrant magnifiquement une foi sincère, véritable et digne (une sorte de foi enroulée dans des simulacres). C'est dans tout ces cas et via cette dialectique que s'immisce aussi toute l’ambiguïté du film et qui fait de cette Benedetta un personnage de cinéma véritablement magnifique.

BAC Nord
6.6
3.

BAC Nord (2020)

1 h 44 min. Sortie : 18 août 2021. Policier, Thriller

Film de Cédric Jimenez

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Parler de "BAC NORD" c'est reconnaître en premier lieu que le film a mis à mal une bonne partie de mes certitudes ou plutôt permis de confirmer que l'on ne peut pas en avoir lorsque le cinéma de genre se couple à la politique. N'en déplaise à Gilles Lelouche, le western urbain qu'est effectivement le film est un genre politique. Et "BAC NORD" est tout à fait politique lorsqu'il s’attelle à la représentation d'une affaire de ripoux, des cités du Nord de Marseille, des méthodes expéditives de la police et du fonctionnement interne de la Bac. Et à ce propos le film n'incarne peut-être pas tant l'anti "Les Misérables" (qui relatait justement l'ontologie coloniale de la Bac) que le totalement assumé point de vue de la police sur tout ça. Du coup nous ne sommes pas trop surpris, au mieux mal à l'aise, de découvrir représenté à l'écran ce qui sont à la fois les fantasmes du syndicat Alliance (les zones de non-droit déshumanisées, les cartels de la drogue tout puissant sur le modèle Brésiliens, la haine généralisée du flic, l'abandon d'une société entière de sa police) et une part éminemment réaliste et bonne à dire (la mal-être policier, l'abandon des pouvoirs publics d'une partie des populations, la politique de quotas policiers, etc). Avec une représentation très humaine de ce trio de flics qui sont pour le coup tout à la fois brutaux, cons, torturés et sympathiques et une représentation baroque du trafic de drogue en cité (tout les dealeurs sont cagoulés, tout-puissants, sur-armés) couplé à une mise en scène belliqueuse des interventions de flics; tout ceci rappelle le projet branlant mais passionnant du "Tropa de Elite" de José Padilha. Avec un succès encore plus grand sur le plan de la mise en scène. Car "BAC NORD", et ça n'a pas échappé aux critiques qui n'ont pas aimés le film, est un ouvrage absolument excellent sur le plan de la mise en scène. Déjà avec "La French" Jimenez tapait fort dans un mélange entre pris-sur-le-vif et baroque Scorsesien, là il va encore plus loin et égale largement la mise en scène d'un "Sicario". Le casting est tout aussi impeccable (Adèle Exarchopoulos est sublime dans le film). "BAC NORD" n'est donc pas un actionner décérébré mais un film de genre calibré, politique par sa mise en scène, virant plutôt à droite, polémique et se permettant de larges emménagements avec la réalité mais tout ceci pour, enfin, une œuvre qui mérite sa relative controverse et qui parle cinématographiquement de son sujet et avec panache.

Madres paralelas
6.5
4.

Madres paralelas (2021)

2 h. Sortie : 1 décembre 2021 (France). Drame

Film de Pedro Almodóvar

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Affirmer aussi tôt (surtout quelques heures après l'avoir vu) qu'un film est l'un des meilleurs du cinéaste est un projet qui peut s'avérer risqué. Pourtant la simple existence de cette impression, quitte à la regretter plus tard, parle assez bien de ce que j'ai pu ressentir.
J'ai vu en très peu de temps (cette année) 90% des films d'Almodovar et c'est grâce à lui que je dois un intérêt croissant pour mes origines familiales espagnoles. Ce qui ce joue avec le concept de racine, d'identité et de cinéma ici se joue aussi selon les mêmes termes dans ce nouveau film. De manière assez surprenante cette fois Almodovar parle très ouvertement de politique, non pas qu'elle fut absente de son cinéma mais particulièrement en retrait. Le cinéma d'Almodovar était pour moi le plus bel exemple d'un cinéma assez hors-sol, irréel parce qu'essentiellement cinématographique (dans le sens plastique du terme). Avec "Madres Paralelas" il ne contredit absolument pas sa passion du mélodrame Hollywoodien de l'ère classique et il en achève même un nouveau chapitre magnifique; mais il décide (et ce dès les premières secondes du film) de parler de l'Espagne plus globalement, invoquant même un début de matérialisme historique assez étonnant, à travers la mémoire du fascisme. Ouvertement les personnages abordent ce sujet qui vient se mêler, se confondre puis finalement s'échapper du récit mélo-dramatique qu'il met en place (aux accents Hitchcockiens dans les touches de suspense qu'il emmène, réécoutez la musique Hermanienne du film qui va en ce sens). Ce que raconte le film, et qui est peut-être somme toute naïf, est le résultat d'une brouille mémorielle, d'une enquête sur ce qu'est le passé de l'Espagne; celui-là même que les œuvres culturelles tacitement en accord avec les résidus Franquistes qui recomposèrent la société civile, n'abordèrent que très tardivement et toujours dans une perspective plus démonstrative que mémorielle (les contre-exemples résident essentiellement chez les expatriés et les cinéastes de genre). Pour autant Almodovar n'est pas un retardataire. Il joue avec la représentation scientifique de la mémoire (via les tests adn qui rappellent étrangement les tests covid), en ironisant sur qui est qui et surtout qui vient d'où par rapport à la guerre. Le film me laisse dans l'incapacité de statuer esthétiquement tant il manie des métaphores complexes. Plus factuellement : Penelope Cruz toujours plus belle brille, le caméo de Daniela Santiago m'a bouleversé d'amour.

The Card Counter
6.7
5.

The Card Counter (2021)

1 h 52 min. Sortie : 29 décembre 2021 (France). Drame, Thriller

Film de Paul Schrader

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Avec grand plaisir je retrouve enfin un Paul Schrader au sommet de son art avec un film minutieux, complexe, manifestement aride et radical au possible. Tous des superlatifs qui, pour moi, font de "The Card Counter" une des ses meilleures réalisations (la présence de Scorsese dans le coin n'y est peut être pas pour rien). Le film, tortueux, nous conte l'histoire d'un certain William Tell, maniaque du poker qui va s'impliquer dans la compétition pour aider le jeune Cirk, emplit de vengeance. Cette rencontre tourne autours d'un passé tortueux où se mêlent la torture telle qu'elle fut pratiquée à Abou Ghraib, Guantanamo et ailleurs par les USA et le non-jugement des supérieurs après le scandale qu'a entraîné la révélation. Le film, fidèle dans l'esprit à son personnage, garde ses cartes en main, calcule ses moments pour rompre une esthétique ascétique (pas pour rien que Schrader se réclame de Bresson) avec des moments infernaux, dantesques; qui, sans jamais se permettre une once de voyeurisme (Bresson encore là dans le hors-champ) révèle la face dégueulasse, fausse, ruiné par l'argent d'un territoire où semble régner le faux. Le film se déroule soit dans des casinos (formidablement bien filmés par Schrader qui révèle toute l'inhumaine architecture de ses dédales), soit dans des chambres couvertes de draps blancs (l'austérité dialectique du décor) et pour un instant dans un parc couvert de LED (un espace naturel où se déroule une histoire d'amour, couvert de lumières fausses qui créent une impression étrange). Par ailleurs c'est la mise en réflexion dialectique de ces éléments qui font de ce film une œuvre particulière; qui ne crée pas de liens particulier entre poker et torture, entre Abou Ghraib et les casinos, entre ses personnages et "une certaine idée de l’Amérique". Le film est une exposition très froide d'éléments traités mathématiquement. C'est l'assemblage bizarrement cohérent de ces éléments thématiques qui dressent le portrait sans ambages d'un personnage fait pour l'aliénation et avec ça chacun y verra sa métaphore.
"Sois précis dans la forme, pas toujours dans le fond (si tu peux)" - Bresson.

