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Cover La 27ème année

Liste de

85 livres

créee il y a plus de 3 ans · modifiée il y a plus de 2 ans

L'Enquête
6.3

L'Enquête

Sortie : 15 septembre 2010 (France). Roman

livre de Philippe Claudel

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Absurde, cet ouvrage ne l'est pas tant que cela. A travers des personnages nommés uniquement par leur fonction (l'Enquêteur, le Policier, le Fondateur), Claudel analyse les violences et contre-injonctions du monde du travail, celui qui vous immerge et vous désoriente au plus haut point, si bien que la mort paraît la seule échappatoire. Le propos n'est pas révolutionnaire, la façon de le présenter est originale mais en soi peu originale (c'est une suite de métaphores finalement, à travers une enquête sur des suicides dans une Entreprise, enquête qui n'aboutit jamais et qui ne consiste qu'à enfouir le personnage de l'Enquêteur dans la folie bureaucratique la plus absurde). C'est un réquisitoire acerbe contre la machine entrepreneuriale qui déshumanise les hommes.

D'un monde à l'autre - La quête d'Ewilan, tome 1
7.5

D'un monde à l'autre - La quête d'Ewilan, tome 1 (2003)

Sortie : 9 avril 2003 (France). Jeunesse, Roman, Fantasy

livre de Pierre Bottero

Alexandre G a mis 7/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Solide conte fantastique, "D'un monde à l'autre"prend son temps, dresse une interconnexion étroite entre notre monde et un monde de fantasy médiévale dans lequel certain.e.s peuvent "dessiner" des objets dans leur tête et les faire apparaître dans la réalité... et Camille/Ewilan peut même traverser la frontière entre ces mondes, dessiner dans le monde réel. Elle doit surtout sauver l'Empire face aux terribles T'slisch et leurs alliés raïs. C'est captivant, c'est écrit pour des collégiens tout en étant assez fin dans la structure narrative, n'offrant pas tout au lecteur et le faisant sinuer dans une intrigue qui fait vivre de multiples rebondissements et des quêtes plus triviales. A offrir à tous ses petits cousins !

Police
6.7

Police (2020)

Sortie : 18 septembre 2020. Essai, Politique & économie

livre de Amal Bentounsi, Antonin Bernanos, Julien Coupat, David Dufresne, Eric Hazan et Frédéric Lordon

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Recueil de courts articles commis par des figures phares de la lutte - physique et intellectuelle - contre les violences policières, cet ouvrage de la Fabrique fait du bien quand on veut poser des mots sur des phénomènes récurrents dans le temps mais très répétitifs, et dont la seule transcription restait jusqu'alors les vidéos de David Dufresne et d'autres, et les reportages des JT odieusement complices. Certes, on ne va pas aussi loin qu'on l'espèrerait mais au moins on passe le cap de la théorisation et de la généralisation de ces phénomènes, souvent d'un point de vue sociologique. Ainsi, cela en devient très utile.

Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes
7.7

Les Hommes qui n'aimaient pas les femmes (2005)

Millénium, tome 1

Män som hatar kvinnor

Sortie : 9 juin 2006 (France). Roman

livre de Stieg Larsson

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Tourne-page évident et canonique, le premier tome de la trilogie 'Millénium' déroule une double-enquête assez déséquilibrée au coeur des grands industriels suédois : d'un côté, une affaire de meurtre mystérieux à la Agatha Christie, sans grande originalité sinon pour l'affaire à élucider; de l'autre, la bataille judiciaire entre le journaliste Mikael Blomkvist et le grand industriel Wennerström. Cette dernière affaire est quelque peu oubliée durant les 500 pages centrales, montrant une narration un peu improvisée malgré un sens du noeud littéraire assez poussé quant à l'enquête pour meurtre.
Certes, Stieg Larsson fait débuter un univers particulier, tournant principalement autour de ses personnages (et notamment Lisabeth Salender). Et s'il n'y a rien d'original là dedans, on apprécie néanmoins particulièrement le côté thriller, très justement adaptable en film, et qui nous emporte des salles de rédaction de Stockholm aux cabanes de pêcheurs sur une île isolée du grand nord... Vivement les tomes suivants !

