Liste de

60 livres

créee il y a plus d’un an · modifiée il y a 4 mois

Les 40 jours du Musa Dagh
8.9

Les 40 jours du Musa Dagh (1933)

Die vierzig Tage des Musa Dagh

Sortie : 1936 (France). Roman

livre de Franz Werfel

bilouaustria a mis 10/10.

Annotation :

Le grand roman du drame arménien. En 1915, alors que la guerre fait rage en Europe et dans le monde, les turques déportent et exécutent systématiquement les populations arméniennes sur leur territoire, ce qui conduira au premier génocide du vingtième siècle. Trois villages qui ont anticipé l’inévitable s’organisent et occupent les hauteurs du Musa Dagh d’où ils surplombent la région. Ils décident de résister. C’est le début de 40 jours de batailles, de faim, de désespoir, de lumière et de beauté aussi, un concentré de vie, une existence comme accélérée par l’urgence de chaque moment et chaque décision, aux portes de la mort. Le classicisme de Werfel sert admirablement cette tragédie, sans en rajouter. Les faits parlent pour eux-mêmes et il y a une puissance qui se dégage de ce destin funèbre. Il y voyait en 1933 au moment où il achevait les près de mille pages de son chef d’œuvre, un parallèle avec la situation inquiétante des juifs en Europe. Roman inoubliable et annonciateur.

Zonzon Pépette
7.5

Zonzon Pépette (1923)

Fille de Londres

Sortie : 1923 (France). Roman

livre de André Baillon

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Zonzon pépette, c’est de la dentelle, Et Baillon un artiste de la petite phrase, un jongleur qui passe de l’argot du truand à l’imparfait du subjonctif sans aucun effort. Sa Zonzon n’est pas sympathique, c’est rien de le dire, mais on s’attache, on n’y peut rien, et derrière l’énormité et la vulgarité, il y a de belles choses que Baillon révèle peu à peu avec une dextérité épatante. La galerie des personnages secondaires donne des couleurs à son texte et des airs de vécus mais c’est la langue et le style qui font vraiment la différence. Élégance désinvolte, petite musique des bas-fonds, comment dire ? Rien n’est évident, il n’y a pas de sens de la formule mais une beauté plus délicate, plus raffinée dans le verbe de cet écrivain suicidé et oublié. Que celui qui a redécouvert Baillon et l’a sorti de son oubli littéraire soit béni ! Texte court qui se lit lentement - et peut-être à haute-voix.

La Vie clandestine
6.8

La Vie clandestine (2022)

Sortie : 18 août 2022. Roman

livre de Monica Sabolo

bilouaustria a mis 5/10.

Annotation :

Près de quarante ans après les faits, Monica Sabolo s’intéresse aux membres d‘Action Directe et à leurs actes. Elle fantasme un peu sur eux puis feuillette des Paris-Match de l’époque en revenant sur les épisodes de la bande en guise de longue introduction avant d’enquêter (un grand mot) et de rencontrer des anciens agitateurs d‘AD. Sa fascination ne fait pas de doutes, on a quasiment affaire à une fan, même si elle fait ici ou là semblant de remettre un peu en cause leurs actions violentes parce que quand même, tuer un père de famille tout ça tout ça. En parallèle, elle développe timidement une histoire personnelle et dresse un pont entre les deux récit (La vie clandestine, ah d’accord). Il y a sûrement de la sincérité dans ce livre mais aussi des tonnes de maladresses et d’amateurisme. La bonne presse qu‘elle a reçue est largement conquise d‘avance. Qui a lu le livre ?

Adieu à Berlin
7.6

Adieu à Berlin (1939)

Goodbye to Berlin

Sortie : 1946 (France). Roman

livre de Christopher Isherwood

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

(anglais)

Un roman composé de chapitres qui ressemblent à des nouvelles indépendantes les unes des autres, et qui auraient simplement pour point commun l’expérience du jeune Christopher Isherwood, apprenti écrivain dans le Berlin des années 1930, en pleine montée du nazisme. Autour de lui, qui se met volontiers en scène, une ribambelle de personnages charismatiques, attachants, des plus fauchés aux plus fortunés. L’argent est souvent au centre des préoccupations, la politique, elle, fait plutôt figure de toile de fond, toujours prête à surgir violemment au premier plan. Les dialogues sont piquants, le ton léger même dans les épisodes les plus lourds. Isherwood a un charme discret, une ironie subtile et bienvenue pour désamorcer la tension de ce monde en ébullition. J‘ai un peu regretté peut-être le manque de liant, l’impression que ces épisodes ont été mis là bout à bout mais chacun est à coup sûr une preuve du talent de son auteur, sorte de dandy sans le sou.

