Liste de

36 livres

créee il y a plus de 3 ans · modifiée il y a plus de 2 ans

Voyage au bout de la nuit
8

Voyage au bout de la nuit (1932)

Sortie : 15 octobre 1932 (France). Roman

livre de Louis-Ferdinand Céline

ElFamosoKhey a mis 10/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Il existe pour le pauvre en ce monde deux grandes manières de crever, soit par l'indifférence absolue de vos semblables en temps de paix, ou par la passion homicide des mêmes en la guerre venue. S'ils se mettent à penser à vous, c'est à votre torture qu'ils songent aussitôt les autres, et rien qu'à ça. On ne les intéresse que saignants les salauds ! Princhard à cet égard avait eu bien raison. Dans l'imminence de l'abattoir, on ne spécule plus beaucoup sur les choses de son avenir, on ne pense guère qu'à s'aimer pendant les jours qui vous restent puisque c'est le seul moyen d'oublier son corps un peu, qu'on va vous écorcher bientôt du haut en bas.
Comme elle me fuyait Musyne, je me prenais pour un idéaliste, c'est ainsi qu'on appelle ses propres petits instincts habillés en grands mots. »

« Un patron se trouve toujours un peu rassuré par l'ignominie de son personnel. L'esclave doit être coûte que coûte un peu et même beaucoup méprisable. Un ensemble de petites tares chroniques morales et physiques justifie le sort qui l'accable. La terre tourne mieux ainsi puisque chacun se trouve dessus à sa place méritée. »

« La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi. »

Et tant d'autres citations… Notamment ce passage avec Alcide trop long pour que je le case ici, mais d'une beauté…

Les Chimères
8.2

Les Chimères (1854)

Sortie : 1854 (France). Poésie

livre de Gérard de Nerval

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

Artémis

La Treizième revient… C’est encor la première ;
Et c’est toujours la seule, – ou c’est le seul moment :
Car es-tu reine, ô toi ! la première ou dernière ?
Es-tu roi, toi le seul ou le dernier amant ?…

Aimez qui vous aima du berceau dans la bière ;
Celle que j’aimai seul m’aime encor tendrement :
C’est la mort – ou la morte… Ô délice ! ô tourment !
La rose qu’elle tient, c’est la Rose trémière.

Sainte napolitaine aux mains pleines de feux, Rose au cœur violet, fleur de sainte Gudule :
As-tu trouvé ta croix dans le désert des cieux ?

Roses blanches, tombez ! vous insultez nos dieux :
Tombez fantômes blancs de votre ciel qui brûle :
– La sainte de l’abîme est plus sainte à mes yeux !

Poésies
8

Poésies (1899)

Sortie : 1899 (France). Poésie

livre de Stéphane Mallarmé

ElFamosoKhey a mis 6/10.

Annotation :

« De l'oubli magique venue,
Nulle étoffe, musique et temps,
Ne vaut la chevelure nue
Que, loin des bijoux, tu détends.

En mon rêve, antique avenue
De tentures, seul, si j'entends
Le Néant, cette chère nue
Enfouira mes yeux contents!

Non. Comme par les rideaux vagues
Se heurtent du vide les vagues,
Pour un fantôme les cheveux

Font luxueusement renaître
La lueur parjure de l'Être,
- Son horreur et ses désavoeux. »

L'Europe fantôme
7.3

L'Europe fantôme (2019)

Tracts n°1

Sortie : février 2019. Essai

livre de Régis Debray

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« On a beau savoir qu'il n'y a pas de leçon de l'histoire, c'est faire le demi-malin, comme il y a des demi-savants, et finalement manquer de jugeote, que de s'imaginer pouvoir enjamber les « simplismes bestiaux » (Valéry) qui, depuis le néolithique, semblent présider à l'opération proprement politique (caractérisant, en amont de la politique, le politique) consistant à transformer un tas en tout. »

« L'Européen a des velléités mais, à la fin, il fait où Washington lui dit de faire, et s'interdit de faire là où et quand il n'a pas la permission. »

Entretiens avec le Professeur Y
7.8

Entretiens avec le Professeur Y (1955)

Sortie : 1955 (France). Essai, Nouvelle

livre de Louis-Ferdinand Céline

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Le faux triomphe ! la publicité traque, truque, persécute tout ce qui n'est pas faux !... le goût de l’authentique est perdu !... j'insiste ! j'insiste ! observez !... regardez autour de vous !... vous avez quelques relations ?... des gens capables... je dis capables : qu'ont la fortune ! qui peuvent s'acheter femmes, tableaux, bibelots !... eh bien, vous les verrez toujours invinciblement, ces gens capables, se ruer sur le faux ! comme le cochon pique à la truffe... Kif, le prolo, remarquez !... lui, c’est l’imitation du faux !... il se paye l’imitation du faux !...»

« l’émotion ne peut être captée et transcrite qu'à travers le langage parlé… le souvenir du langage parlé ! et qu'au prix de patiences infinies ! de toutes petites retranscriptions ! le cinéma y arrive pas !… c’est la revanche !… en dépit de tous les battages, des milliards de publicité, des milliers de plus en plus gros plans!… de soupirs, sourires, sanglots, qu'on peut pas rêver davantage, le cinéma reste tout au toc, mécanique, tout froid… il a que de l’émotion en toc !… il capte pas les ondes émotives… il est infirme de l’émotion… monstre infirme !… la masse non plus est pas émotive !… certes !… je vous l’accorde, Professeur Y… elle aime que la gesticulade ! elle est hystérique la masse !… mais que faiblement émotive !bien faiblement !… Y a belle lurette qui y aurait plus de guerre, Monsieur le Professeur Y, si la masse était émotive !… plus de boucheries !… c’est pas pour demain ! »

« – Colonel, vous avez raison ! les Français sont si vaniteux, que le « je » des autres les fout en boule !…