La Loi de Téhéran
7.4
6.

La Loi de Téhéran (2019)

Metri Shesh Va Nim

2 h 11 min. Sortie : 28 juillet 2021 (France). Policier, Drame, Action

Film de Saeed Roustaee

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

Au-delà de Kiarostami et de Farhadi ce qui est déjà pas mal, soyons honnête (en tout cas moi je le serai) : on connaît peu le cinéma Iranien. Et finalement je connais assez peu l'Iran. A part qu'ils sont très méchants avec leurs bombes nucléaires et leurs Ayatollahs, j'veux dire. Ainsi un polar, de surcroît réussi, se révèle être une excellente porte d'entrée dans une société, une esthétique dans une certaine mesure exotique. Le film révèle en effet les arcanes d'une bureaucratie et d'un système judiciaire tout à fait inédit où tout le monde est en sursis; la peine de mort au bout du chemin. Le film s'aventure en prime dans une veine sociale puisqu'il parle très frontalement de la terrible épidémie de crack qui frappe de plein fouet Téhéran (8% de la pop. consomme du crack). On voyage à travers l'état des prisons, le sort des prisonniers (souvent des drogués) qu'on tue à tour de bras (et les flics ripoux avec) sans rien changer au problème. En ce sens c'est assez étonnant de voir à quel point le film propose un discours ou plutôt un état de fait pas du tout reluisant du régime. En terme esthétique, le film est dans le polar très documentaire, au moins dans la majorité du temps et reste au plus proche de ses personnages; il se permet parfois un peu plus de baroque et, tout en restant très simple, propose une série de champ/contre champ en forme de duel au sommet de toute beauté. En ce sens le film réussit à réinventer un classicisme très juste pour l'assujettir à ses personnages : un duo flic/voyou et quelques autres (notamment des scènes parallèles très dures qui n'impactent pas le récit) où l’ambiguïté révèle tout de la faillite entière d'un système. Au diable les gentils et les méchants, ici le maître-mot est la survit qui dirige les actes de tous. On tient alors avec "La Loi de Téhéran" un polar absolument réjouissant dans le cadre de son genre et un portrait plein de vérité d'un Iran qu'on ne voit jamais. Il est bien aidé faut dire par Navid Mohammadzadeh et le toujours excellent Payman Maadi dans des compositions vacillantes, humaines et ambivalentes.

Memoria
6.9
7.

Memoria (2021)

2 h 16 min. Sortie : 17 novembre 2021 (France). Drame

Film de Apichatpong Weerasethakul

GISMO-PROD a mis 8/10.

Annotation :

"Mira esta montana". Telle est la clé de voûte de "Memoria", le nouveau film d'Apichatpong Weerasethakul. Cette montagne c'est la matérialisation filmique et sonore du son, son que le personnage de Tilda Swinton entend résonner dans les rues de Bogota. Weerasethakul s'amuse à brouiller les pistes dans un premier temps, enchaîne les petits événements, qui nous mènent véritablement sur des fausses pistes. Cette montagne c'est aussi celle, recouverte de jungle, où semble dormir un mystère anthropologique ancestral. En effet "Memoria" est d'abord un mystère. Un mystère fait film, comme je l'ai souvent dit de Lynch. Mais la rêverie dans ce cinéma là vient d'autre part. Le temps étiré (qui peut se vanter d'avoir su combien de temps il était passé pendant le film), le son fragmenté, les indices laissés aux bons soins des spectateurs dans des plans longs (et sublimes). Tout cela constitue une hypnose. Pour cela que Weerasethakul accepte avec malice l'endormissement du spectateur devant ses films. "Memoria" réveille un niveau de perception, très cinématographique, qui relève du sommeil paradoxal. Et dans cette rêverie, toutefois contrôlée de main de maître par le cinéaste, on erre quelque peu (réveillés par ce fameux bruit dont la matérialisation semble être la quête du film) puis on se retrouve dans la jungle auprès d'un genre de chaman et c'est ici qu'on découvre que le réseau qu'avait tissé le cinéaste converge vers le genre, la magie et le fantasme avec un don pour l'épure absolument remarquable. Ce cinéma là, sans être d'une exigence folle, peut laisser pantois. C'est absolument compréhensible tant, comme pour l'hypnose, le sujet doit faire montre d'une capacité réceptive délicate. En ce sens, et pour tous les motifs dont il usent, les associations d'idées par lequel il fonctionne : "Memoria", via Jessica Holland, renvoi bien sûr à Jacques Tourneur; à ce mélange onirique et fantastique qui mettent à mal les croyances occidentales. "Memoria" est un ouvrage d'une rare beauté, d'une douce radicalité et d'une étrangeté merveilleuse. A voir absolument.

Les Sorcières d'Akelarre
7
8.

Les Sorcières d'Akelarre (2020)

Akelarre

1 h 30 min. Sortie : 25 août 2021 (France). Drame, Historique

Film de Pablo Agüero

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

On savait le cinéma espagnol un fleuron du genre, et là il ne déçoit pas une seconde avec un film finalement très simple qui aborde le thème de la sororité par le prisme de la sorcellerie ou plutôt des campagnes d'inquisitions contre la sorcellerie au XVIIe siècle sur fond d'assise royale sur les identités régionales, notamment Basque, de l'Espagne (le film est tourné partiellement en Basque). Agüero s'amuse à manier le feu qui lui sert de lumière principale (semble-t-il) et un groupe d'actrices magnifiques (notamment la belle Amaia Aberasturi pour ne citer qu'elle) aux prises avec un certain Alex Brendemühl, possédé par son personnage de juge cynique; le tout se rejoint dans une grande scène de sabbat théâtral sous forme de danse contemporaine qui balance le film dans la quasi-comédie musicale et joue avec la perception des personnages et des spectateurs dans un grand feu de joie libérateur. C'est filmé avec humilité et une grande acuité puis quand le récit s'emballe, là, la réalisation et le montage s'y couplent dans une tentative proche du trip, haché menu, qui multiplie les angles de prises de vue et les cuts; ce qui fait sens mais tabasse un peu le crâne (ça fait sens aussi en somme). Ce qu'on retiendra du film c'est surtout un ouvrage très pur, très simple, qui s'amuse avec les frontières du réalisme et montre ce que c'est que la solidarité féminine dans l'adversité obscurantiste, celle qui pousse à la rébellion par la danse, le chant, la fête et la joie. Un formidable Sabbat révolutionnaire en somme !

Bonne Mère
6.9
9.