SPQR
8.3

SPQR

Una historia de la antigua Roma

Sortie : 28 avril 2016 (France).

livre de Mary Beard

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Excellent ouvrage de vulgarisation +1, 'SPQR' de l'éminente et émérite historienne britannique Mary Beard tente de retracer l'histoire de Rome depuis les origines mythiques jusqu'à l'édit antonin de 212 accordant le droit de cité à tous les hommes libres de l'Empire. Ce faisant, elle aborde chaque point, plus ou moins dans un ordre chronologique, selon ce qui lui paraît intéressant et sans réelle orientation thématique particulière : certes, les bornes chronologiques signalent surtout ce "premier millénaire de Rome", voyant la petite cité italienne agglomérer en son sein les 50 millions d'âme du bassin méditerranéen et de l'Europe du nord-ouest, mais le reste n'est globalement qu'une succession des faits mémorables des Romains. Et pour le coup, ce n'est pas pour nous déplaire. Sans prendre les allures d'un manuel d'histoire universitaire, lourd de notes de bas de page et de références canoniques, Mary Beard nous livre un récit, certes très peu précis et n'allant presque jamais dans une analyse approfondie, mais donnant des bases de compréhension, appuyées sur des témoignages archéologiques accessibles et récents, et qui augmentent considérablement la compréhension que le profane et le plus averti peuvent avoir de ces périodes. De petites anecdotes en clefs de lecture indispensables, Mary Beard navigue au fil des siècles avec une facilité déconcertante, et parvient à ne pas nous noyer dans le trop plein de dates et d'informations historiques. A relire !

La Disparition de Josef Mengele
7

La Disparition de Josef Mengele (2017)

Sortie : 16 août 2017 (France). Roman

livre de Olivier Guez

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Chronique de l'anachronisme, 'La disparition de Joseph Mengele' est l'occasion pour Olivier Guez de témoigner, non pas tant de la traque d'un ancien nazi, que de son inadaptation permanente à un monde qui n'aurait pas dû être si le projet nazi avait abouti. Comment vivre dans un monde qui nous pourchasserait s'il nous savait en vie et dans lequel on n'a pas sa place ? Comment adapter sa vision du monde, fondamentale, à un environnement qui n'est pas comme le nôtre ? Comment enfin revenir à une vie après Auschwitz ? Olivier Guez tâche de rester sur la ligne étroite entre empathie et subjectivité, et ne s'y morfond pas. Mengele n'est ni plus ni moins qu'un humain qui tente de conjurer l'ennui de son quotidien de traqué dans la redécouverte du monde, et surtout dans le contact humain : le docteur qui a expérimenté comme personne sur l'être humain s'attache ainsi à nouer des contacts, que ce soit avec d'anciens nazis ou avec des familles d'expatriés qui vont l'aider (plus ou moins). Peu révolutionnaire mais pas vraiment ennuyant, ce livre a le mérite de témoigner d'un récit original dans la longue liste des récits de nazis, mais n'a probablement rien à envier au portrait de Rudolf Hess par Robert Merle.