La Deuxième Épée

La Deuxième Épée (2020)

Une histoire de mai

Das zweite Schwert

Sortie : 2022 (France). Roman

livre de Peter Handke

bilouaustria a mis 4/10.

Annotation :

Fiasco à tous les étages, par où commencer ? Moi qui estime Handke et ai toujours apprécié ses textes (livres et contributions très littéraires à des films), je ne comprends absolument pas ce roman qui n‘a ni queue ni tête. Une histoire de vengeance nous dit le quatrième de couverture. En réalité, Peter observe sa petite banlieue parisienne, parle avec un voisin, prend le tram, élucubre. C’est maigre. Fraîchement couronné de son Nobel, ce texte sent l’arnaque littéraire, à peine plus de cent pages pondues péniblement mais qui ont peut-être rapporté assez à son éditeur ? Qui sait… Elles ne satisfairont sans aucune doute pas les lecteurs assidus de l’autrichien.

Le Pape et Mussolini

Le Pape et Mussolini (2014)

The Pope and Mussolini

Sortie : 2016 (France). Histoire

livre de David I. Kertzer

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

C‘est en lisant «La filière» que j‘ai vu pour la première fois passer le nom de David Kertzer, historien et prix Pulitzer. Kertzer est le spécialiste américain de l‘Italie, tous ses livres y sont consacrés. Ici, il a eu accès aux archives du Vatican et montre dans un livre passionnant comment Mussolini et le Pape Pie XI ont trouvé un accord, ayant mutuellement besoin l‘un de l’autre. Pour Mussolini, il s’agissait de s‘acheter un peu de crédibilité après son accession éclair au pouvoir mais accomplie dans la terreur et la violence. Pour le Pape, il trouve en Mussolini un partenaire prêt à redorer le blason de l‘église, avec des dons généreux mais aussi des lois : retour de la religion obligatoire à l’école, signes de croix dans les lieux publics etc. De là, une alliance contre nature qui va durer quasiment deux décennies, et ce malgré le rapprochement de Mussolini avec Hitler (le Vatican ne bronche, ou juste un peu pour la forme). Kertzer détaille le caractère des deux hommes dans des portraits éclairants pour un livre extrêmement documenté et accessible.

Siddhartha
7.7

Siddhartha (1922)

Siddhartha. Eine indische Dichtung.

Sortie : 1975 (France). Roman

livre de Hermann Hesse

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Siddharta est un concentré du travail d‘Hermann Hesse, on reconnaît immédiatement sa patte, parfois presque jusqu’à la caricature. Il y est évidemment question d’une quête de vie en forme de Bildungsroman, comme dans tous ses livres et il faut savoir que l‘argument indien n‘est pas simplement une volonté de faire exotique de sa part mais que sa famille a en partie vraiment vécu là-bas et que son intérêt pour le pays et la culture ne sont pas superficiels. Pour autant, Siddharta, avec ses chapitres courts et sa philosophie montre un peu trop clairement ses cartes. Le personnage de Siddharta va s‘essayer à différents styles de vie pour trouver la forme qui le comble et répond à ses attentes. Le roman passe absolument sur le vraisemblable sans s‘en préoccuper, on est dans une fable qui manie avant tout des idées. Mais en si peu de pages, et malgré son envie de développer une pensée complexe, Hesse ne peut éviter par endroits les raccourcis un peu faciles ou une forme de vulgarisation. On peut imaginer ce livre avoir une grande impacte sur de jeunes lecteurs mais je le trouve légèrement décevant en comparaison d‘autres romans du grand auteur suisse.

Trailerpark
7.2

Trailerpark (1981)

Sortie : 1996 (France). Recueil de nouvelles

livre de Russell Banks

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Le livre est présenté comme un recueil de 13 nouvelles mais la première histoire est nettement la plus longue du recueil (presque un tiers du livre) et met en place les personnages d‘un Trailerpark, quelque chose comme un parking pour caravanes, au bord d‘un lac du New Hampshire. Le vieux râleur qui pèche tous les jours, les deux blacks qui ne connaissent personne dans cet état blanc, le fumeur de joints, la dame aux cochons d’Inde etc. C’est bien sûr une Amérique en miniature et cette première nouvelle est une belle réussite. En commençant la deuxième j‘ai compris que Banks reprenait en réalité ses personnages d‘une nouvelle à l‘autre, en faisant le tour des caravanes et se permettant quelques sauts dans le temps. Du coup, on n‘obtient pas tout à fait un roman mais un puzzle assez complet avec jalousies, sexe, histoires d’argent et de boulot. Banks y mêle considérations démographiques, économiques, raciales, et le constat n’est pas franchement réjouissant. Mais le monde rendu par Banks est suffisamment complexe et riche pour nous intéresser et la facilité avec laquelle nous rentrons dans chacune de ses nouvelles prouve sa qualité de storyteller.