Bonne Mère (2021)

1 h 36 min. Sortie : 21 juillet 2021. Drame

Film de Hafsia Herzi

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Pour son second long, l'épatante Hafsia Herzi, se penche sur le quotidien d'une mère courage de Marseille dans un portrait réaliste, naturaliste d'une famille issue du prolétariat de la banlieue nord. On attend ce type de récit au tournant car on commence à en connaître le décor. Sans jugement de valeur aucun (au contraire). Et le film tout en restant simple, un gros point fort, réussi à dresser un état des lieux très émouvant de cette vie de famille avec ses enfants, petits enfants, leurs espoirs, leurs échecs et leurs craintes qui convergent tous vers la résiliation de la mère dont la dignité touche. Un fils au placard, une jeune fille mère très belle qui pense sérieusement à la prostitution pour s'en sortir, un jeune homme fainéant, une belle-fille qui attend la libération de son jules et son fils qui s'en sort à l'école. Y a aussi les deux travaux de Nora (la mère), ses collègues, les jeunes qui bicravent. Bref, pas pour rien que le film se nomme "Bonne Mère", Norma trône pleine de dignité en haut de Marseille. Pour ce qui est de l'esthétique, le dispositif est simplissime, proche de son personnage, parfois la musique intradiégétique fait office de bande-son, Herzi a retenu les leçons de Kechiche : ses dialogues sont vrais, vifs, plus subtils qu'il n'y paraît (mais devrait parfois s'arrêter plus vite pour laisser parler l'image). C'est une mise en scène directe qui se permet peu de détours et finalement c'est solaire, fidèlement à son décor. C'est une réussite sur ce plan, on pourrait certes reprocher quelques errements très tire-larmes sur la fin qui, pour être tatillon n'en est pas vraiment une. Mais face à un film qui sonne aussi vrai, grâce aux comédiens... et c'est là que je découvre (pas particulièrement surpris mais ravi) que le casting est majoritairement amateur. Halima et Sabrina Benhamed mère et fille dans le film et dans la vie incarnant des personnages à la fois si proche de la réalisatrice et d'elles mêmes. Voilà un miracle comme il y en a parfois au cinéma. Ça marche tout du long, c'est certainement pas parfait mais ça marche. Elles portent le film dans leur chair, dirais-je si je voulais être grandiloquent, et sont simplement, rigoureusement, dignement magnifiques. Une belle histoire du prolétariat, des femmes, de la famille, de la galère, de Marseille et de sa lutte de classe qui me rappellent ces mères courages que j'ai connues (une en fait). Désormais, ici, on suivra Hafsia Herzi avec plaisir peu importe où elle veut nous mener.

Pleasure
6.5
10.

Pleasure (2021)

1 h 49 min. Sortie : 20 octobre 2021 (France). Drame

Film de Ninja Thyberg

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

"Pleasure" est l'excellente surprise que j'espérais en cette fin d'année. Ne connaissant pas Ninja Thyberg je laissais sa chance au produit grâce à son sujet, qui traité dans d'autres circonstances par PTA a donné l'un de mes films préférés. Le porno-business est un sujet bouillant, tout à fait passionnant et par rapport auquel j'ai du mal à me placer (moralement, esthétiquement, politiquement). Le succès de "Pleasure", malgré d'évidents défauts, tiens en quelques 4 axes, tout à fait subjectif. Premièrement, le film dépeint un milieu, ce que j’appelle un "milieu clôt", en l’occurrence le porno gonzo de L.A. et pour se faire il adopte très justement l'esthétique très clipesque, très capitalistique du business et de la mentalité de ses personnages, de L.A. C'est très juste à mon sens de se draper ainsi d'un style qui colle au sujet jusqu'à l'emmener jusqu'au pastiche, ce qui est le cas ici sans toutefois détruire la force de ses effets. Deuxièmement, il y a cette trajectoire narrative en cloche, très Scorsesienne finalement, qui raconte la gloire et la quasi-chute (en tout cas morale) du personnage principal. Ça marche car ça rend bien compte de l'aspect attirant, fantasmagorique de cette industrie et du libéralisme, et du même coup de sa décadence. Troisièmement, la relation qui se noue à l'écran entre Thyberg et son actrice Sofia Kappel; une véritable fascination pour elle, voire quasiment un amour pour sa formidable cinégénie transparaît dans sa façon de la filmer à son meilleur et successivement à son pire. Quatrièmement (et je pourrais continuer encore), c'est la radicalité (un mot qui m'est cher) employée dans la mise en scène comme dans le récit qui rend le film, d'abord très violent, pas pensé pour les familles mais surtout participe politiquement à l'extirper d'un discours qui semblait dire tout ce qu'on pense du porno et aussi son contraire. Au final, cette critique est un peu vraie, mais la violence avec laquelle nous sont montrés les événements tendent vers un traitement très critique de cet univers, de la quête de gloire de son héroïne mais le tout sans omettre une certaine tendresse typique des gens qui sont fascinés par ce qu'ils filment (cette tendresse que j'interprète via l'emploi d'authentiques pornstars pour faire la figu du film). C'est une description brutale, qui ne ment pas. Ça me parle en tant que spectateur mais aussi de cinéaste. Cela me semble proche de la "bonne" façon de faire. Et de fait j'applaudis même malgré ses errements.

La Troisième Guerre
6
11.

La Troisième Guerre (2020)

1 h 30 min. Sortie : 22 septembre 2021. Drame

Film de Giovanni Aloi

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

C'est grâce à la gestion millimétrée et à la mise en image d'une ambiance de fin du monde, ou plutôt de début de guerre civile qui capte bien un certain nombre d'angoisses contemporaines que le film réussi à adopter avec justesse le point de vue de son personnage. Soldat de l'opération sentinelle, à la dérive dans une sorte de processus de contre-radicalisation. Anthony Bajon brille, une nouvelle fois, dans un film qui manie le genre à des fins esthétiques. C'est assez simple, plein de justesse, assez sec et explore une thématique foisonnante avec une humilité louable. Un vrai bon film entre le thriller psychologique et le film catastrophe. Un point de vue de l'étranger sur une situation familière, Aloi a très justement observé une situation certainement universelle.

Annette
6.8
12.

Annette (2021)

2 h 20 min. Sortie : 6 juillet 2021. Drame, Comédie musicale, Romance

Film de Leos Carax

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

L'antiprolifique Leos Carax est de retour en ouverture du festival de Cannes avec un film d'une ambition assez folle qui ne va pas manquer de faire couler de l'encre et sûrement quelques larmes aussi. Carax semble avoir pour projet non moins que de réaliser un spectacle total. Il convoque pour se faire toute la grammaire du spectacle scénique et cinématographique, et donne vie et du sens au terme spectacle vivant. On parle opéra et stand-up, théâtre de marionnette et comédie musicale. On y voit surtout beaucoup de cinéma, les films de Carax (enfin ceux que j'ai vu) fonctionnent en miroir du médium, et c'est ici littéralement à la fin un documentaire du tournage ou presque. Bref, je m'égare, mais le film est dense ou du moins semble l'être. Carax est un manipulateur, ou plutôt un artificier; un internaute disait ici que le film était un feu d'artifice. En effet le film se pare d'artifices, les mets en scènes, les explorent, les dynamitent. Tout est une facétieuse manipulation pour montrer l'artificialité d'un monde spectaculaire en éternelle représentation où même l'amour et la mort (inséparables) s'entremêlent dans les affres du spectacle. Un côté Debordien peut-être ? Seulement si il n'y avait pas cette pluie baroque millimétrée très King Vidor (remercié au générique) et cette escapade ludique dans les décors du cinéma de comédie musicale. La manipulation, le faux-semblant vont si loin que Carax réussit même à faire fonctionner sur la durée un film par si bien rythmé que cela et surtout fonctionnant sur une addition, un imbroglio de séquences sans réel découpage. Cela prend la plupart du temps et participe même de cette explosion opératique et dramatique dont les ficelles sont pourtant si claires. Du reste Carax est bien aidé par une musique du tonnerre et un trio d'acteurs absolument possédés (tout le monde l'a dit mais je le redis : Adam Driver est monstrueux dans le film).
Pour comprendre le film, enfin, juste à relire littéralement la phrase de Nietzsche : "Quand tu regardes l'abyme, l'abyme regarde en toi" et plus qu'à y trouver une métaphore du cinéma et du spectacle.