Les Brumes du passé
7.8

Les Brumes du passé

Sortie : août 2006 (France). Roman

livre de Leonardo Padura

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Comme il se plait souvent à le faire, Leonardo Padura met dans son roman policier en comparaison l'époque d'écriture et une autre époque de l'histoire cubaine. Ici, la découverte d'une très riche bibliothèque ayant appartenu à un ancien entrepreneur cubain de La Havane permet de dérouler une intrigue criminelle, finalement assez secondaire au regard de la mise en abyme présentée : la disparition d'une jeune chanteuse de boléro, Violeta del Rio, dans les tourments de la révolution de 1959, est l'occasion de présenter, avec une nostalgie non dénuée de critiques, la période des années 1950, propice au développement économique de l'île par les investisseurs étrangers, aux magouilles et à la luxure, bientôt stoppés net par la victoire des révolutionnaires. L'histoire se déroule pourtant au début des années 2000, et l'inspecteur Mario Conde est là pour témoigner de l'échec de la révolution : grande pauvreté, essor des trafics en tout genre, désillusions complètes. Finalement, l'intrigue policière confirme la métaphore : celle qui a tué Violeta del Rio incarne le petit peuple exploité, confronté aux largesses d'une aristocratie arrogante et exploitante, qui agit sur des coups de tête et le regrette toute sa vie. C'est un positionnement, orienté, mais qui sait rester nuancé et complexe : l'époque de Batista n'était pas parfaite, et la période castriste n'est pas un désastre sur tous les points.
A côté de cela, la prose de Padura, magnifiquement traduite, est enchanteresse : parfois longue à la Proust, elle conjugue d'étonnantes figures de style et un sens de la formule, dont on soupçonne l'espagnol cubain de le retranscrire mieux encore. Un auteur intéressant et une oeuvre à approfondir.

La Fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette
7.6

La Fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette (2006)

Millénium, tome 2

Flickan som lekte med elden

Sortie : 23 octobre 2006 (France). Roman

livre de Stieg Larsson

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

On change clairement de ton par rapport au tome 1 ici. A l'esthétique toute emplie d'Agatha Christie, de mystère, de rbondissements et d'enquête en huis clos, se substituent ici une enquête de services secrets, d'ex-URSS, de voyages, etc. Cela aurait pu être assez agaçant : ce que Larsson a fait du personnage de Lisbeth fait parfois un peu soupirer, notamment au début, multipliant les comptes offshore, les voyages dans les paradis fiscaux et les baraques à 10 millions d'euros. Mais bon, finalement, on se surprend toujours à tourner les pages, à vouloir suivre un rythme beaucoup plus lent et tempéré que le premier tome : les 300 premières pages pourraient avoir été raccourcies évidemment, mais cela permet au lecteur de s'y retrouver un peu au milieu des personnages principaux, d'en introduire de nouveaux. Si l'intrigue en elle-même tient sur environ 250p, le reste se savoure (mais je comprends qu'il puisse aussi trop se faire attendre). On entre un peu plus dans l'intimité de la vie de Lisbeth, et finalement le retour sur son passé est gagnant, les cliffhangers tiennent leurs promesses. Si on n'atteint pas le sublime et les intérêts économiques du premier tome, ce deuxième opus a le mérite de nous montrer que Stieg Larsson aura été un écrivain de polar de talent.

La Reine dans le palais des courants d'air
7.6

La Reine dans le palais des courants d'air (2007)

Millénium, tome 3

Luftslottet som sprängdes

Sortie : 9 juin 2007 (France). Roman

livre de Stieg Larsson

Alexandre G a mis 6/10.

Annotation :

Suite directe du tome 2, "La reine du palais des courants d'air" poursuit les intrigues autour de la famille de Lisbeth, ici dans un volet judiciaire qui entend concrétiser toutes les intrigues précédentes. Comment dire que c'est incroyablement long : ce qu'on trouvait long dans le tome 2 n'est ici même plus équilibré par de bonnes scènes d'action. On suit le procès, avec certes un plaidoyer de la défense passionnant, mais qui au final ne nous apporte rien que l'on ne connaisse déjà. C'est toujours une lecture très prenante mais qui nous laisse constamment dans l'ennui et l'attente de quelque chose d'intéressant. L'épilogue arrive trop tard, et le but de ce tome 3 est un peu fuyant : dénouement de 870 pages ? C'est un peu long...

L'Anomalie
7.1

L'Anomalie (2020)

Sortie : 20 août 2020 (France). Roman, Science-fiction

livre de Hervé Le Tellier

Alexandre G a mis 9/10.