– Et les Anglais ?… et les Allemands ?… et les Danois ?… ils se hérissent aussi au « je » ?… au « je » d'autrui ?… comme vous dites ?…
– Oh ! réfléchissant… y pensant… ils sont peut-être plus sournois… plus discrets… c’est tout !… moins nerveux… mais le fait est universel : personne aime le « je » d'autrui !… Chinois, Valaques, Saxons, Berbères !… kif ainsi du caca, vous remarquerez ?… chacun supporte à ravir l’odeur de son propre caca, mais l’odeur du caca d'Estelle, que vous adorez, soi-disant, vous est beaucoup moins agréable !... « de l’air ! de l’air ! » que vous hurlez… »

Les Chants de Maldoror
8.2

Les Chants de Maldoror (1869)

Sortie : 1869 (France). Poésie

livre de Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse)

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Comme alors le repentir est vrai ! L'étincelle divine qui est en nous, et paraît si rarement, se montre ; trop tard ! Comme le cœur déborde de pouvoir consoler l'innocent à qui l'on fait du mal... »

« J'ai reçu la vie comme une blessure, et j'ai défendu au suicide de guérir la cicatrice. Je veux que le Créateur en contemple, à chaque heure de son éternité, la crevasse béante. »

« Vieil océan, tu es si puissant, que les hommes l’ont appris à leurs propres dépens. Ils ont beau employer
toutes les ressources de leur génie...incapables de te dominer. Ils ont trouvé leur maître. Je dis qu’ils ont
trouvé quelque chose de plus fort qu’eux. Ce quelque chose a un nom. Ce nom est : l’océan ! La peur que tu
leur inspires est telle, qu’ils te respectent. Malgré cela, tu fais valser leurs plus lourdes machines avec grâce,
élégance et facilité. Tu leur fais faire des sauts gymnastiques jusqu’au ciel, et des plongeons admirables
jusqu’au fond de tes domaines : un saltimbanque en serait jaloux. Bienheureux sont-ils, quand tu ne les
enveloppes pas définitivement dans tes plis bouillonnants, pour aller voir, sans chemin de fer, dans tes
entrailles aquatiques, comment se portent les poissons, et surtout comment ils se portent eux-mêmes.
L’homme dit : «Je suis plus intelligent que l’océan.» C’est possible ; c’est même assez vrai ; mais l’océan lui
est plus redoutable que lui à l’océan : c’est ce qu’il n’est pas nécessaire de prouver. Ce patriarche observateur,
contemporain des premières époques de notre globe suspendu, sourit de pitié, quand il assiste aux combats
navals des nations. Voilà une centaine de léviathans qui sont sortis des mains de l’humanité. Les ordres
emphatiques des supérieurs, les cris des blessés, les coups de canon, c’est du bruit fait exprès pour anéantir
quelques secondes. Il paraît que le drame est fini, que l’océan a tout mis dans son ventre. La gueule est
formidable. Elle doit être grande vers le bas, dans la direction de l’inconnu ! Pour couronner enfin la stupide
comédie, qui n’est même pas intéressante, on voit, au milieu des airs, quelque cigogne, attardée par la
fatigue, qui se met à crier, sans arrêter l’envergure de son vol : «Tiens !... Je la trouve mauvaise ! Il y avait
en bas des points noirs ; j’ai fermé les yeux, ils ont disparu.» Je te salue, vieil océan ! »

Histoires désobligeantes
7.9

Histoires désobligeantes (1894)

Sortie : 1894 (France). Roman, Recueil de nouvelles

livre de Léon Bloy

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Quelque soit mon ambition de désobliger, je n'oserais pas soutenir que ses amants furent aussi nombreux que les étoiles, mais j'imagine qu'en les regroupant au milieu d'une vaste plaine, on obtiendrait un contingent très idoine à la solennelle manifestation d'une patriotisme exalté. »

« Car les pauvres ne possèdent même pas leur carcasse, et quand ils gisent dans les hôpitaux, après que leur âme désespérée s’est enfuie, leurs pitoyables et précieux corps promis à l’éternelle résurrection, — ô douloureux Christ ! — on les emporte sans croix ni oraison, loin de vos églises et de vos autels, loin de ces beaux vitraux consolants où vos amis sont représentés, pour servir, comme des charognes d’animaux immondes, aux expérimentations des charcutiers ou des faiseurs de poussière… »

« - Les animaux, me disait-il, sont, dans nos mains, les otages de la Beauté céleste vaincue.
Parole étrange, dont je n'ai pas encore mesuré toute la profondeur. Précisément parce que les Bêtes sont ce que l'homme a le plus méconnu et le plus opprimé, il pensait qu'un jour, Dieu ferait par elles quelque chose d'inimaginable, quand serait venu le moment de manifester sa Gloire.
C'est pourquoi sa tendresse pour ces créatures était accompagnée d'une sorte de révérence mystique assez difficile à caractériser par des mots. Il voyait en eux les détenteurs inconscients d'un Secret sublime que l'humanité aurait perdu sous les frondaisons de l'Eden et que leurs tristes yeux, couverts de ténèbres, ne peuvent plus divulguer, depuis l'effrayante Prévarication... »

Le Petit Héros
7.5

Le Petit Héros (1849)

Маленький герой (Malen'kiy geroy)

Sortie : 2000 (France). Recueil de nouvelles

livre de Fiodor Dostoïevski

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« On le disait un homme intelligent. C'est ainsi que, dans certains cercles, on appelle une race particulière de l'humanité, engraissée sur le compte d'autrui, qui ne fait absolument rien, qui ne veut absolument rien faire et qui, suite à sa paresse éternelle, à force de ne rien faire, a un morceau de gras à la place du cœur. »

« Les faucheurs étaient déjà loin; de notre rive, on les entrevoyait à peine. Ils laissaient derrière eux des sillons d'herbe fauchée dont une brise légère nous apportait de temps en temps les émanations balsamiques. Nous entendons le concert incessant de tous ces êtres qui "ne sèment ni ne récoltent", mais qui sont libres comme l'air fouetté par leurs ailes légères . Chaque fleur, chaque petit brin d'herbe, exhalant un parfum, sorte d'encens offert au Tout-Puissant, semblait remercier le Seigneur de tant de Félicité et de béatitude ! »

Les Poèmes de Fresnes
8.2

Les Poèmes de Fresnes (1945)

Sortie : 1945. Poésie

livre de Robert Brasillach

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Fresnes

Le parc de Sceaux à l'horizon
La route des pèlerinages,
Les peupliers et les maisons
Nous offrent les libres images
Avec lesquelles nos prisons
Essayent de nous tenir sages.