Drive My Car
7.3
13.

Drive My Car (2021)

Doraibu mai kâ

2 h 59 min. Sortie : 18 août 2021 (France). Drame

Film de Ryusuke Hamaguchi

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

"Drive My Car", nouveau film d'Hamaguchi est un alliage habile d'un tas d'éléments incongrus s’emboîtant parfaitement, fidèlement au concept artistique de la mise en scène de Tchekov montée dans le film (c'est à dire des acteurs étrangers les uns aux autres jouent dans leurs langues). Ce qui se noue autours de ce concept, cette mise en abyme, c'est la rencontre entre une somme de personnage autours notamment du personnage du metteur en scène interprété par l'excellent Hidetoshi Nishijima dont on découvre tout le traumatisme dans un long prologue. Il ne serait pas difficile d'articuler autours de la pièce de théâtre (Oncle Vania) une analyse sur le dialogue, sur des gens qui vivent ensemble mais ne se comprennent pas vraiment. Ce que je me contenterais de dire ici c'est que "Drive My Car" est un film sur la parole (encore plus que sur les langues) et particulièrement la parole qui se libère et qui libère les personnages. La voiture dans le film occupe une place prépondérante évidemment et se révèle être le lieux de toutes les libérations de parole et répond dialectiquement à l'espace cathartique du théâtre. En bref, "Drive My Car" est un film dense, fleuve et qui prend son temps, c'est-à-dire le temps juste pour raconter le lent parcours qui consiste à mettre des mots sur les drames.

France
5.9
14.

France (2021)

2 h 13 min. Sortie : 25 août 2021. Comédie dramatique

Film de Bruno Dumont

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Le nouveau Dumont semble, comme ça de visu, son film le plus abordable, il aborde assez directement la satyre du jeu médiatico-journalistique pour en faire une de ces critiques radicales qui écharpent le système et ses tenants. Ce qui semble étrange, au delà de quelques saillies esthétiques "particulières" qui font toute la sève du style Dumont (le chant latin, les déplacements en voiture, les acteurs amateurs) c'est que le film semble parfaitement lisible. Très clair. Et lorsque cela ne l'ai pas tant que ça, le film nous montre plusieurs fois ce qui semble être son propos (on assiste en ce sens à trois tournages de reportage sur un lieu de guerre qui racontent tous combien l'image journalistique est fausse et cynique). Cette impression de redondance est encore plus étrange lorsqu'elle s'ajoute à un texte qui explique très franchement ce que traverse le personnage de France, son pseudo mea culpa puis son affirmation du nihilisme; et une mise en scène qui souligne par un travelling sur les (beaux) yeux de Léa Seydoux tout moment capital pour sa psyché. Chose encore plus étrange, la première scène du film mise en exergue dans la bande annonce relève de la pure comédie, genre dont le film s'échappe tout de suite après pour ne plus le retrouver qu'à de rarissimes occasions (le personnage de Blanche Gardin en est le moteur). Du coup "France" reste une expérience déstabilisante dans le sens où l'on ne comprend pas bien pourquoi toute cette clarté, toute cette franchise est mise au service d'un propos au final si commun. Vient, en fait, une dernière impression qui découle d'une excellente logique de mise en scène, une forme de lassitude et d’écœurement à la vue de ces péripéties. D'abord il y a le personnage de France qui joue avec la personna de son actrice, et en joue radicalement la faisant pleurer toutes les 3 minutes; pour en arriver à un niveau de fausseté ou on ne sait plus si elle subit un burn-out ou joue la comédie pour draguer son public. Il y a le fait de voir et revoir sans cesse un même procédé narratif et discursif le rendant plus énervant que comique et il y a en cela la mise en image d'un milieu bourgeois lassant et qui ne cesse de répéter ses figures éculées jusqu'à plus soif. Le brouillage entre qui joue un rôle et qui n'en joue pas entre dans cette volonté de cohérence esthétique. C'est dans cette mesure que le film fait corps avec son propos et le filme justement, et cela même si cela doit faire rejeter le film en bloc par son public.

Titane
6.1
15.

Titane (2021)

1 h 48 min. Sortie : 14 juillet 2021. Drame, Thriller, Épouvante-Horreur

Film de Julia Ducournau

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Enfin eu l'opportunité de voir "Titane" nouveau rejeton terrible de Julia Ducournau, que bien sûr et comme tout le monde j'attendais au tournant. Cette fois-ci on a droit, et dans de grandes largesses, à une incursion brutale dans le body-horror pur et dur où l'on croise un peu (beaucoup) de Cronenberg, un peu de Carpenter aussi parfois lorsque le film roule des mécaniques. Globalement, on le comprend, le film s'assume; c'est un film de genre qui lorgne vers l'exploitation (du moins dans un premier temps) et n'entend pas nous épargner une certaine idée de la violence et du gore pour lequel Julia Ducournau a, il faut dire, un goût particulier. Dans ce registre là elle excelle, le film est assez extrême dans ses modalités de représentations de la violence mais il y a pourtant un décalage évident. En fait ce n'est pas tant des grandes envolées de tripes et de sang qui choquent mais plus des à-côté très réalistes et franchement dégueulasses (dans la veine de la scène des cheveux dans "Grave"). Sur le plan strictement esthétique, dans toutes les strates de sa mise en scène, "Titane" est aboutit. Largement plus que "Grave" en tout cas. Le film charrie même une volée de thématiques entre l'identité de genre et l'amour parent/enfant traités sobrement et sans l'air d'y toucher, mais traités justement et par de la mise en scène (la lumière, la variété des cadrages, les reflets). Le film réussit de surcroît à être suffisamment crédible tout en étant finalement pas très clair (narrativement notamment) pour créer un sentiment d'incompréhension juste ce qu'il faut de dérangeant. On ne se sent pas lésé, mais pas entièrement sûr de ce qu'on a vu. Et, si j'ai bien peur que ce sentiment cache au fond un vide; pour une première vision ce n'est pas désagréable. Par exemple, les persos principaux sont mû par des objectifs, des logiques qui nous échappent totalement tout le long du film (à part les ramener à des traumas un peu faciles) mais en réalité cela ne nous importe peu. Ils agissent le plus bizarrement du monde tout le temps, mais restent étrangement crédibles. On noteras en plus les travaux impressionnants sur leurs propres corps d'Agathe Rousselle et Vincent Lindon dans des performances très Bisseuses du plus bel effet. Reste de "Titane" une contradictoire sensation d'inconfort pas désagréable et un flou sur ce que nous raconte effectivement le film, qui gagnerais quand même à être levé pour ne pas le condamner à une sorte de gratuité qui serait très critiquable.

Le Dernier Duel
7.2
16.