La Métamorphose
7.5

La Métamorphose (1915)

Édition de Claude David

Die Verwandlung

Sortie : 1989 (France). Nouvelle

livre de Franz Kafka

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Relecture

Revisiter La métamorphose 25 ans après m’a permis de confronter le texte à mes idées préconçues (ou la déformation de mes souvenir, avec le temps). Kafka a peut-être été découvert en France par Vialatte mais il n‘est pas son unique traducteur, comme je le supposais à tort. Plus intéressant, j’avais une image fantastique du texte, quelque chose de spectaculaire et torturé comme la Mouche de Cronenberg, où tout ou presque se passe au niveau du corps or Kafka fait de La métamorphose en soit une expérience traumatique, certes, mais qui est plus ordinaire que prévue et qui se limite, pour Gregor, avant tout à des contraintes matérielles : comment gagner sa vie et rapporter de l’argent à sa famille est plus important que son état de cancrelat, souvent relégué au second plan. On a la sensation que ce n’est pas l’horrible transformation qui a condamné Samsa (double de Kafka), mais plutôt qu‘il est lui-même la nuisance. Il n’y a pas eu de mauvais sort, il l’a plus ou moins mérité. Troisième point, je me souvenais vaguement d‘une fin tragique, il est évident dès le départ que ça ne finira pas bien, mais je ne me souvenais pas que Samsa mourrait des suites des blessures infligées par son père ! Quand on connaît Kafka, cela prend beaucoup de sens… (voir Le verdict ou La lettre au père). Une relecture nécessaire pour retrouver l’essence de cette nouvelle culte.

Ce genre de petites choses
7.2

Ce genre de petites choses

Small Things like these

Sortie : 5 novembre 2020 (France). Récit

livre de Claire Keegan

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

(anglais)

Claire Keegan est une jeune autrice irlandaise qui commence à se faire un nom (Booker Prize shortlisted) grâce à son style singulier : chapitres courts, petites phrases précises. Il n’y a jamais un mot en trop. Bill Furlong est un père de famille qui trime à quelques jours de Noël 1985. On sent que la corde sur laquelle il tire va céder. On le sent parce que Keegan distille une atmosphère légèrement anxiogène. Tout va bien mais il faudrait peu pour que leur monde s’écroule et on ne sait pas tout à fait de quoi nous devons avoir peur à vrai dire… Que Bill perde son travaille ? Qu’une de ses filles ait un accident ? Pas du tout, un autre drame se tisse en sous-main sous nos yeux mais il placera notre modeste héros face à un dilemme (et une fin particulièrement réussie). Le mélange de simplicité et subtilité place Keegan au-dessus du lot des sorties contemporaines. Je ne sais pas cela dit si elle est capable de beaucoup plus. Ambitions modestes et joli petit roman étiqueté « faits réels ».

La Fontaine des lunatiques
8.3

La Fontaine des lunatiques (1932)

Sortie : 1932 (France). Roman

livre de André de Richaud

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Les 50 premières pages de ce roman sont complètement envoûtantes. André de Richaud par ses phrases poétiques, énigmatiques et l’atmosphère unique qu’il met en place nous met face à cette famille étrange et isolée du monde, dans une maison vivante, pleine à craquer de musique et de fantômes. Trois hommes de trois générations et une bonne à tout faire vivent les uns près des autres sans toutefois vivre ensemble. Autour d’eux, la forêt, la nature, le silence, la nuit. C’est eux contre le reste du monde. Et puis doucement on ouvre les portes, le monde rentre, les mots jaillissent de partout. Il faut accepter, de Richaud écrit un roman limite qui est inracontable et pourrait s’effondrer à plusieurs occasions mais la force de séduction des phrases le fait tenir coûte que coûte sur ses jambes. Il y a une forme d’énergie mystique dans ce livre qu’on peut moquer mais qui le distingue aussi du tout venant. Que de Richaud écrive ça aussi jeune est stupéfiant. Dans la deuxième moitié, je ne décrochais pas mais la magie n’opérait plus tout à fait. Non pas que l’on s’habitue jamais tout à fait mais on ne peut pas écrire 250 pages sur la limite en stupéfiant son monde. De Richaud ne décélère jamais, c’est peut-être son seul défaut. Ne pas savoir en quelque sorte « gérer » ses temps forts et moments pour que le lecteur reprenne son souffle. Génial ou trop intense ? On a les défauts de ses qualités…