Les quatre murs de la cellule
Sont peuplés quand tombe le soir
Des feux où notre cœur se brûle,
Des spectres que nul ne peut voir,
Dont la foule pourtant circule
Et nous tend les mains dans le noir.

Un sifflet dans les corridors,
Un œil qui s'ouvre à notre porte,
Un chariot qui repart encor,
Un chaudron que l'on nous apporte,
Semblent bruits qui montent d'un port,
Signaux d'un train ou d'une escorte.

Je pense à ceux qui, des années,
Ont attendu, près des barreaux,
Dans ces bruits de gare étouffée,
L'heure où partira le bateau,
Quand la passerelle est ôtée,
Et qu'on tire l'ancre de l'eau.

21 Octobre 1944.

Le Masque de la mort rouge
8

Le Masque de la mort rouge (1842)

The Masque of the Red Death

Sortie : 30 avril 2002 (France). Recueil de nouvelles, Fantastique

livre de Edgar Allan Poe

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« C'était aussi dans cette salle que s'élevait, contre le mur de l'ouest, une gigantesque horloge d'ébène. Son pendule se balançait avec un tic-tac sourd, lourd, monotone; et quand l'aiguille des minutes avait fait le circuit du cadran et que l'heure allait sonner, il s'élevait des poumons d'airain de la machine un son clair, éclatant, profond et excessivement musical, mais d'une note si particulière et d'une énergie telle, que d'heure en heure, les musiciens de l'orchestre étaient contraints d'interrompre un instant leurs accords pour écouter la musique de l'heure; les valseurs alors cessaient forcément leurs évolutions; un trouble momentané courait dans toute la joyeuse compagnie; et, tant que vibrait le carillon, remarquait que les plus fous devenaient pâles, et que les plus âgés et les plus rassis passaient leurs mains sur leurs fronts, comme dans une méditation ou une rêverie délirante. Mais, quand l'écho s'était tout à fait évanoui, une légère hilarité circulait par toute l'assemblée; les musiciens s’entre-regardaient et souriaient de leurs nerfs et de leur folie, et se juraient tout bas, les uns aux autres, que la prochaine sonnerie ne produirait pas en eux la même émotion; et puis; après la fuite des soixante minutes qui comprennent les trois mille six cents secondes de l'heure disparue, arrivait une nouvelle sonnerie de la fatale horloge, et c'était le même trouble, le même frisson, les mêmes rêveries.
Mais, en dépit de tout cela, c'était une joyeuse et magnifique orgie. »

Des souris et des hommes
8

Des souris et des hommes (1937)

(traduction Maurice-Edgar Coindreau)

Of Mice and Men

Sortie : 1939 (France). Roman

livre de John Steinbeck

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« George continua :
- Pour nous, c'est pas comme ça. Nous, on a un futur. On a quelqu'un à qui parler, qui s'intéresse à nous. On a pas besoin de s'asseoir dans un bar pour dépenser son pèze, parce qu'on n'a pas d'autre endroit où aller. Si les autres types vont en prison, ils peuvent bien y crever, tout le monde s'en fout. Mais pas nous.
Lennie intervint.
- Mais pas nous ! Et pourquoi ? Parce que... parce que moi, j'ai toi pour t'occuper de moi, et toi, t'as moi pour m'occuper de toi, et c'est pour ça.
Il éclata d'un rire heureux. »

« Imagine un type ici, tout seul, la nuit, à lire des livres peut-être bien, ou à penser, ou quelque chose comme ça. Des fois, il se met à penser et il n'a personne pour lui dire si c'est comme ça ou si c'est pas comme ça. Peut-être que s'il voit quelque chose, il n'sait pas si c'est vrai ou non. Il ne peut pas se tourner vers un autre pour lui demander s'il le voit aussi. Il n'peut pas savoir. Il a rien pour mesurer. J'ai vu des choses ici. J'étais pas soûl. J'sais pas si je dormais. Si j'avais eu quelqu'un avec moi, il aurait pu me dire si je dormais, et alors je n'y penserais plus. Mais j'sais pas. »

« Maintenant, tu comprendras peut-être. T'as George. Tu sais qu'il va revenir. Suppose que t'aies personne. Suppose que tu n'puisses pas aller dans une chambre jouer aux cartes parce que t'es un nègre ? Suppose que tu sois obligé de rester assis ici, à lire des livres. Bien sûr, tu pourrais jouer avec des fers à cheval jusqu'à la nuit, mais après, faudrait que tu rentres lire des livres. Les livres, c'est bon à rien. Ce qu'il faut à un homme, c'est quelqu'un... quelqu'un près de lui. »

Hamlet
8.2

Hamlet (1603)

(traduction Jean-Michel Déprats)

The Tragedy of Hamlet, Prince of Denmark

Sortie : 2002 (France). Théâtre

livre de William Shakespeare

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Doute que les étoiles soient de feu,
Doute que le Soleil se meut,
Doute que la verité mente elle-même
Mais ne doute pas que je t'aime. »

« HAMLET
Je ne comprends pas bien cela. Voulez-vous jouer de cette flûte ?

GUILDENSTERN
Monseigneur, je ne sais pas.

HAMLET
Je vous en prie.

GUILDENSTERN
Je ne sais pas, je vous assure.

HAMLET
Je vous en supplie

GUILDENSTERN
J'ignore totalement comment on en joue, monseigneur.

HAMLET
C'est aussi facile que de mentir. Promenez les doigts et le pouce sur ces soupapes, soufflez ici avec la bouche; et cela profèrera la plus parfaite musique. Voyez ! voici les trous.