Annotation :

Inutile de gloser sur le bienfondé du Goncourt ou non, c'est souvent un débat stérile. En revanche, on peut sauter à pieds joints dans ce roman pas si long d'Hervé Le Tellier, savant mélange de suspense télévisuel et de réflexions philosophico-littéraires sur la dualité, l'éternel retour et la contingence des choses. Lorsqu'un vol Paris-New York se "photocopie" trois mois après avoir réellement atterri, plusieurs centaines de passagers se retrouvent téléportés dans le même monde et confrontés aux problèmes de vivre dans un monde qui leur est étranger, aux côtés d'eux-mêmes et de leur vie qui ne leur appartient plus. Le pitch pourrait très bien convenir à une série SF de peu d'envergure (et c'est déjà le cas), mais quand on le donne à un rhéteur de talent, on obtient de nombreuses fulgurances délectables, des réflexions infinies et des aphorismes de très bon goût.
S'y trouve donc un mélange entre tout le sel des bonnes intrigues de SF et la résistance séduisante des livres de philosophie sur le Moi. Un bonheur !

L'Ombre du vent
7.7

L'Ombre du vent (2001)

Le Cimetière des livres oubliés, tome 1

La Sombra del viento

Sortie : 2004 (France). Roman

livre de Carlos Ruiz Zafón

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

L'atmosphère distillée par Zafon dans ce roman est assez unique : une épouvante mystérieuse, Barcelone devient brumeuse et opaque, propice à toutes les rencontres interlopes, des brûleurs de livres au visage désincarné et aux mains décharnées, des inspecteurs ripoux en quête de vengeance, des vieilles maisons hantées... Et au milieu, une histoire mêlant l'Espagne des années 1920 et celle des années 1950, celle de la lente déchéance et celle d'une lente résolution, une tourmente familiale, amoureuse, au milieu d'une nuit politique. Le monde de Zafon est plein de violences, et en même temps un patchwork de sentiments : Fermin nous nourrit de facéties, de bons mots et d'astuces, le père de Daniel de mots sages et rassurants, et l'innombrable flopée de personnages secondaires, à peine aperçus et pourtant si bien écrits.
C'est en somme un roman assez unique et au combien attachant.

Bilbo le Hobbit
7.6

Bilbo le Hobbit (1937)

(Traduction : Francis Ledoux)

The Hobbit

Sortie : 1969 (France). Roman, Fantasy

livre de J.R.R. Tolkien

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Bien sûr, on ne peut s'empêcher de voir dans 'Bilbo' toutes les astuces qui en font un ouvrage de jeunesse, compilation de tous les contes racontés par Tolkien à ses enfants et petits-enfants. De la même façon, on se perdrait dans de fastidieuses énumérations si on souhaitait recenser toutes les inspirations mythologiques, narratives et épiques de l'auteur pour composer son récit fantastique. On apprécie surtout la part de légèreté mêlée à l'imaginaire dans 'Bilbo' : des aventures qui s'enchaînent, ponctuées par d'appréciables repas et pensées du retour (en quoi les inspirations homériques m'apparaissent bien plus pertinentes que les contes du Graal), des monstres de toutes sortes, un univers qui semble déjà receler bien des complexités tant certaines choses sont simplement évoquées...

Il y a tout de même des facilités et des inconséquences en trop grand nombre et quelques personnages dont on ne perçoit pas vraiment l'utilité (Beorn ?). Mais l'ouvrage est évidemment bien plus facile à lire que le Seigneur des Anneaux, et se lit comme un conte au coin du feu.

Le Silmarillion
7.5

Le Silmarillion (1977)

(traduction Pierre Alien)

The Silmarillion

Sortie : 1978 (France). Roman, Fantasy

livre de J.R.R. Tolkien

Alexandre G a mis 9/10.