L'Ukrainienne

L'Ukrainienne (1983)

Histoire de Nietotchka Vassilievna Iliachenko la déplacée

Die Verschleppung

Sortie : 2022 (France). Récit

livre de Josef Winkler

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Au début des années 1980, Josef Winkler travaille à un grand roman autobiographique qui deviendra «Muttersprache» et pour avancer il s’isole à la campagne en Styrie et s’installe dans une ferme. Il écrit, se balade un peu, aide aussi de temps en temps au travail manuel. Le fermier qui l’accueil est autrichien et pas très bavard mais sa femme qui vient de l’Est commence à se confier à lui. Au fil des conversations au coin du feu, Winkler découvre la vie stupéfiante de cette femme, de la grande famine en Ukraine à la déportation par les Nazis. Une vie de souffrance qui se transforme progressivement en livre, parallèle à celui qu’il écrit déjà. Mais ce livre est un projet à la Svetlana Alexievitch, la restitution fidèle d’une parole, derrière laquelle l’écrivain doit rester en retrait (il aide cela dit à donner une structure à cette parole). Quand on lit les deux livres côte à côte, deux livres remarquables, on voit tout le style et la virtuosité de Winkler avec «Langue maternelle» et son style neutre ici au service du sujet de l’Histoire, et ce grand écart stylistique est lui-même passionnant.

Le Sang noir
8.3

Le Sang noir (1935)

Sortie : 1935 (France). Roman

livre de Louis Guilloux

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Le sang noir se passe dans une petite ville de province pendant la première guerre mondiale, où loin du front on assiste à toute la bassesse de du monde auprès de personnages quasi unanimement antipathiques ou vaguement grotesques, profiteurs et ambitieux. Si Louis Guilloux est un écrivain important de l’époque et son roman apprécié des grands noms de la littérature française, il m’a intéressé tout en me laissant un peu en retrait. Comment se passionner et encore moins s’identifier à cette médiocrité, à l’ambition petit-bourgeois, à la déchéance de notre antihéros ? Il y a quelques pages magnifiques et en quelque sorte un crescendo mais je vois et je sens sans être touché. J’ai eu aussi le sentiment que le livre était davantage écrit avec dégoût qu’avec amour pour les personnages qu’il décrit. Quoiqu’il en soit, il difficile de quitter ce roman une fois qu’on a plongé dedans. Étrange que Guilloux nous tienne malgré tout… Une colère gronde et c’est elle la force du Sang noir.

La Passe dangereuse
7.1

La Passe dangereuse (1925)

The Painted Veil

Sortie : 1926 (France). Roman

livre de Somerset Maugham

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

(anglais)

Maugham écrit des romans très divertissants mais il ne renonce pas pour autant à faire de la littérature, ses personnages évoluent, il y a des dialogues piquants, des dilemmes moraux, beaucoup de choses à apprécier. Ici une histoire un poil rocambolesque d’épidémie de choléra à Hong Kong et de fille légère qui se transforme presque en bonne sœur du jour au lendemain. L’essentiel n’est pas là. On frissonne, on réfléchit et on tourne les pages sans pouvoir s’arrêter. Il y a en plus ce qu’il faut de méchanceté et de perversion. J’aime la trajectoire de ce couple fait pour se détester ! Assez inhabituel et l’anglais de Maugham est toujours simple et captivant.

Les Mains du miracle
8.2

Les Mains du miracle (1960)

Sortie : 1960 (France). Roman

livre de Joseph Kessel

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Un pitch incroyable estampillé histoire vraie ! La vie du docteur-masseur Felix Kersten qui soulageait les maux de ventre d’Himmler et obtenait en compensation sa confiance et la vie de prisonniers des camps. Kessel avec une histoire en or entre les mains fait le job consciencieusement, il revient sur les détails, prend le temps. Il a rencontré Kersten. Construit habilement un suspens redoutable. Ça se répète un peu en route quand même, je ne sais pas s’il fallait absolument en tirer 400 pages… Mais ne boudons pas notre plaisir.

Ermites dans la taïga
7.7

Ermites dans la taïga

Sortie : mars 1992 (France). Récit

livre de Vassili Peskov

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Une histoire de Robinson Crusoé ou presque. Lors d’une expédition en Sibérie, des scientifiques découvrent une famille qui vit dans la taïga, isolée du monde depuis près de quarante ans ! Religieux, ils se sont volontairement mis à l’écart d‘un monde corrompu et survivent en péchant dans la rivière, croisant des ours et marchant pieds nus dans la neige par -20 degrés. Les parents ont quitté la civilisation dans les années 1940 mais les enfants sont carrément nés dans la forêt et n‘ont jamais vu un humain de leur vie… Dingue ! Peskov est journaliste à Moscou et publie les aventures de cette famille hors du commun en feuilleton dans un journal, à mesure qu’il apprend à les connaître et s’attache à eux et à leur langue et leurs habitudes étranges. La Russie se passionne pour leur vie marginale. La petite dernière qui a quasiment quarante ans et est la plus attachante et surprenante. Le livre n’est pas hors du commun dans son écriture (sobre) ou son traitement (respectueux, cherchant la juste distance) mais évidemment de par son thème. On s’attache et chaque détail a une saveur particulière parce qu’on voit les choses avec leurs yeux et notre monde comme pour la première fois.