GUILDENSTERN
Mais je ne puis forces ces trous à exprimer aucune harmonie. Je n'ai pas ce talent.

HAMLET
Eh bien, voyez maintenant combien peu de cas vous faites de moi. Vous voulez jouer de moi ; vous voulez avoir l'air de connaître mes trous ; vous voulez arracher l'âme de mon secret ; vous voulez me faire résonner tout entier, depuis la note la plus basse jusqu'au sommet de la gamme. Et pourtant, ce petit instrument qui est plein de musique, qui a une voix excellente, vous ne pouvez pas le faire parler. Sangdieu ! Croyez-vous qu'il soit plus aisé de jouer de moi que d'une flûte ? »

Martin Eden
8.6

Martin Eden (1909)

(traduction Francis Kerline)

Sortie : 2010 (France). Roman

livre de Jack London

ElFamosoKhey a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« L'idée que cet homme venu de l'autre versant de la montagne pût avoir des conceptions plus étendues et plus profondes que les siennes ne l'effleurait même pas. Ses vues se limitaient à son horizon qu'elle connaissait - et les esprits limités n'aperçoivent que les limites des autres. Elle confondait les bornes de son propre champ de vision, qu'elle croyait très vaste, avec les frontières de l'esprit de Martin et elle rêvait de les aplanir pour l'amener à voir comme elle, s'imaginant élargir son horizon en l'identifiant au sien. »

« "Nous savons qu'il y a des choses viles dans le monde !" Elle, savoir ça ! Il faillit en rire de bon cœur, comme d'une taquinerie d'amoureuse. En un éclair, une vision démultipliée lui remontra les milles et un spectacles réellement vils que la vie et les voyages lui avaient donné à voir et il lui pardonna de n'avoir pas compris son histoire. Ce n'était pas de sa faute si ces choses lui étaient étrangères. Il remercia Dieu de lui avoir permis de naître protégée et de conserver son innocence. Mais il connaissait la vie, ses turpitudes comme ses joies; il en connaissait la grandeur malgré la fange qui l'infestait et, bon sang, c'était cette vie-là qu'il voulait décrire. Être sainte en paradis, quoi de plus naturel ? Mais sainte dans un enfer de crasse, voilà la vraie merveille ! Voilà ce qui rendait la vie digne d'être vécue. Voir la grandeur s'élever des cloaques du vice; s'élever soi-même et apercevoir, entre ses paupières encore gluantes de boue, une première lueur de beauté; voir la morbidité, la veulerie et l'abyssale bestialité du monde se transmuter en force, en vérité, en spiritualité...»

« Encouragé par ses quelques petites ventes, Martin reprit sa littérature alimentaire - une façon comme une autre de gagner son pain. Ses vingt historiettes refusées par le syndicat des journalistes étaient toujours empilées sous la table. Il les relut pour essayer de comprendre ce qui s'opposait à leur publication et chercha la recette du succès. Il découvrit que les historiettes publiées dans les journaux ne devaient jamais être tragiques, ne devaient jamais se terminer mal ni contenir trop de subtilités stylistiques ou psychologiques. Elles devaient toujours être pleines de beaux sentiments, comme les pièces qu'il avait applaudies du poulailler quand il était jeune - des sentiments du genre « pour-Dieu-mon-pays-et-le-tsar » ou « je-suis-pauvre-mais-je-suis-honnête». »

Au cœur des ténèbres
7.7

Au cœur des ténèbres (1899)

(traduction Jean Deurbergue)

Heart of Darkness

Sortie : 1902 (France). Nouvelle

livre de Joseph Conrad

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Vous savez que je déteste, que j'exècre, que je ne peux supporter le mensonge, non que je sois plus honnête qu'un autre, mais simplement parce que ça me fait peur. Il y a dans le mensonge un relent de mort, un parfum de corruption - très exactement ce que je déteste et exècre le plus au monde -, ce que je veux oublier. Cela me met à l'envers et me soulève le cœur, comme si je mordais dans quelque chose de pourri. Affaire de tempérament, je suppose. »

« J'avais dans les narines l'odeur de la vase, d'une vase primitive, par Dieu, et sous les yeux le grand calme de la forêt primitive. Il y avait des taches brillantes sur la crique noire. La lune avait tout recouvert d'une fine couche d'argent : l'herbe drue, la vase, le mur de végétation entremêlée qui se dressait plus haut que le mur d'un temple, le grand fleuve que j'apercevais par une brèche sombre et qui scintillait, qui scintillait tout en coulant majestueux sans un murmure. »

« Quelle chose baroque que la vie : cette mystérieuse mise en œuvre d’impitoyable logique pour quels desseins dérisoires !… Le plus qu’on en puisse attendre, c’est quelque lumière sur soi-même, acquise quand il est trop tard et, ensuite, il n’y a plus qu’à remâcher les regrets qui ne meurent pas […]. »

Les Jeunes Filles
7.8

Les Jeunes Filles (1936)

Sortie : 1936 (France). Roman

livre de Henry de Montherlant

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Tout ce qui crée des rencontres mérite encouragement, même quand il s’agit de rencontres à fin sentimentale, et malgré tout ce qu’elles supposent de niaiserie et de médiocrité. »

« De tous temps, les romanciers ont fait des phrases sur le décor où se rencontrent leurs amoureux ; mais il n’y a qu’eux, romanciers, qui voient les détails de ce décor ; les amoureux n’en voient rien, engloutis qu’ils sont dans la bouillie pour les chats. »

« Un homme digne de ce nom méprise l'influence qu'il exerce, en quelque sens qu'elle s'exerce, et subit de devoir en exercer une, comme la rançon de sa tarentule de s'exprimer. Nous, nous voulons ne pas dépendre et nous estimerions les âmes qui se mettent sous notre dépendance? C'est par une haute idée de la nature humaine, qu'on se refuse à être chef.»