Le Dernier Duel (2021)

The Last Duel

2 h 32 min. Sortie : 13 octobre 2021 (France). Drame, Historique

Film de Ridley Scott

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

S'inspirant ostensiblement de "Rashômon", Ridley Scott est de retour dans ce pourquoi il a souvent excellé : la fresque (historique) de grande ampleur, qui plus est traversée par une galerie de personnages forts (déplaisants pour les 2/3). Et ça marche du tonnerre. En racontant un XIVème siècle qui me paraît tout à fait juste; on nous plonge (comme ce serait le cas dans n'importe quel film d'enquête) dans les événements qui précèdent et suivent le viol de Marguerite de Thibouville, mariée à Jean de Carrouges, chevalier et chambellan du comte Pierre II d'Alençon par le favori du comte, Jacques Le Gris, écuyer. Le triple récit, qui brille par son découpage et ses faibles variations, a le mérite de se suivre sans ennui et de faire monter la pression pour le duel final, dernier duel judiciaire de l'histoire de France et accessoirement l'une des meilleures scènes de combat de la filmographie de Scott. Le concept tertiaire de ces trois versions de l'affaire est intéressant à plus d'un titre, surtout lorsqu'il commence à interroger la place de la femme dans le récit chevaleresque, qui semble être le principe même du film. C'est assez habilement que le film va déjouer les habitudes narratives viriles des chevaliers servants manichéens pour montrer ce qu'il se jouait géopolitiquement avec le corps de la femme, notamment au Moyen-Âge. Cela passe par du détail de mise en scène, de narration, de jeu; et si ce réseau d'indices avaient été laissé à l'interprétation du spectateur ont aurait eu un film très puissant sur la façon dont la parole des victimes féminines peut ne pas être entendu. Mais le film pêche largement en appuyant sans nuance et avec d'énormes sabots de multiples références à l'ère contemporaine et particulièrement à #MeToo par un empilement de dialogues, de rebondissements faussement malicieux. Le plus embêtant reste ce titre, qui lors de la version des faits par Marguerite affirme que c'est maintenant la vérité. Il est dommageable ce choix car il insulte quelque peu l'intelligence du spectateur. Certes, Scott, Damon et Affleck (qui signent à trois l’œuvre) ont peut-être raisons de penser que le spectateur contemporain est con; mais je finit toujours par penser que ce que raconte le film de manière si ostensible aurait dû être, car c'est vers cela qu'il semble tendre, de l'ordre du sous-texte et non du sur-texte surligné en jaune. Pourtant "Le Dernier Duel" demeure une épopée efficace, digne du nom de Scott et qui, je n'en doute pas, restera.

Illusions perdues
7.4
17.

Illusions perdues (2021)

2 h 29 min. Sortie : 20 octobre 2021. Drame, Historique

Film de Xavier Giannoli

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Partis sans réelle envie, moyennement curieux, pensant qu'il s'agissait d'une énième adaptation pompière d'une œuvre de la littérature classique j'ai été cueilli par la force vive de ce film plein d’énergie et de moments de bravoures, servi par un casting formidable (Lacoste, Dolan, Depardieu et la belle Cécile de France en tête) et qui met en scène, non sans malice, le Paris mondain de la première moitié du XIXe. Par la reconstitution et un savant classicisme, qui servit tel qu'il est fait plaisir à voir, Giannoli dans les pas de Balzac entend bien discourir. Ce discours se veut quelque peu à charge et fait de gros clins d’œil voyants à notre ère en prétendant dynamiter le monde de la presse montré sans fard : avide, malhonnête et finalement corrompu. C'est plutôt réussi en vérité, suffisamment truculent et irrespectueux pour me plaire. Je regrette juste, et j'essaye de considérer ce point sans que ma propre activité entre en compte, que la critique acerbe portée à la critique journalistique, justement, soit tout de même assez démagogique au point de prêter aux personnages les mots de quelques populistes anti-art sur ce qu'ils croient être la critique d'art. C'est peut-être le seul travers du film, non pas que la critique de la critique me dérange, mais c'est un point où le film (et Giannoli) semble rire tout en haut de son ironie et croit désamorcer déjà les attaques que le film pourrait recevoir. Du reste, c'est tout de même un détail, et qui de sensé aujourd'hui pourrait nier que le monde de la presse n'est pas vendu aux patrons et magnats de l'industrie et autres actionnaires et que l'information comme marchandise et spectacle n'a plus depuis longtemps de valeur morale. C'est bien ce que "Illusions Perdues" montre avec ardeur : la corruption d'un jeune artiste idéaliste qui bientôt deviendra un violent critique, mondain à moitié ripoux, sans valeurs et prêt à se nier pour l'argent, la gloire, la vengeance; dans une trajectoire en cloche (ascension, apogée, chute), aux prises avec une aristocratie royaliste et une bourgeoisie libérale. Le film, certes un peu naïvement, porte en gloire l'identité d'artiste; la confronte au succès et aux mondanités et parvient à un tout cohérent entre mise en scène et propos qui rend ses 2h30 (parfaitement mises en musique) somme toutes très plaisantes.

À l'abordage
7.4
18.

À l'abordage (2020)

1 h 36 min. Sortie : 28 mai 2021. Comédie

Téléfilm de Guillaume Brac

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Ah que j'aime les films de vacances estivales où se croisent les jeunesses de divers horizons ! D'autant plus quand ces films, celui-ci en particulier, s'amusent à se faire rencontrer les milieux, les classes sociales (classes sociales ostensibles puis prises à rebours via des processus d'émancipations très justes). Les prolos de banlieue d'un côté et les bobos qui ont des maisons secondaires de l'autre se cherchent parce qu'ils s'aiment ou croient s'aimer et au final tout le monde se découvre un peu dans la limite du temps imparti : l'été. Guillaume Brac réalise un beau film, où l’entièreté du casting joue vrai. Cela paraît si simple lorsqu'on le voit déployé ainsi à l'écran. Mais le vrai est si difficile à atteindre. Entièrement filmé dans des plans longs, sans champs/contre-champs, sans plans rapprochés (ou presque), sans gros plans, avec très peu de mouvements. C'est une mise en scène solaire et calme mais qui ne perd pas de son expressivité (les deux jeunes "galériens" derrière les grillages). En ce sans le casting est attachant au possible, le trio masculin de tête est un réjouissant jeu comique qui va offrir trois trajectoires drôles et touchantes dans une sorte de marivaudage contemporain qui déjoue nos attentes. On s'affranchit de sa classe sociale tout comme on se découvre adulte dans le film. Plein de poésie, le film nous éloigne des temps Covidesques dans une mise en scène si naturaliste qu'elle paraît surnaturelle. Beau film donc, je disais, dont l'humilité et la douceur m'impose un peu de silence. En entendant les nouveaux jours ensoleillés et les amourettes qui, inlassablement, en découlent.

Au cœur du bois
7.3
19.