Elizabeth Finch
6.7

Elizabeth Finch

Sortie : 1 septembre 2022 (France). Roman

livre de Julian Barnes

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

(anglais)

Quand on lit un roman de Julian Barnes, on se sent un tout petit plus intelligent. Je trouve ses personnages, ses dialogues, ses remarques toujours pertinents. Ici un roman très court en trois parties sur l’histoire et la multiplication des points de vue et opinions. L’histoire est écrite par les vainqueurs dit-on souvent, mais ici c’est plus compliqué que cela, ça devient vraiment un livre sur l’ambiguïté quand on se penche dans le cœur du roman sur la vie et les écrits de Julien l’Apostat, le fameux empereur romain qui s’est opposé au christianisme. Barnes mêle ses recherches à une fictive prof de culture générale assez mystérieuse et charismatique, Elisabeth Finch qui a fasciné le narrateur. Plus on lit et plus on réfléchit et ce qui paraissait simple se complexifie et s’enrichit ce qui est toujours bon signe. L’enseignement, les à priori, les différentes perspectives sur un même sujet, il y a assez d’angles pour étudier et célébrer Elisabeth Finch.

La Dernière Colonie

La Dernière Colonie

Sortie : 1 septembre 2022 (France). Histoire

livre de Philippe Sands

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

(anglais)

Sands est moins historien que dans son livre précédent, La filière, mais davantage juriste puisqu’il a comparu dans ce dossier devant la justice du tribunal international. Aussi cette histoire de dernière colonie oubliée au milieu de l’océan indien et utilisée dans le plus grand secret comme base militaire au mépris des habitants chassés par les anglais, cette histoire est révoltante mais passe un peu au second plan derrière les numéros d’articles et les alinéas. Sands, s’il est très méticuleux, n’en reste pas moins clair. Et le récit de ces presque 60 ans d’expropriation révoltera bien des lecteurs. On comprend progressivement pourquoi chaque détail juridique a son importance et pourquoi il faut s’armer de patience pour les familles. Un livre touchant en ce qu’il refuse absolument le sensationnalisme et pense toujours aux victimes avant tout mais peut-être un peu sec à cause de la langue, celle aride du droit international.

La Petite-Fille
7.6

La Petite-Fille (2021)

Die Enkelin

Sortie : 9 février 2023 (France). Roman

livre de Bernhard Schlink

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Schlink qui n’a jamais été un grand styliste a des intuitions intéressantes et le mérite, dans son nouveau roman, de confronter la bourgeoisie au monde d’extrême droite par le biais d‘une famille néo-nazie. La petite-fille (die Enkelin, le titre du livre) est le personnage clé, l’entre-deux mondes, dont on observe avec angoisse le basculement vers l‘un ou l‘autre côté. Mais Schlink n‘en fait pas grand chose : on reste dans une monde extrêmement simple et clivé avec les gentils et les méchants. Dans la première partie, il décrit la jeunesse du couple (qui seront les grands-parents plus tard) et on sent tout à fait que la chute du mur n‘a pas tout effacé, les différences culturelles entre l’ouest et l’est sont tellement ancrées et profondes qu‘elles laissent des traces toujours aussi fortes aujourd’hui. Voilà un roman très lisible, genre best-seller avec une histoire prenante mais aussi des facilités et ne méritant pas la presse dithyrambique qu‘on a vu passer autour du livre. Ce n‘est pas parce que Schlink ose regarder l’extrême droite dans les yeux qu‘il a automatiquement écrit un chef d’œuvre…

Le Voleur
8.3

Le Voleur (1897)

Sortie : 1897 (France). Roman

livre de Georges Darien

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Un brûlot sans colère, où Darien remplace la violence par l‘humour. Mais la colère on ne peut s’empêcher de la sentir enfouie derrière ces scènes de comédie. On vole, on arnaque, on aime, tout en sachant que dans ce monde l‘homme est un loup pour l‘homme. Darien (Adrien de son vraiment nom), est une grande plume, tout est vif, mordant, intelligent, ironique dans son Voleur (le roman lui-même est un texte volé dans le prologue !) et entre les différents épisodes pleins de péripéties, il introduit de puissants petits essais de quelques pages qui donnent un souffle au texte, une profondeur, et dénoncent la légèreté de façade. Darien l‘anarchiste brise plusieurs fois les illusions de son truand de héros. Et si voler était absolument légitime ? Et si les puissants de notre monde n’étaient que des voleurs qui n‘ont pas été pris ? Darien ne se laisse jamais emporter par la rage, il tient son style en laisse. Sait où il va. Un livre plein de joyeuses fulgurances.