« Ce monstrueux hasard à la base : l’homme qui est forcé de prendre une compagne pour la vie, alors qu’il n’y a pas de raison pour que ce soit celle-là plutôt qu’une autre, puisque des millions d’autres sont aussi dignes d’être aimées. L’homme qui est forcé par la nature de répéter à dix femmes les mêmes mots d’amour, y compris à celle qui lui est destinée, faux s’il le lui cache, cruel s’il le lui avoue. L’homme qui est forcé par la nature de tromper sa femme, avec tout ce qui s’ensuit de mensonges et de bassesse, malfaisant s’il laisse aller la nature, malheureux s’il la combat. La jeune fille qui devient enfant dans les larmes, et mère dans les gémissements. L’enfant, fait naturel, qui enlaidit et déforme la femme. L’acte soi-disant naturel par excellence, et qui ne peut être fait qu’à certaines époques, dans certaines conditions, avec certaines précautions. La terreur de l’enfant, ou la terreur de la maladie, comme un spectre au-dessus de chaque alcôve. L’acte soi-disant naturel par excellence entouré de toute une pharmacie qui le salit, l’empoisonne et le ridiculise. En vérité, quel homme, à condition qu’il réfléchisse un peu, ne se dira pas, lorsqu’il s’approche d’une femme, qu’il met le doigt dans un engrenage de malheurs, ou tout au moins un engrenage de risques, et qu’il provoque le destin ? Et cependant il le désire, la femme le désire, la société le désire, et la nature, si elle était capable de désirer quelque chose, le désirerait aussi, et tout cela est l’amour, qui est le fil de flammes qui retient le vivant à la terre, et suffirait à justifier la création. »

Le Désert des Tartares
7.8

Le Désert des Tartares (1940)

Il Deserto dei Tartari

Sortie : 1949 (France). Roman

livre de Dino Buzzati

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Juste à cette époque, Drogo s'aperçut à quel point les hommes restent toujours séparés l'un de l'autre, malgré l'affection qu'ils peuvent se porter ; il s'aperçut que, si quelqu'un souffre, sa douleur lui appartient en propre, nul ne peut l'en décharger si légèrement que ce soit ; il s'aperçut que, si quelqu'un souffre, autrui ne souffre pas pour cela, même si son amour est grand, et c'est cela qui fait la solitude de la vie. »

« Le temps passait, toujours plus rapide ; son rythme silencieux scande la vie, on ne peut s' arrêter même un seul instant, même pas pour jeter un coup d'œil en arrière. " Arrête ! Arrête ! " voudrait-on crier, mais on se rend compte que c'est inutile. Tout s'enfuit, les hommes, les saisons, les nuages ; et il est inutile de s'agripper aux pierres, de se cramponner au sommet d'un quelconque rocher, les doigts fatigués se desserrent, les bras retombent inertes, on est toujours entraîné dans ce fleuve qui semble lent, mais qui ne s'arrête jamais »

« Jusqu'alors, il avait avancé avec l'insouciance de la première jeunesse, sur un route qui, quand on est enfant, semble infinie, où les années s'écoulent, lentes et légères , si bien que nul ne s'aperçoit de leur fuite. »

Colline
7.7

Colline (1929)

Sortie : 1929 (France). Roman

livre de Jean Giono

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Pour la première fois, il pense, tout en bêchant, que sous ces écorces monte un sang pareil à son sang à lui ; qu'une énergie farouche tord ces branches et lance ces jets d'herbe dans le ciel.
[...]
Du sang, des nerfs, de la souffrance.
Il a fait souffrir de la chair rouge, de la chair pareille à la sienne.
Ainsi, autour de lui, sur cette terre, tous ses gestes font souffrir ? »

« Il a dit le mot qu'il fallait, pour Maurras et pour lui-même. C'est l'eau, évoquée, qui les pousse en avant. La nuit la plus fraîche est comme une promesse sur leurs joues ; devant eux se dresse le grand corps de Lure : la mère des eaux, la montagne qui garde l'eau dans les ténèbres de sa chair poreuse. Au fond de l'air tremble la flûte d'une source ; dans les herbes une grande roche plate miroite comme un œil d'eau. La lumière de la lune coule des hauteurs du ciel, jaillit en poussière blanche et l'ombre de Gagou sous elle comme un poisson. »

« La bête souple du feu a bondi d’entre les bruyères comme sonnaient les coups de trois
heures du matin. Elle était à ce moment-là dans les pinèdes à faire le diable à quatre. Sur l’instant,
on a cru pouvoir la maîtriser sans trop de dégâts, mais elle a rué si dru, tout le jour et une partie de
la nuit suivante; elle a rompu les bras et fatigué les cervelles de tous les gars. Comme l'aube
pointait, ils l'ont vue plus robuste et plus joyeuse que jamais, qui tordait parmi les collines son large
corps pareil à un torrent. C’était trop tard.
Depuis, elle a poussé sa tête rouge à travers les bois et les landes ; son ventre de flammes
suit ; sa queue derrière elle, bat les braises et les cendres. Elle rampe, elle saute, elle avance. Un
coup de griffe à droite, un à gauche ; ici elle éventre une chênaie, là elle dévore vingt chênes blancs
et trois pompons de pins ; le dard de sa langue tâte le vent pour prendre la direction. On dirait
qu'elle sait où elle va.
Et c’est son mufle dégoûtant de sang que Maurras a aperçu dans la combe. »

La Nef des Fous
7.9

La Nef des Fous (1999)

Ships of Fools

Sortie : octobre 1999. Récit

livre de Theodore Kaczynski

ElFamosoKhey a mis 6/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Un de Baumugnes
7.7

Un de Baumugnes (1929)

Sortie : 1929 (France). Roman

livre de Jean Giono

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Les choses de la terre, mon vieux, j'ai tant vécu avec elles, j'ai tant fait ma vie dans l'espace qu'elles laissaient, j'ai tant eu d'amis arbres, le vent s'est tant frotté contre moi que, quand j'ai de la peine, c'est à elles que je pense pour la consolation. »