Au cœur du bois (2021)

1 h 30 min. Sortie : 8 décembre 2021. Société

Documentaire de Claus Drexel

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Claus Drexel pose avec humilité, avec respect une caméra fixe dans le bois le plus fameux de la capitale : le bois de Boulogne. Il donne la parole à ces femmes, ces hommes, ces trans qui y travaillent. Le film, bien sûr, brasse pas mal de sujets; le film d'entretiens se prête à ça et il peut parfois avoir l'air de simplement dérouler son programme en utilisant la parole des intervenants. Pourtant ce qui fonctionne particulièrement dans le film c'est qu'il réussit à faire vivre à l'écran toute une somme de trajectoires, toutes radicalement différentes. Cette somme n'est pas gratuite, et c'est en cela que le film est fort politiquement. Sans lever le poing bruyamment pour l'une ou l'autre cause (abolitionniste, légaliste ou que sais-je encore), le film nous montre surtout les effets néfastes des successives lois anti-prostitution, le film nous dit assez clairement qu'avant de savoir si on doit interdire la prostitution et qui cibler, il faut commencer par en connaître ses spécificités, ses acteurs. Ces femmes (globalement) ont comme point commun d'être indépendantes. C'est à dire qu'elles se prostituent seules, sans être sous la coupe d'un mac, par choix, par échec mais surtout pour ne pas disparaître dans une encore plus grande misère. L'effet de la loi de pénalisation du client, dont on ne met pas en doute qu'elle soit basée sur des convictions féministes, attaque les prostituées économiquement sans proposer d'alternative sociale (si ce n'est, pour les immigrées, une reconduction à la frontière pour les autres la misère la plus crasse). En ce point, via son identité de panel, le film est extrêmement pertinent. Esthétiquement par ailleurs, la seule présence de plans fixes, plutôt larges est un choix honorable, qui produit un effet de calme, de concentration sans retirer la protagoniste de son milieu. Mais le film à une autre identité, beaucoup plus Herzogienne, qui font par moment verser le film dans l'onirisme. Encore des plans fixes sur des natures mortes, des déplacements étranges, des codes bizarres pour qui ne connaîtrait pas les lieux, des lumières expressionnistes, une musique fantasmatique, des figures irréelles, un masque de lapin, des cabanes dans les bois. Tout ces éléments encrent le film dans un espace, qui sans être magnifié, est différencié. Drexel à raison, il n'y a pas d'autres endroits comme le BDB. Il en a compris le fascinant, l'étrangeté et l'a très justement rendue en film. Un documentaire pertinent et curieusement beau, à voir.

Mourir peut attendre
6.2
20.

Mourir peut attendre (2021)

No Time to Die

2 h 43 min. Sortie : 6 octobre 2021 (France). Action, Aventure, Thriller

Film de Cary Joji Fukunaga

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

"James Bond" est cette saga, cette grande franchise de mon enfance qui n'a jamais cessée d'attiser mon intérêt. De fait, j'attendais ce nouveau volet impatiemment, non seulement car c'est un nouveau JB mais aussi car il marque la fin de l'ère Craig qui aura été pleine d'ambivalence, de travers mais aura eue une âme et c'est finalement ça qui importe. Ce "Mourir peut Attendre" ne déçoit pas le spectateur que je suis qui avait déjà aimé le ton absurdement sérieux et fiévreux, l'esthétique exagérément mystérieuse et les péripéties incroyablement rocambolesques de "Spectre". En ce sens il s'inscrit dans sa droite lignée en prenant soin de toujours mêler la noirceur et la gravité d'un "Quantum of Solace" avec un récit en gloubiboulga d'idées délirantes et de scènes d'actions bardées d'idées hallucinantes qui frôlent parfois l'immaturité. Mais c'est le dosage qui fonctionne. Ce JB montre aussi la façon, peut-être cynique après tout, dont un ensemble d'éléments filmiques devenus de véritables clichés peuvent encore être usités sans relâche et avec succès. Aussi et finalement surtout, c'est l'ultra-présence d'un ton qu'il est juste de nommer élégiaque, qui fait le succès de l'entreprise. Le film est fait comme un adieu à Daniel Craig qui aura, fidèlement à ses prédécesseurs, porté avec lui une cohérence et un ton global qui a fait véritablement sens; peut-être pas le "bon sens" mais au moins un sens. Si moi même je voulais m'essayer à l'élégie, j'irais même à penser que "Mourir peut Attendre" devrait être le dernier James Bond tant il semble clore à lui tout seul une ère cinématographique et humaine. Mais ça serait franchement abusé non ? Je me contenterai donc de souligner la composition de Craig qui aura conquit le personnage difficilement, pour se faire il l'aura tordu, mais finalement conquit; et je remarquerai quand même le passage (scandaleusement court) de la sublime Ana de Armas mais aussi l'introduction réussie de Lashana Lynch qui a eu le don de déjouer les attentes et les doutes avec une certaine malice, on le ressent. "Mourir peut Attendre" est un JB. Et il suffit de dire ça en fait. C'est un vrai JB doublé d'un blockbuster jusqu'au-boutiste et généreux mais surtout ni trop démago, ni particulièrement cynique, ni vraiment arrogant. Et c'est rarissime.

Bad Luck Banging or Loony Porn
6.4
21.

Bad Luck Banging or Loony Porn (2021)

Babardeală cu bucluc sau porno balamuc

1 h 46 min. Sortie : 15 décembre 2021 (France). Comédie dramatique

Film de Radu Jude

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

L'apparente envie de nous raconter l'histoire de cette prof d'histoire victime d'une sex-tape qui a fuité sur le net ne tient pas bien longtemps face au désir qu'on ressent profond de la part de Radu Jude de pénétrer le genre de la farce et de le faire complètement et sans détours. S'il doit pour réussir faire appel au porno qui dès la première seconde apparaît là sans fard sur grand écran, à la parodie de sémiologie, au théâtre bouffon, aux rappels incessants à la pandémie récente comme à la présidence de Ceaușescu; il le fera pleinement. Et c'est ça la grosse réussite de ce film au titre farfelu, c'est qu'il est franchement punk, jusqu'au-boutiste et libre dans son envie de déboulonner le portrait déformé que son cinéma en miroir à tendu à la société roumaine (rapport à Méduse, Médée et son bouclier). Pouvons-nous tirer des conclusions au film ? Oui certainement la société Roumaine semble particulièrement inconsciente de son histoire et a d'une manière hypocrite sombré dans la pornographie sans le sexe; mais ça n'a rien de sensationnel alors concentrons-nous plutôt sur la décharge esthétique assez simple dans le fond que représente le film; comme une méchante blague polissonne qui mêlerait point Godwin et paillardise et dont le résultat sur ses spectateurs serait en fait le vrai gag.

Suprêmes
6.4
22.

Suprêmes (2021)

1 h 52 min. Sortie : 24 novembre 2021. Biopic, Drame, Musique

Film de Audrey Estrougo

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Voilà enfin notre biopic sur un groupe de rap culte, comme celui sur NWA assez récemment (et plutôt très bon d'ailleurs) auquel ont eu droit les ricains.
Le légendaire Supreme NTM, pionnier du rap hardcore, phare du rap du 9.3, qui a droit ici à un bien bel hommage qui reprend à son compte les codes du film rock en les catapultant dans la Seine-Saint-Denis des 90's à grand renfort d'une reconstitution minutieuse et de séquences contextualisantes très clipesques (mais ici c'est évidemment pertinent). Le film bénéficie surtout d'une mise en scène léchée, absolument parfaitement éclairée; je pense à la scène du concert sur le terrain vague qui commence dans un long contre-jour pour terminer dans un travelling circulaire rapide et un concert de phares de voitures. Scène assez magistrale qui donne le ton d'une œuvre ultra-soignée qui a un peu cet accent politique très vindicatif, absolument banlieusard et ultra-cinématographique d'un bon naît de chez Kourtrajmé. Le film brasse beaucoup de sujets mais particulièrement celui des violences policières qui constituent la toile de fond de l'explosion du groupe, de l'éclosion d'un style radical sur le plan technique et textuel qui donne le ton d'une époque. Une époque où la banlieue s'est soulevée, une époque où il y a eu "La Haine", une époque où le rap a été là pour donner de la voix à sa génération. En ce sens le film, sans être un sommet politique, réussi tout ce qu'il entreprend. L'époque est là (même si on sent les coutures de la reconstitution), les personnages sont là (et ne sont pas épargnés), l'interprétation est là (enfin surtout notre duo principal, le reste est discutable), la musique est là (quand résonne "Seine-Saint-Denis Style" c'est exceptionnel) et enfin le mouvement hip-hop est représenté sans trop (mais un peu) de clins d’œils au présent. Au public de faire le lien avec son temps. Il est évident. Réécoutons "Paris Sous les Bombes".