Les Passagers du Roissy Express
7.8

Les Passagers du Roissy Express (1990)

Sortie : 31 août 1990. Culture & société

livre de François Maspero

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Un charmant ancêtre de Iain Sinclair ou Philippe Vasset de la famille des psycho-géographes : François Maspero, copain de Chris Marker et écrivain voyageur décide de remonter la ligne du RER B à pied, pendant un mois, en partant de Roissy et en dormant au petit bonheur la chance là où il trouvera un lit disponible. À ses côtés Anaïk Frantz, photographe, immortalise leur périple, Villepinte, Aulnay-sous-Bois, Le Blanc-Mesnil, Drancy etc. On y apprend beaucoup sur l’histoire de la région, il y a les rencontres, les conversations, les chambres d’hôtel miteuses, les cités plus ou moins grandes. C’est un livre dans lequel on se sent bien, porté par une belle écriture où le regard de Maspero donne une couleur aux choses, une nouvelle lumières aux lieux. On redécouvre ce pays si proche, et ses habitants ont le droit à un visage, une parole, loin des clichés. Un voyage culturel en Île-de-France qui vaut la peine.

L'Homme qui vivait sous terre
6.3

L'Homme qui vivait sous terre (1942)

The Man Who Lived Underground

Sortie : 1942 (États-Unis). Roman

livre de Richard Wright

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

(anglais)

Le texte des années 1940 est connu comme nouvelle depuis longtemps mais sa version longue (160 pages en anglais, contre 44 pages pour la version précédente) est seulement parue en 2021 et c’est cette version que j’ai lue. Le texte avait été refusé au début des années 1940 par les éditions Harper parce que le portrait peu flatteur des policiers blancs paraissait exagéré… Aujourd’hui le texte fait toujours trembler mais on sait que la réalité malheureusement dépasse la fiction dans ce domaine. L’écriture de Wright est puissante et directe comme dans ses autres grands livres, Black Boy et Native Son, qui ont copieusement inspiré Ralph Ellison et James Baldwin. Ici le héros trouve refuge dans les égouts, dans un sous-sol à priori effrayant mais qui se révèle presque idyllique (un contre-monde où notre héros Fred Daniels devient riche et mange à sa faim tout en étant invisible aux forces de l‘ordre). Après l’arrestation et la vie sous terre, cette novela connaît un troisième acte assez incroyable où les policiers révèlent encore davantage leur vrai visage - l‘horreur dans toute sa splendeur. Belle idée de ressortir cette version complète de nos jours !

Neige sur Ballyglass House

Neige sur Ballyglass House (2020)

Snow

Sortie : 2022 (France). Roman, Policier

livre de John Banville / Benjamin Black

bilouaustria a mis 6/10.

Annotation :

Le roman commence comme un parfait petit Cluedo : un curé assassiné dans la vieille bibliothèque d‘un manoir, la maison appartenant à un colonel moustachu. L‘inspecteur arrive sur place, nous sommes en Irlande dans les années 1950 et tous les protagonistes sont hauts en couleurs, tout comme les excellents dialogues. On dirait presque un Knives Out intelligent. John Banville, qui a gagné le Booker Prize et ne se contente pas de romans policiers, sait parfaitement ce qu‘il fait : un jeu littéraire maîtrisé qui deviendra autre chose dans le dernier quart du livre, quand tout explose et que derrière les masques et les faux semblants, on découvre une histoire assez simple et… répugnante. Snow (joli titre original) vaut bien plus pour son atmosphère et son style soigné que pour la résolution de l’enquête.