Annotation :

Que dire face à un travail à ce point minutieux et abouti de construction d'une civilisation ? Tolkien a tout fait : plusieurs langues, une cosmogonie, un fil conducteur (la quête des Silmarils), des arbres généalogiques et des recoupements d'une vraisemblance effrayante...
Le Silmarilion se lit comme une vieille chronique historique, un conte énoncé à la Tacite ou à la Suétone, et les maigres arbres généalogiques et cartes de mon édition Christian Bourgeois ne permettent même pas de s'approprier entièrement des tonnes et des tonnes de noms de lieux, de personnages, de batailles, etc. C'est l'oeuvre de deux vies (celle du père et celle du fils Tolkien), et cela demande à ce qu'on y retourne inlassablement.

La Curée
7.4

La Curée (1871)

Sortie : 1871 (France). Roman

livre de Émile Zola

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Comme souvent chez Zola, on prend son temps pour rentrer dans le livre, la faute à une prose très étudiée et une intrigue qui s'installe très lentement. Mais au change, on y trouve un portrait sans concession de la bourgeoisie fin de race du Second Empire, avide d'enrichissement facile sur le dos de l'Etat complice, prête à tous les excès moraux et les débauches pour mettre en valeur son capital. Derrière cela se trouvent des inspirations diverses : mythologiques évidemment, l'inceste ne pouvant que faire penser à Oedipe ou Phèdre ; le roman d'apprentissage évidemment, Aristide Saccard étant un de ces nombreux personnages du réalisme/naturalisme à souhaiter mettre Paris à ses genoux en venant de la province ; et toute la verve du naturalisme zolien s'y répand ici, précisant au centimètre près les parures de ces dames, les arcades des nouveaux bâtiments haussmanniens ou les détails des sentiments de Renée, éprise de son beau-fils Maxime. Cela se lit assez bien en fin de compte, bien qu'on ne puisse y voire qu'une énième chronique du Second Empire déclinant comme en a souvent fait Zola.

Le Turquetto
7.6

Le Turquetto

Sortie : 12 août 2011 (France). Roman

livre de Metin Arditi

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Un livre à l'ambiance très exotique, sous la forme d'une biographie fabuleuse : un peintre fictif, né dans la Constantinople ottomane et doué d'un talent formidable, un pinceau à nul pareil. Il s'embarque clandestinement pour Venise, et y devient un peintre reconnu de tous. Mais, juif d'origine, il doit faire face à l'antisémitisme européen et fuir son pays d'adoption après la peinture d'une 'Cène' sous la forme d'un réquisitoire contre les peintres de son époque.
Ni extraordinaire ni même passionnant, 'Le Turquetto' se lit surtout pour son atmosphère, sa ribambelle de personnages atypiques et le rendu d'une époque passionnante, la Renaissance italienne et les bas-fonds ottomans.

Le Sermon sur la chute de Rome
6.9

Le Sermon sur la chute de Rome (2012)

Sortie : 22 août 2012. Roman

livre de Jérôme Ferrari

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Dans l'usage complexe de la métaphore, on ne peut pas dire que Jérôme Ferrari fait preuve de subtilité. Entrelaçant le récit d'une famille dans un village corse et les sermons d'Augustin, il présente la fragilité du réel, la succession des mondes et la gloire et la chute des civilisations. Des épisodes relativement triviaux sont scandés de formulations grandiloquentes, dignes des homélies épiscopales, et sonnent parfois un peu faux. Dans un livre finalement assez court et qui se lit vite, on regrette des chapitres entiers qui paraissent anecdotiques, ou qui finalement ne prennent leur réelle place qu'après qu'on a compris que tout se déroule pour signifier l'essor et la chute d'une idée, d'une aventure. Certes, cela incarne le roman même, le noeud et le dénouement. Mais trop de métaphore tue la métaphore... On se perd souvent dans des symboliques poussives et ésotériques, on a l'impression que Ferrari nous envoie à la figure notre propre ignorance de non-normalien.ne, et c'est souvent rageant.

