Les dix classiques de la philosophie médiévale à lire avant de mourir

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Avicenne (980-1037) raconte dans son autobiographie que même après avoir appris par cœur la Métaphysique d'Aristote, le livre lui semblait incompréhensible. Jusqu'à ce qu'un marchand lui vende à la criée le commentaire d'Al-Farabi, comme d'autres des chouchous sur la plage.
Je ne sais pas si la même chose est vraie pour son propre commentaire. En tout cas, Avicenne est peut-être le plus grand philosophe musulman de la période que nous appelons "médiévale" en Occident.

Alternative : la Métaphysique du Shifa, son œuvre majeure.

Alternative de feignasse : la Réfutation de l'astrologie (qu’Élisabeth Teissier a osé préfacer), pour avoir un aperçu de son épistémologie rationaliste.

Annotation :

Excellent pour se donner un mal de tête. (Un peu comme Nicolas de Cues en fin de liste). L'idée de Dieu désigne ce qui est tel que rien de plus grand ne peut être conçu. Or, l'idée d'un Dieu qui n'existe pas est moins grande que l'idée d'un Dieu qui existe. Donc ce qui est tel que rien de plus grand ne peut être conçu existe nécessairement.

Le chaînon manquant entre Platon et Georg Cantor.

Alternative : le Monologion.

Alternative de feignasse : le Catholicisme pour les nuls.

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Selon certains, Al-Ghazali (1058-1111) serait au pire un antiphilosophe obscurantiste , défenseur de l'irrationalité religieuse contre la raison scientifique, au mieux un opportuniste qui cherche à s'allier théoriquement avec tout le monde. Selon d'autres, il est le concepteur d'une métaphysique des événements à la Hume où la causalité nécessaire est sévèrement remise en cause.

Alternative : le Livre de l'Unicité divine et de la remise confiante en Dieu.

Alternative de feignasse : le Tabernacle des Lumières, pour profiter de sa poésie et de sa mystique.

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Le Grand commentaire d'Averroès (1126-1198) au Traité de l'âme d'Aristote, un must-read. En gros nous ne sommes que des corps et l'Intellect est séparé. Plus scandaleux que Closer.

Alternative : le Grand commentaire de la Métaphysique d'Aristote. (En effet, Averroès ne pouvait pas boire son café sans demander l'autorisation du Stagirite).

Alternative de feignasse : le Discours décisif, somme de punchlines contre les méchants théologiens qui veulent interdire la philosophie.

Annotation :

Le grand œuvre de Maïmonide (1138-1204), surnommé le second Moïse (ce n'est pas rien !). Ou comment ramener les randonneurs de la théologie dans le droit chemin d'Aristote.

Alternative : le Livre de la connaissance, dans lequel Maïmonide est en mode Créon et dicte la loi.

Alternative de feignasse : la Lettre sur l'astrologie, dirigée contre les Saint Seiya qui prolifèrent au Moyen Âge.

Annotation :

Le livre le plus mainstream des cathos depuis 800 ans. Disponible intégralement en latin sur internet pour les aventuriers de la pensée. Il paraît que J.R.R. Tolkien et Paul Valéry l'ont lu. Il y a tout dedans.

Alternative : la Somme contre les Gentils, destinée à convaincre les païens et autres musulmans sur le terrain de la raison naturelle.

Alternative de feignasse : le De la vérité (question 1), la fameuse théorie de l'adaequatio intellectus et rei. Ou encore "la neige est blanche" si et seulement si la neige est blanche.

Annotation :

Il existe plusieurs traductions des traités et sermons allemands de Maître Eckhart. Ils sont d'une beauté incomparable, et manifestent une théologie originale de la filiation divine. Maintenant qu'ils sont publiés chez Albin Michel, on peut aussi les considérer comme la méthode Coué du XIIIe siècle, en mode développement personnel.

Alternative : le Commentaire de l’Évangile selon Jean, pour celles et ceux qui font partie des 1% plus riches de la planète.

Alternative de feignasse : Le Grain de sénevé, qui est un poème.

Annotation :

On passe chez les Franciscains avec Bienheureux Duns Scot (1266-1308). Une philosophie réputée pour son extrême complexité. Remise au goût du jour par Heidegger puis Deleuze, avec cette bizarre théorie de l'univocité : l'être se dit de la même manière pour Dieu et pour les créatures.

Alternative : Le Principe d'individuation. Pourquoi êtes-vous un individu unique ? Parce qu'il y a en vous une "eccéité", c'est-à-dire le fait d'être unique. C'est tout de suite plus clair.

Alternative de feignasse : Signification et vérité, qui est un commentaire du traité De l'interprétation d'Aristote. Duns Scot aussi est passé par cette manie de chercher à comprendre Aristote, quitte à lui faire dire ce qu'il ne dit pas.

Annotation :

Guillaume d'Ockham (1285-1347) nous explique que les mots ne sont que des "flatus vocis", des sons ou des "souffles de voix" littéralement. Excellent remède contre l'essentialisme et la soi-disant consistance ontologique des généralités à base de "tous les X sont Y". Donc non, "toutes les femmes" ne sont pas "superficielles" ; "tous les étrangers" ne sont pas "des voleurs" ; "tous les philosophes" ne sont pas "des ergoteurs" (enfin presque pas tous).

Alternative : Court traité du pouvoir tyrannique, pour le versant politique, c'est-à-dire la critique du pouvoir temporel du pape.

Alternative de feignasse : Intuition et abstraction, là encore pour comprendre qu'il n'existe que des individus et non des généralités.

Annotation :

Chez Nicolas de Cues (1401-1464), la rupture avec Aristote est consommée et la modernité s'annonce. Grand lecteur de Maître Eckhart et mathématicien, il construit une intéressante théologie négative dans cet ouvrage. Lisez-le pour savoir pourquoi Dieu est non-autre que tout autre, sans être pour autant le même que tout autre.

Alternative : la Docte ignorance, son ouvrage le plus connu.

Alternative de feignasse : Savoir dire non à ses enfants, par Elizabeth Maheu.