Le Hussard sur le toit
7.4

Le Hussard sur le toit (1951)

Sortie : 17 novembre 1951 (France). Roman

livre de Jean Giono

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Le quatrième de couverture décrit le roman de Giono comme un roman d’aventure. Il se passe à la fois beaucoup et finalement peu dans ces aventures qui sont avant tout une course vers l‘avant, dans l’espoir vain de dépasser celle effrénée du choléra dans la région. Angelo passe de villages en villages, survivant à l’épidémie et faisant preuve de courage. Il habite les toits pour un temps, accompagné d’un chat. Il mange peu. Giono est un maître pour décrire la nature, les arbres, les odeurs, la chaleur, les éclairs de la maladie qui ravage les êtres avec une violence étourdissante. C’est aussi un livre sur l’effondrement moral de la région, à mesure que les cadavres créent un climat de panique qui dévoile la pire nature des vivants. L’homme devient un loup pour l‘homme. Bien plus dangereux que la maladie elle-même semble-t-il parfois. Un grand et beau classique que le Corona aura eu le mérite de faire connaître à de nombreux lecteurs.

Les Thibault I
7.9

Les Thibault I

Le Cahier gris · Le Pénitencier · La Belle saison · La Consultation · La Sorellina

Roman

livre de Roger Martin du Gard

bilouaustria a mis 8/10.

Annotation :

Un premier tome de près de 900 pages pour nous plonger chez les Thibault et la relation complexe entre deux frères, l’aîné médecin, premier de la classe, toujours propre sur lui, et le benjamin, plus torturé, indomptable, poète à ses heures, qui fugue et se fait remarquer à l’école. Ajoutons un père autoritaire et colérique qui prend une place folle. Et vous commencez à obtenir une recette pour un mélange explosif. Roger Martin du Gard nous régale d’entrée dans Les cahiers gris et Le pénitencier, centrés sur les frères. Ensuite on suit de plus près l’aîné (Jacques) dans sa vie, entre travail et romances mais il manque quelque chose. Heureusement l’élément perturbateur et enfant terrible (Antoine) réapparaît dans La Sorellina et tout de suite le roman nous captive et capture pour ne plus relâcher la tension. RMdG est fort à évoquer les émotions retenues et dissimulées, à tenir le plus longtemps possible la tension d’une scène. Ses personnages sont attachants, on tremble pour eux. Antoine est un personnage-écrivain qu’on devine souvent proche de l’auteur lui-même. La saga familiale, on le sent, prendra de nouveaux tournants avec l’arrivée prochaine de la première guerre mondiale. Tout gravite autour d’Antoine, personnage mystérieux, charismatique et secret, qui pourrait sortir de chez Steinbeck - il est destructeur et on espère toujours le voir devenir la meilleure version de lui-même.

Cinéma spéculations
7

Cinéma spéculations (2022)

Cinema Speculation

Sortie : 22 mars 2023 (France). Essai, Cinéma & télévision

livre de Quentin Tarantino

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

(anglais)

Je savais pouvoir compter sur l’enthousiasme de Tarantino et son envie de transmettre, son côté vendeur de vidéo club. Ce que je n’attendais pas, c’est que ses articles critiques contiennent à ce point des éléments autobiographiques, sa vie et les films se mêlent intimement. Du style : ce film, je l’ai vu à tel cinéma, avec telle personne etc. Il y a toujours une remise en perspective, du contexte, et des tonnes d’anecdotes d’insider comme on les aime. C’est vraiment passionnant et Tarantino que j’imaginais peut-être injustement un peu bourrin est en réalité parfait dans cet exercice et n’a pas grand chose à envier à un Thoret par exemple. Par contre, j’adore le livre mais il se limite à un champ réduit et très défini : le cinéma américain et hollywoodien des années 1960-1970 et en particulier le nouvel Hollywood, (c’est sans doute pour cela que je pense forcément à Thoret). Le premier et le dernier texte sont les deux meilleurs, autour de souvenirs personnels de projections et d’échanges. Belle surprise.

Antoine Bloyé
7.9

Antoine Bloyé (1933)

Sortie : 1933 (France). Roman

livre de Paul Nizan

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Antoine Bloyé l’anti-héros ou l’histoire d’une vie gâchée par lâcheté et conformisme. Nizan multiplie les phrases allant dans ce sens, souvent joliment formulées. La « médiocrité dorée », la « confiture douceâtre de l’habitude ». Bloyé ne se doute jamais qu’il s’auto-détruit par peur de mal faire. Jeune, il semble pourtant avoir un certain potentiel, celui d’échapper à son milieu, de devenir petit-bourgeois pourquoi pas. Mais une fois « arrivé », Bloyé s’effondre comme au ralenti. Sa carrière qui est tout pour lui s’écroule pour un rien. Sa vie de couple est plutôt sans histoire. Celle de famille assez dramatique. Mais Nizan échoue tout de même à nous attacher à son personnage sans relief. Comment ensuite avoir quelque empathie pour lui, si ordinaire ? C’est la réussite et les limites d’un roman sur la petitesse d’un homme moyen.