Mais il faut tout de même lui reconnaître une qualité d'écriture assez inouïe, parfois proche du Proust, une élégance dans le verbe et dans la construction des phrases qu'on ne trouve pas dans toutes les lectures contemporaines. Ses personnages auraient pu être plus approfondis tant leur esquisse est bien écrite, et leur construction en famille tragique, à coup de péché originel, d'incestes et de colère homérique ravissent nos sensibilités littéraires. Cela se lit finalement très bien, même si une relecture ne paraît pas indispensable...

Jeanne d'Arc par elle-même et par ses témoins

Jeanne d'Arc par elle-même et par ses témoins

Sortie : 1962 (France). Biographie, Histoire

livre de Régine Pernoud

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Ouvrage de vulgarisation, ce "Jeanne d'Arc" de l'immense Régine Pernoud n'en est pas moins une pure oeuvre d'historienne : détaillant sa méthode cà-et-là, mais surtout en introduction et en conclusion, l'autrice défend l'histoire critique héritée des Annales, reposant entièrement sur les sources et les plaçant à la lumière du contexte pour mieux les comprendre. Ainsi savons-nous que l'histoire de Jeanne d'Arc nous est de façon certaine connue par les sources judiciaires : son procès à Rouen par l'infâme évêque de Beauvais Cauchon, et son procès en réhabilitation dans les années 1450. Régine Pernoud laisse surtout la part belle aux sources elles-mêmes, ses interprétations étant vraiment réduites au minimum (en-dehors du chapitre sur la réhabilitation, qui se doit de contextualiser entièrement). C'est en partie dommageable dans la mesure où on aurait attendu le travail critique sur la nature des sources elles-mêmes : le procès de Rouen est clairement un procès à charge, biaisé et orchestré par des religieux, n'est-ce pas dès lors normal que l'accent y soit constamment mis sur les aspects religieux de Jeanne la Pucelle ? De la même façon pour le procès en réhabilitation : elle apparaît comme une chrétienne pure dans la mesure où son personnage est essentiel à la geste de Charles VII... mais il y a probablement déjà eu toutes ces critiques, on se contentera donc d'apprécier la compilation et de s'en faire un ouvrage de chevet.

Extension du domaine de la lutte
6.9

Extension du domaine de la lutte (1994)

Sortie : 1994 (France). Roman

livre de Michel Houellebecq

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Ce Houellebecq ne m'a pas particulièrement passionné dans la mesure où, ici, l'écriture des personnages semble bien en-dessous de ce dont l'auteur nous habituera plus tard : des êtres profonds, simples en étant complexes, développés. Le personnage principal est un reflet de l'auteur, et ressemble à tous les personnages ou presque qui suivront dans la bibliographie. Mais il n'y a pas de réel coup d'éclat, il n'y a pas d'envergure ou de dimension paroxystique dans son attitude nauséabonde. Pas non plus de franche idée de génie, dans un autre de ses romans calmes, 'La Carte et le territoire' (quoique le tropisme vers les cartes Michelin soit déjà assumé en 1994...)
Les quelques réflexions sur le libéralisme pourraient être intéressantes, mais sont clairement hors-sol, sortant de nulle part et de ce fait trop difficiles à assimiler ; elles sont d'ailleurs rapidement expédiées.
Il faudra relire pour se refaire une meilleure idée.

Au bonheur des dames
7.4

Au bonheur des dames (1883)

Sortie : 1883 (France). Roman

livre de Émile Zola

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Rigoureusement trop long, 'Au bonheur des dames' n'en est pas moins un nouveau tour de force de la prose zolienne : nous rendre l'univers des grands magasins parisiens naissants des années 1850-1860 comme un monde tragique, où se nouent et se dénouent des intimités, des destins et des vies. Zola est pour toujours l'écrivain de l'individu, celui qui perce au travers des avenirs, des devenirs, qui croque comme personne l'atmosphère et le monde qui entourent ses personnages. Ici, la jeune Denise, anti-héros au possible, Cosette venue de Normandie pour survivre avec ses deux frères, est un chemin semé d'embûches, dont la rédemption ne vient finalement que de sa chance : le patron des grandes enseignes Au bonheur des dames est amoureux d'elle... De commérages en malentendus, elle est finalement sauvée, bien malgré elle et son honneur. Pessimiste, cet ouvrage montre encore une fois l'impitoyable monde qu'est le Second Empire, mangeant ses enfants pour quelques francs supplémentaires, simplement surpassé par ses émotions volatiles et destructrices.