La Panthère des neiges
7.7
23.

La Panthère des neiges (2021)

1 h 32 min. Sortie : 15 décembre 2021. Nature, Animalier

Documentaire de Marie Amiguet et Vincent Munier

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Il est toujours émouvant d'être happé par les images d'un animal sauvage, images capturées au prix d'une traque et d'une longue attente. Ces images là sont précieuses car rarissimes, très chères dans le temps qu'elles coûtent et chères en enseignements aussi; ça Sylvain Tesson ne s'y est pas trompé. En creux dans le film c'est aussi le portrait de l'homme d'un autre temps qu'est Munier qui nous ai fait, un explorateur, un primitif qui tente de se mettre au diapason de la nature. C'est l'histoire d'une rencontre humaine et d'une rencontre animale. Le film et son texte, n'évitent pas (et c'est dommage) l’écueil réactionnaire qu'on rencontre en observant la nature non modifiée par l'Homme; et qui voudrait qu'un sain retour à l'état de nomade ou d'animal soit notre salut. Je n'y souscris pas. Mais Sylvain Tesson est un écrivain proche de Jean Raspail, réactionnaire donc, dans la plus grande force du terme. Toutefois, l'image, le son, entièrement tournés dans une perspective naturaliste nous montre un espace magnifique, sauvage traversé par une faune vivante, digne, merveilleuse et violente parfois (à contrario de l’œuvre photographique de Munier). Le film par endroit rejoint même l'abstraction (picturale j'entends) et c'est aussi là qu'il trouve une identité artistique très juste qui se marie bien avec la voix-of, poétique, de Tesson. La rencontre au sommet avec l'être quasi-mythologique qu'est la panthère offre un moment d'extase, parfaitement mis en musique, qui fait de ce film une expérience émouvante et inoubliable pour qui est sensible à ce sous-genre du documentaire.

Stillwater
6.5
24.

Stillwater (2021)

2 h 20 min. Sortie : 22 septembre 2021 (France). Drame, Thriller

Film de Tom McCarthy

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Avec son classicisme à l'américaine de bon ton, son pitch de polar à l'étranger et son personnage de ricain en quête de vérité sur le sol Marseillais interprété par un Matt Damon comme un poisson dans l'eau; "Stillwater" avait tout du thriller un peu cliché mais fondamentalement pas désagréable qu'on voit un peu par dépit au cinéma. Eh bien, ma foi, il est un peu ça mais juste un tout petit peu plus ce qui le sauve inexorablement de l'oubli auquel du même coup il aurait été voué. Ce qui marche dans "Stillwater" c'est ce moment où tout à coup le récit bifurque, semble nous mener d'abord dans une sorte de film d'enquête ou de revenge movie et puis devient un peu brusquement la chronique du quotidien d'un ricain prolo pur jus qui essaye de reprendre un semblant de vie normale à Marseille, au sein d'une famille dont tout semble à première vu le séparer. Le film se met à adopter le rythme et l’énergie d'un quotidien ensoleillé sur la côte et filme avec goût et une grande acuité les panoramas des calanques. Le duo Matt Damon et Camille Cottin en bobo théâtreuse, fonctionne du tonnerre en étant tout deux assez finement stéréotypés mais très humains, regroupés autours d'une petite fille pleine de vie et d’énergie. Finalement on regretterais presque que le film se décide au final de retourner dans son intrigue de polar tant on avait envie de voir ce que deviendrais ce couple bizarre, qui se comprend si peu mais réussi à créer un foyer. Le résultat est donc un ouvrage bicéphale qui aborde frontalement quelques grandes thématiques et genres qui semblent n'avoir pas grand chose à faire ensemble et avec lesquelles on peut se ramasser très vite, comme le navet "French Connection 2" le prouvait assez bien; tout en permettant à un casting franco-américain de briller dans leurs rôles. Ce qui du reste est peut-être la vraie spécialité de Tom McCarthy.

Les Damnés de la Commune
7.6
25.

Les Damnés de la Commune (2021)

1 h 27 min. Sortie : 23 mars 2021. Animation, Historique

Documentaire TV de Raphaël Meyssan

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Nous commémorons en ce moment même les 150 ans de la glorieuse et tragique Commune de 1871. Pourvoyeur de récits populaires dont peu se sont finalement emparés. Le moment parfait, donc, pour visionner ce docu-fiction animé narrant les mémoires d'une certaine Victorine; jeune femme catapultée au sein de la révolution sociale et du siège de Paris.
Prenons le temps ici de saluer la rigueur du casting vocal mené par une Yolande Moreau à la voix douce, jeunette et touchante et un Simon Abkarian dont la voix grave tonne parfaitement bien en narrateur omniscient.
L'emploi exclusif de gravures pour constituer le support visuel est particulièrement louable (et réfère au roman graphique dont le film est en fait l'adaptation) et si l'on y ajoute en plus le parti-pris narratif, on se retrouve face à un film très émouvant, bien mis en musique et rappelant de manière intelligible les événements historiques où l'on croise les grands noms de l'histoire mêlés avec les pérégrinations d'une protagoniste principale, plus universelle et rappelant que c'est aussi la masse populaire qui fait l'Histoire.
Soyons certains que nous tenons là un très beau projet qui a le mérite absolu de nous rappeler une chose essentielle, c'est que nous avons besoin de nous emparer artistiquement (politiquement et scientifiquement aussi bien sûr) de notre histoire sociale, de la commémorer; et maintenant et à jamais de dire : Vive la Commune !

Une vie démente
7.4
26.

Une vie démente (2020)

1 h 27 min. Sortie : 10 novembre 2021 (France). Comédie dramatique

Film de Ann Sirot et Raphaël Balboni

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Vu en fermeture du festival "Le Court en dit Long", "Une Vie Démente" de Ann Sirot et Raphaël Balboni (qui nous gratifiait déjà du truculent "Des Choses en Commun") est promis à une belle vie en festival et, je l'espère, au-delà. Menant d'entrée de jeu son spectateur sur une vraie fausse piste : la comédie poético-colorée, le film entre rapidement dans le cœur de son sujet, dramatique (sans jamais abandonner sa si belle coloration), où une sorte d’Alzheimer accéléré sous forme de démence progressive d'une mère survient alors que son fils préparait la création d'un enfant avec sa femme. Avec un budget minuscule, un tas d'idées visuelles directement tirées des installations artistiques de Stéphanie Rolland (notamment la très douce et cruelle "Dead star funeral" qui est citée de bien belle façon dans le film), imprégné d'art contemporain (qui s'affiche aux murs comme dans les premiers Godard, d'où semblent sortis aussi une série de jump-cuts bien sentis) et des quatre saisons de Vivaldi, avec un univers graphique juste ce qu'il faut d'étrange et enfin et surtout un trio (voire quatuor) de comédiens tout simplement formidables. Eh bien le film émeut. Le sujet est fort. Me touche particulièrement car il remue en moi des questions qui me sont chères. D'autre part le film, intelligemment, se tire de son résumé un peu simpliste pour filer avec une grande douceur une métaphore, facile, mais d'une grande justesse sur la régression mentale de la personne malade et dépasse son postulat rapidement pour nous immerger dans les choix, les rapports d'un jeune couple face à la maladie de la mère. On rit et pleure successivement, d'un plan à l'autre et on est touchés par la justesse, la beauté solaire des images qui y sont si simplement déployées. Si le film va peut-être avoir tendance à répéter ses effets et se contenter d'une poignée d'idées visuelles fortes tout ceci ne vient jamais gâcher le succès grandiloquent d'une entreprise pourtant si humble. Voyez ce film si vous le pouvez.