« Je dépasse à peine le premier rebord de terre que ça me fait comme un grand froid noir sur l’échine.
Je lève l’œil. Il y avait dans le ciel cinq gros nuages lancés à fond de train et c’était l’avant-garde. Ça avait encore un peu figure humaine, mais ce qui venait derrière : la fin de tout, une confiture d’encre, sans forme ni rien, avec des tressautements de tonnerre et un grand rire d’éclair qui montrait ses dents en silence avant de bramer.
Je cavale en vitesse sur la pente et, tout d’un coup, j’entends la grande averse qui court après moi. »

« Ça c'était une musique de vent, ah, mais une musique toute bien savante dans les plus belles choses de la terre et des arbres.
Ça sentait le champ de maïs ténébreux : de longues tiges et de larges feuilles.
Ça sentait la résine et le champignon et l'odeur de la mousse épaisse.
Ça sentait la pomme qui sèche.
- Ça, fait Clorinde, c'est lui, en bas, qui se désennuie en jouant de sa musique. C'est comme ça tous les jours. C'est rudement beau.
Oui, c'était rudement beau.
Et ça poignait durement dans le milieu du ventre comme quand on vous dit toute l'expression de la vérité bien en face. »

Regain
7.5

Regain (1930)

Sortie : 1930 (France). Roman

livre de Jean Giono

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

« Tu sais, l'orage couche le blé ; bon, une fois. Faut pas croire que la plante ça raisonne pas. Ça se dit : bon on va se renforcer, et, petit à petit, ça se durcit la tige et ça tient debout à la fin, malgré les orages. Ça s'est mis au pas. Mais, si tu vas chercher des choses de l'autre côté de la terre, mais si tu écoutes ces beaux messieurs avec les livres : "mettez de ci, mettez de ça : ah! ne faites pas ça. " En galère, voilà ce qui t'arrive! »

« Il est revenu le grand printemps. Le sud s'est ouvert comme une bouche.
ça a soufflé une longue haleine, humide et tiède, et les fleurs ont tressailli dans les graines, et la terre toute ronde s'est mise à mûrir comme un fruit.
»

« - Tu sais pas ? qu'il dit. Je voudrais te demander quelque chose. Je peux pas en payant, mais je te le revaudrai. Donne-moi une tranche de ce pain. C'est pas pour moi, il ajoute parce qu'il voit que, déjà, elle le tend et que l'Amoureux va dire : « Apporte aussi les olives. » C'est pas pour moi. Je vais te conter, puisque aussi bien ça se saura et puisque aussi bien, c'est bien, somme toute. J'ai une femme, là-bas, avec moi, et ça lui fera plaisir :
- Prends-le tout, alors, dit Alphonsine.
De voir qu'on lui donne tout, ça lui fait douleur, ça lui fait cligner les yeux comme s'il mâchait du laurier.
- Je te le revaudrai.
- T'as qu'à faire ça si tu veux qu'on se fâche. »

Le Feu follet
7.7

Le Feu follet (1931)

suivi de Adieu à Gonzague

Sortie : 1931 (France). Roman

livre de Pierre Drieu la Rochelle

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Les drogués sont des mystiques d'une époque matérialiste qui, n'ayant plus la force d'animer les choses et de les sublimer dans le sens du symbole, entreprennent sur elles un travail inverse de réduction et les usent et les rongent jusqu'à atteindre en elles un noyau de néant. On sacrifie à un symbolisme de l'ombre pour contrebattre un fétichisme de soleil qu'on déteste parce qu'il blesse des yeux fatigués. »

« Alain n'avait jamais regardé le ciel ni la façade des maisons, ni le pavé de bois, les choses palpitantes ; il n'avait jamais regardé une rivière ni une forêt ; il vivait dans les chambres vides de morale : "Le monde est imparfait, le monde est mauvais. Je réprouve ; je condamne, j'anéantis le monde." »

« Je me tue parce que vous ne m'avez pas aimé, parce que je ne vous ai pas aimés. Je me tue parce que nos rapports furent lâches, pour resserrer nos rapports. Je laisserai sur vous une tache indélébile. Je sais bien qu'on vit mieux mort que vivant dans la mémoire de ses amis. Vous ne pensiez pas à moi, eh bien, vous ne m'oublierez jamais ! »

« Le suicide, c'est le ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l'action, mais ils ont retardés l'action; alors l'action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c'est un acte, l'acte de ceux qui n'ont pu en accomplir d'autres. »

La Crise du monde moderne
7.6

La Crise du monde moderne (1927)

Sortie : 1927 (France). Culture & société, Essai

livre de René Guénon

ElFamosoKhey a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« L'homme moderne, au lieu de chercher à s'élever à la vérité, prétend la faire descendre à son niveau »

Bel-Ami
7.4

Bel-Ami (1885)

Sortie : 1885 (France). Roman

livre de Guy de Maupassant

ElFamosoKhey a mis 7/10.

Annotation :

« Voilà pourtant la seule bonne chose de la vie : l'amour ! Tenir dans ses bras une femme aimée ! Là est la limite du bonheur humain. »

« La vie est une côte. Tant qu'on monte, on regarde le sommet, et on se sent heureux; mais, lorsqu'on arrive en haut, on aperçoit tout d'un coup la descente, et la fin, qui est la mort. Ça va lentement quand on monte, mais ça va vite quand on descend. A votre âge, on est joyeux. On espère tant de choses, qui n'arrivent jamais d'ailleurs. Au mien, on n'attend plus rien... que la mort. »

« C'était un de ces hommes politiques à plusieurs faces, sans convictions, sans grands moyens, sans audace et sans connaissances sérieuses, avocat de province, joli homme de chef-lieu, gardant un équilibre de finaud entre tous les partis extrêmes, sorte de jésuite républicain et de champignon libéral de nature douteuse, comme il en pousse par centaines sur le fumier populaire du suffrage universel. »

Sur les falaises de marbre
7.9

Sur les falaises de marbre (1939)

Auf den Marmorklippen

Sortie : 1942 (France).

livre de Ernst Jünger

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

« On reconnaît les grandes époques à ceci, que la puissance de l'esprit y est visible et son action partout présente. »