Autobiographie de mon père
6.9

Autobiographie de mon père (1987)

Sortie : 1987 (France). Roman

livre de Pierre Pachet

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

C‘est Emmanuel Carrère qui dans une préface écrivait qu‘il revenait tous les ans vers 3 ou 4 livres pour lui essentiels et qu‘il relisait inlassablement. Le roman de Pierre Pachet étant un des titres en question, je me suis juré de mettre la main dessus. Autobiographie de mon père, comme son titre l‘indique plus ou moins, c’est Pierre Pachet qui décide d’écrire la vie de son père, mais de l’écrire à la première personne, en se mettant autant que possible dans sa peau. Drôle d’exercice littéraire. Le père en question a eu une vie d’exilé, depuis son Ukraine natal, une vie pénible, souvent ponctuée par le silence et les questionnements. Ses enfants, dont Pierre Pachet, ne l‘ont souvent pas très bien compris. Son secret, sa judéité cachée (il a changé de nom à dessein en arrivant en France après les pogroms), son isolement même au sein de sa propre famille, son amertume dans la vie professionnelle. Ça donne un portrait, un autoportrait étrange, tendu vers un père distant mais assez fascinant aussi. Et puis doucement ça se transforme en roman de dérive, un roman de mystère que Pierre Pachet essaye de rendre le plus simple au monde, et aussi une écriture souvent au bord de l’indicible, qui creuse dans l‘intime, cherche les mots pour mieux dire des choses complexes. Le Je du livre perd progressivement ses sens, peut-être son bon sens également, on ne veut pas parler de folie, tout ça est joué en sourdine. Un texte et riche, qui demande sûrement des relectures malgré la clarté de son langage, qui intrigue et laisse une trace durable.

Les Enfants Oppermann

Les Enfants Oppermann (1933)

Die Geschwister Oppermann

Sortie : 2023 (France). Roman

livre de Lion Feuchtwanger

bilouaustria a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Voilà un roman considéré comme le plus grand sur la montée du nazisme par Klaus Mann. Feuchtwanger est un auteur majeur en Allemagne mais sans les efforts des éditions Métailié, ce livre extraordinaire n’aurait pas trouvé de lecteurs français puisque le roman était indisponible chez nous depuis la deuxième guerre mondiale. Feuchtwanger centre son roman autour d’une famille de juifs berlinois, trois frères brillants : un docteur, un intellectuel et un vendeur de meubles. En quelques semaines, en 1933 (et Feuchtwanger écrit son livre en temps réel, il le publie déjà en 1933 après avoir quitté le pays), cette famille va tout perdre. Cette chute est effroyable, les méthodes nazies d‘intimidation absolument abjectes. On n’achète plus de meubles chez les juifs, les prix chutent, le chantage commencent, avant la terreur pure et simple. On ne se laisse plus soigner par un docteur juif non plus. L’intellectuel qui est un peu le héros ici, mais le plus déconnecté de la réalité, ne va longtemps pas croire à la menace. Ce sont des idiots, des parasites, ils vont disparaître, l‘Allemagne est le pays de Goethe et Schiller, pas besoin de s’inquiéter. Quand il ouvrira les yeux, ce sera déjà trop tard. Quand une minorité de crétins violents et complexés prennent le pouvoir, les valeurs, la morale, la justice, plus rien ne compte, tout est jeté aux ordures avec le reste. Feuchtwanger fait très progressivement basculer le pays. À la fois patiemment et brutalement. Chaque page sent l’effroi, la peur.

Une odyssée
7.9

Une odyssée (2017)

Un père, un fils, une épopée

An Odyssey : a father, a son and a epic

Sortie : 13 septembre 2017 (France). Roman

livre de Daniel Mendelsohn

bilouaustria a mis 7/10.

Annotation :

Encore un portrait de père, un portrait érudit et littéraire où la vie est un miroir de L’odyssée d‘Homer. Mendelsohn enseigne le texte à l’université et son père de plus de 80 ans décide de suivre le séminaire. Après des mois d’échanges et la fin du cours hebdomadaire, ils entreprennent un voyage père-fils sur un bateau de croisière en mer Méditerranée sur les lieux mêmes de L’odyssée. Les analyses du texte se suivent entre des chapitres où l‘on revient sur la relation père-fils par toujours évidente. L’étude du texte est très intéressante et les parallèles entre les aventures d‘Ulysse et ces deux américains sur un bateau sont troublants, Mendelsohn parvient très intelligemment à développer un certain nombre de niveaux méta autour du texte d‘Homer. Par moments son livre imite discrètement son modèle. Stimulant et pas prétentieux, c’est une chouette réussite, pour spécialistes ou néophytes. L’équilibre entre le cérébral et l’émotionnel est parfaitement tenu.

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