L'Événement
7.4
27.

L'Événement (2021)

1 h 40 min. Sortie : 24 novembre 2021. Drame

Film de Audrey Diwan

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Par un mode de représentation qu'il est juste de nommer : crû; Audrey Diwan réussi un film parfaitement percutant et féministe et ce le plus simplement du monde, c'est à dire en montrant simplement une réalité (l'avortement en France dans les années 60). C'est qui fait de "L’Événement" un film historique, social, radical et politique sans être voyeuriste, grand-guignol et ostensiblement militant. Il est servit par un casting gravement impliqué et une esthétique (même si le 4/3, l'aspect pelliculaire étaient attendus) qui fait sens et qui démontre toute l'acuité de Diwan dans le cadre d'une mise en scène.

First Cow
7.2
28.

First Cow (2019)

2 h 02 min. Sortie : 9 juillet 2021 (France). Drame, Western

Film de Kelly Reichardt

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

L'apparente lenteur du film qui choisit minutieusement ses plans et s'amuse à les faire durer toujours un petit peu plus, peut-être pour voir comme disait une fois JB Thoret, un peu de réel après l'action; s'accorde avec lyrisme à un récit d'amitié archétypique catapulté dans un décor naturel ambiance pionniers américains. Ces deux éléments font de "First Cow" une sorte de pré-western d'avant la violence (mais elle est en chemin), d'avant les génocides, d'avant la mise à sac des ressources naturelles. Cette histoire d'amitié masculine drapée d'une ambiance écolo gentiment réac' marche parfaitement bien, pulvérisant les modes de représentations d'une nature sauvage mal accueillante que l'homme doit forcément conquérir. "First Cow" en anti-"The Revenant" se met au rythme du cours d'eau, au rythme de la cuisson d'un beignet (je tente), au rythme de la vie sur la "frontier" que l'on n'avait jamais montré ainsi (de fait au saloon on est propulsés dans la pièce où la bagarre ne se déroule pas). Même si l'ensemble des éléments ajoutés qu'ils soient techniques (mouvement de cam rectilignes et figurants du Puy-du-Fou), artisanaux (costumes très propres sur eux), archétypaux (les personnages principaux paraissent franchement inconscients), sonnent un peu toc et empêchent de s'extirper de la constatation: "oh tiens voilà de la mise en scène", le film déroule assez intelligemment une esthétique qui s'extirpe du spectaculaire pour nous faire toucher du doigt une relecture de la conquête de l'Amérique dans une volonté pâtissière et bienveillante à laquelle finalement on ne pensait jamais pouvoir adhérer. C'est le contrechamp à Davy Crockett que nous délivre audacieusement Kelly Reichardt, dont la filmo me reste maintenant à découvrir.

Lamb
6.2
29.

Lamb (2021)

1 h 46 min. Sortie : 29 décembre 2021 (France). Drame, Fantastique

Film de Valdimar Jóhannsson

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

Voilà un film étrange. Sincèrement étrange je dirais. Qui ne tient pas à son concept ou à un simple élément décadent. Qui amalgame, en plus, le réalisme le plus crû avec le fantastique. Le succès du film tient d'abord à ceci qu'il n'est pas un film à concept ou un film mécaniquement bizarroïde. Le second succès tient à son ambiance. Sans ne nous montrer grand chose que des animaux, du paysage en plan fixe et un ensemble de son et de nappes sonores, le film nous place dans un malaise profond où, certes c'est éculé, la nature semble inhospitalière et menaçante. Le rythme est en cela quelque peu redondant mais on ne l'aurait pas reproché à un drame social sur des fermiers (ce qu'est en partie le film quoi qu'on en dise). S'il fallait transformer le métrage en onde sonore, elle ressemblerait en une vibration monotone et quelques pics réguliers annonçant un crescendo final. Cette double forme présente dans le métrage est fidèle et ressemblant au personnage d'Ada qui partage la double identité qui fait l’étrangeté bizarrement normale du film. En outre, Noomi Rapace, que j'apprécie beaucoup notamment pour ces choix de films surprenants, fait une performance remarquable; elle et tout le casting en somme, nous introduit sans violence dans un film profondément marqué, semble-t-il, par un concept Freudien remarquable : l'Unheimlich.

Cette musique ne joue pour personne
6.6
30.

Cette musique ne joue pour personne (2020)

1 h 47 min. Sortie : 29 septembre 2021. Comédie

Film de Samuel Benchetrit

GISMO-PROD a mis 7/10.

Annotation :

C'est comme cueilli par la douceur étrange de ce film que j'écris cette annotation. Il y a un parfum particulier qui se dégage de ce film, loin du souvenir d'un "Chez Gino" tout aussi étrange mais dont je ne retiens qu'un sentiment de branlette whatzeufequesque. Ici c'est un sentiment de lenteur, de tranquillité pour raconter les trajectoires franchement déconnantes, voire parodiques de quelques gangsters ratés de la côte nord dans des pérégrinations presque vaudevillesques et leurs découvertes des arts, de la poésie d'une façon générale. Benchetrit, fidèle à son point de départ narratif (ses personnages) va tout filmer de manière franche mêlant toujours son décor un peu vulgaire, un peu trivial avec de l'esthétique, parfois tout aussi triviale (de la pop-music, du théâtre couillon, du développement personnel ou de la poésie bêta), parfois plus envolée (l'adagio d'Albinoni si j'ai bonne mémoire ou de la poésie qui sort des tripes). Cette mise en scène franche se caractérise par des cadrages larges, grande profondeur de champ, personnages filmés pleins pieds dans des plans souvent longs. C'est tout ceci et ses récurrences poétiques qui confèrent au film cette sensation de sérénité alors que l'univers dans lequel évoluent les personnages semblent n'être que violence (et une photo grisâtre qui ne met pas à l'aise). C'est enfin, et peut-être surtout, grâce à un casting, un casting de gueules comme je les aiment; que le film s'envole dans des compositions entre lyrisme un peu lourd, comique de caractère ou invectives gouailleuses (le dialogue en coulisse : "merde" - "mais ta gueule toi !" reste une valeur sûre de la déconnade). Entre Damiens, Lanners, Bédia, JoeyStarr, Kervern (à qui le film emprunte beaucoup de son décor et de sa façon de les filmer) on ne saurait à qui donner la palme. Sans oublier Vanessa Paradis dans un rôle parfaitement cocasse et Valéria Bruni-Tedeschi dont la discrétion et la retenu confèrent à son personnage une vraie aura.

GISMO-PROD

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