« Souvent, dans nos stations au sommet des falaises de marbre, frère Othon disait que là était le sens de la vie ; recommencer la création dans le périssable, comme l'enfant répète en son jeu le travail paternel. Ce qui donnait leur sens aux semailles et à l'engendrement, à la construction, à l'ordre qu'on impose aux choses, à l'image et au poème, c'était qu'en eux la grande œuvre se révélait, comme en autant de miroirs fait d'un cristal aux mille couleurs, qui bientôt se brise. »

« Profonde est la haine qui brûle contre la beauté dans les cœurs abjects. »

À rebours
7.6

À rebours (1884)

Sortie : 1884 (France). Roman

livre de Joris-Karl Huysmans

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Bien souvent, des Esseintes avait médité sur cet inquiétant problème, écrire un roman concentré en quelques phrases qui contiendraient le suc cohobé des centaines de pages toujours employées à établir le milieu, à dessiner les caractères, à entasser à l’appui les observations et les menus faits. Alors les mots choisis seraient tellement impermutables qu’il suppléeraient à tous les autres ; l’adjectif posé d’une si ingénieuse et d’une si définitive façon qu’ils ne pourrait être légalement dépossédé de sa place, ouvrirait pendant des semaines entières, sur son sens, tout à la fois précis et multiple, constaterait le présent, reconstruirait le passé, devinerait l’avenir d’âmes des personnages, révélés par les lueurs de cette épithète unique. »

« Puisque, par le temps qui court, il n’existe plus de substance saine, puisque le vin qu’on boit et que la liberté qu’on proclame, sont frelatés et dérisoires, puisqu’il faut enfin une singulière dose de bonne volonté pour croire que les classes dirigeantes sont respectables et que les classes domestiquées sont dignes d’être soulagées ou plaintes, il ne me semble, conclut des Esseintes, ni plus ridicule ni plus fou, de demander à mon prochain une somme d’illusion à peine équivalente à celle qu’il dépense dans des buts imbéciles chaque jour, pour figurer que la ville de Pantin est une Nice artificielle, une Menton factice. »

« C'était enfin, l'immense, la profonde, l'incommensurable goujaterie du financier et du parvenu, rayonnant tel qu'un abject soleil, sur la ville idolâtre, qui éjaculait à plat ventre, d'impurs cantiques, devant le tabernacle impie des banques ! »

Mort à crédit
8.2

Mort à crédit (1936)

Sortie : 1936 (France). Roman

livre de Louis-Ferdinand Céline

ElFamosoKhey a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Ah ! c'est bien terrible quand même… on a beau être jeune quand on s'aperçoit pour le premier coup… comme on perd des gens sur la route… des potes qu'on reverra plus… plus jamais… qu'ils ont disparu comme des songes… que c'est terminé… évanoui… qu'on s'en ira soi-même se perdre aussi… un jour très loin encore… mais forcément… dans tout l'atroce torrent des choses, des gens… des jours… des formes qui passent… qui s'arrêtent jamais… Tous les connards, les pilons, tous les curieux, toute la frimande qui déambule sous les arcades, avec leurs lorgnons, leur riflards et les petits clebs à la corde… Tout ça, on les reverra plus… Ils passent déjà… Ils sont en rêve avec les autres… ils sont en cheville… ils vont finir… C'est triste vraiment… »

« Les passions n'appartiennent à personne, l'amour, surtout, n'est que fleur de vie dans le jardin de la jeunesse. »

Et le chapitre de la traversée en bateau vers l'Angleterre avec ses parents, à mourir de rire...

Lolita
7.9

Lolita (1955)

Sortie : 1959 (France). Roman

livre de Vladimir Nabokov

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Elle chercha ses mots. Je les suppléai mentalement. ("Lui, il m'a brisé le cœur. Toi, tu as simplement brisé ma vie"). »

« Je t'aimais. J'étais un pentapode monstrueux, mais je t'aimais. J'étais haïssable et brutal et abject - j'étais tout cela, mais je t'aimais, je t'aimais ! Et parfois, je devinais ce que tu éprouvais, et c'était pour moi un supplice infernal, mon enfant. Petite Lolita. Dolly Schiller. »

« Pour citer un poète de jadis (poète fictif) :
Le sens moral chez les mortels n'est que la dîme
Que nous payons sur le sens mortel du sublime. »

Le Mont Analogue
7.7

Le Mont Analogue (1952)

Sortie : 1952 (France). Roman

livre de René Daumal

ElFamosoKhey a mis 9/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

« Dans la tradition fabuleuse, avais-je écrit en substance, la Montagne est le lien entre la Terre et le Ciel. Son sommet unique touche au monde de l’éternité, et sa base se ramifie en contreforts multiples dans le monde des mortels. Elle est la voie par laquelle l’homme peut s’élever à la divinité, et la divinité se révéler à l’homme. »

« Je me réadaptai peu à peu à la vie du « siècle » ; tout extérieurement, il est vrai, car, au fond, je n’arrive pas à m’accrocher à cette agitation de cage à singes qu’ils appellent la vie, avec des airs dramatiques. »

« Nous mangeâmes en silence. Mon hôte ne se croyait pas obligé de bavarder en mangeant, et je l’en estimais beaucoup. Il n’avait pas peur de se taire quand il n’y avait rien à dire, ni de réfléchir avant de parler. En rapportant maintenant notre conversation, je crains d’avoir donné l’impression qu’il discourait sans arrêt ; en réalité, ses récits et ses confidences étaient entrecoupés de longs silences, et souvent aussi j’avais pris la parole ; je lui avais raconté, à grand traits, ma vie jusqu’à ce jour, mais cela ne vaut pas la peine d’être reproduit ici ; et quant aux silences, comment raconter des silences au moyen de mots ? Seule la poésie pourrait le faire. »

« Encore une fois, ne médisons pas de ces gens qui, découragés par les difficultés de l’ascension, se sont installé sur le rivage et en basse montagne et s’y sont fait leur petite vie ; leurs enfants, au moins, grâce à eux, grâce aux premiers efforts qu’ils ont fait pour venir jusqu’ici, n’ont pas ce voyage à faire. Ils naissent sur le rivage même du Mont Analogue, moins soumis aux néfastes influences des cultures dégénérées qui fleurissent nos continents, en contact avec les hommes de la montagne, et prêts, si le désir en eux se lève et si l’intelligence s’éveille, à entreprendre le grand voyage à partir du lieu où leurs parents l’ont abandonné. »

Et surtout cette « Histoire des hommes-creux et de la Rose-amère » ainsi que ce mythe de la formation des hommes, des plantes et des animaux (
https://www.senscritique.com/activity/234164685).

Solitude de la pitié
7.8

Solitude de la pitié (1932)

Sortie : 19 septembre 1932 (France). Recueil de nouvelles

livre de Jean Giono

ElFamosoKhey a mis 8/10.

Annotation :

« Souvent, je m'arrêtais devant ce courtil sauvage. C'était dans le pli le plus silencieux des collines.
Le toit pointu du bastidon dépassait à peine des broussailles. Un immense lierre noir, ayant crevé la porte, gonflait entre les murs ses muscles têtus. Sa chevelure pleine de lézards débordait des fenêtres. Le jas était d'orties sèches et de chardons couvert. Autour, s'ébouriffait le poil fauve de la garrigue et la forte odeur de cette terre hostile, qui vit seule, libre, comme une bête aux dents cruelles. »

« Ah, bien sûr, ça donne guère, mais, on a un peu de raisonnement quand même. On sait que des vieux arbres, c'est pas des jeunes ; on ne se met pas à tout massacrer parce que c'est vieux. Alors, il faut me tuer, moi aussi parce que je suis vieux ? Allons, allons, qu'il raisonne lui aussi, un peu. »

« La hase ne gémissait plus.
À genoux à côté d’elle, je caressais doucement l’épais pelage brûlant de fièvre et surtout là, sur l’épine du cou où la caresse est la plus douce. Il n’y avait qu’à donner de la pitié, c’était la seule chose à faire : de la pitié, tout un plein cœur de pitié, pour adoucir, pour dire à la bête :
- Non, tu vois, quelqu'un souffre de ta souffrance, tu n’es pas seule. Je ne peux pas te guérir, mais je peux encore te garder.
Je caressais ; la bête ne se plaignait plus.
Et alors, en regardant la hase dans les yeux, j’ai vu qu’elle ne se plaignait plus parce que j’étais pour elle encore plus terrible que les corbeaux.
Ce n’était pas apaisement ce que j’avais porté là, près de cette agonie, mais terreur, terreur si grande qu’il était désormais inutile de se plaindre, inutile d’appeler à l’aide. Il n’y avait plus qu’à mourir.
J'étais l'homme et j'avais tué tout espoir. La bête mourait de peur sous ma pitié incomprise ; ma main qui caressait était plus cruelle que le bec du freux.
Une grande barrière nous séparait. »

Sans oublier cette dernière nouvelle (Le chant du monde) où Giono nous révèle une bonne partie de son approche littéraire : « Il y a bien longtemps que je désire écrire un roman dans lequel on entendrait chanter le monde. Dans tous les livres actuels on donne à mon avis une trop grande place aux êtres mesquins et l’on néglige de nous faire percevoir le halètement des beaux habitants de l’univers. »
Cette dernière citation, bien que révélatrice, reste une citation, je vous invite donc à lire la nouvelle en entière ;)

Hommes et engrenages

Hommes et engrenages (1951)

Hombres y Engranajes

Sortie : 14 mai 2019 (France). Essai, Philosophie

livre de Ernesto Sábato

ElFamosoKhey a mis 9/10.

Annotation :

« En soi la science ne garantit rien, parce que les préoccupations éthiques sont extérieures à sa réalisation. »

« Face à l’infinie richesse du monde matériel, les fondateurs de la science positive sélectionnèrent les objets quantifiables : la masse, le poids, la forme géométrique, la position, la vitesse. Et ils en arrivèrent à la conclusion que « la nature est écrite en caractères mathématiques », alors que ce qui était écrit en caractères mathématiques ce n’était pas la nature, mais… la structure mathématique de la nature. […] Ainsi le monde des arbres, des animaux et des fleurs, des hommes et de leurs passions, fut transformé en un ensemble glacial de sinus, de logarithmes, de lettres grecques, de triangles et de probabilités. Et ce qui est pire : en rien d’autre que cela. Tout scientifique cohérent se refuserait à tenir des considérations sur ce qui se trouve au-delà de la structure mathématique ; s’il le faisait, il cesserait au même moment d’être un homme de science, pour devenir un religieux, un métaphysicien ou un poète. La science au sens strict du terme — la science mathématisable — est étrangère à tout ce qui a le plus de valeur pour l’être humain : ses émotions, ses sentiments, ses expériences artistiques ou de la justice, ses angoisses métaphysiques. Si le monde mathématisable était le seul véritable, ne seraient pas seulement illusoires les châteaux en Espagne, avec leurs dames et leurs jongleurs : le seraient aussi les paysages de la veille, la beauté d’un lied de Schubert, l’amour. Ou au moins, serait illusoire ce qui en eux nous émeut. »

« Toute la philosophie de Descartes est l'expression d'une mentalité physico-mathématique. Pour lui, le savoir consiste à rendre clair et distinct ce qui est obscur et confus. Mais qu'est-ce qui est clair et distinct pour ce philosophe ? Ce qui est quantitatif, ce qui est mesurable. Il n'est pas étonnant, alors, que faisant face au problème de la vie, il ne rende ce dernier clair et distinct qu'en le mécanisant, qu'en enfermant l'âme sous une cloche. Quant aux sentiments et aux passions, quant à tout ce qui n'est pas de l'ordre de la pensée rationnelle, il les élimine, en les qualifiant d'idées obscures et confuses : en les analysant, l'homme qui pense véritablement pourra vivre tranquillement, exempt d'émotions, sous le seul élan de l'intellect. Beau projet pour l'homme du futur ! »

ElFamosoKhey

Liste de

Liste vue 480 fois

22
6