Ubik
8

Ubik (1969)

Sortie : 1970 (France). Roman, Science-fiction

livre de Philip K. Dick

Alexandre G a mis 6/10.

Annotation :

Il est un fait qu'Ubik se lit très bien, mais que je n'ai pas su rentrer dedans. Tout va finalement très vite, et Philippe K. Dick ne s'embarrasse pas de fioritures. L'histoire va directement à son but, et est scandée en deux parties clairement distinctes, gravitant autour du séjour sur la Lune. Mais il y a plein de choses qui ne m'ont pas convaincu : pourquoi mettre en place un premier récit sur les luttes entre multinationales pour l'abandonner complètement à partir du passage en semi-vie de Joe Chip et des autres ? pourquoi proposer des pistes innombrables sur Jory, Pat, et d'autres cas, si le dénouement ne vient rien dénouer du tout ? C'est peut-être ce qui fait le génie de l'auteur, d'ouvrir à de nombreuses possibilités, mais là on est clairement laissés dans un flou trop dérangeant pour être intéressant...

L'Insurgé
7.6

L'Insurgé (1886)

Sortie : 1886 (France). Roman

livre de Jules Vallès

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Roman plutôt terre-à-terre malgré tout ce qu'on peut en fantasmer 'L'insurgé' prend le parti de raconter les années 1860-1871 sous l'oeil du narrateur favori de Vallès, Jacques Vingtras, dans la continuité de 'L'enfant' et du 'Bachelier'. On y voit se dérouler toute l'animosité qu'il nourrit contre l'Empire et la République naissante, plus soucieuse de rétablir l'ordre impérial sans empereur que de satisfaire les envies et rêves des plus pauvres. A travers divers épisodes, culminant avec la Semaine sanglante de mai 1871, Vallès écrit une geste révolutionnaire particulière, finalement loin de l'épopée, et plus proche de Shakespeare en ce que le tragique des scènes de la Commune côtoie une forme de dérision et de grotesque (Vingtras, poussé communard un peu malgré lui, se trompe de nom lors de l'oraison funèbre d'un ouvrier tombé au combat...)
La lecture est parfois laborieuse, tant le souvenir de Vallès est vivant : d'innombrables noms de Communards oubliés, un argot parisien et faubourien anachronique pour nous, et une grandiloquence qui ne fait pas toujours moche. Mais comme la postface le dit si bien, 'L'Insurgé' est à la Commune ce que 'L'Education sentimentale' est à 1848.

Le Silence du Rossignol
7.7

Le Silence du Rossignol (2002)

Le Clan des Otori, tome 1

Across the Nightingale Floor

Sortie : 2002 (France). Roman, Aventures

livre de Lian Hearn

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Roman d'adolescents, 'Le Silence du rossignol' l'est sans conteste. Mais pour initier votre marmot aux subtilités du jeu politique, à l'honneur et aux choix cornéliens, il n'y a pas mieux !
Suivant la destinée de Tomasu-Takeo, jeune Japonais orphelin, adopté par le rival de son bourreau, Shigeru, ce premier tome vient comme un roman d'apprentissage d'un futur assassin, découvrant ses capacités et entrant par la grande porte dans l'âge adulte : c'est par la vengeance qu'il devient finalement un homme. Enfin... rien ne se passe exactement comme annoncé, et Takeo est parfois confronté à une destinée espiègle et hasardeuse, qui met sur son chemin les Kikuta, Kaede à la blanche main et Jato le sabre au clair. Un univers de mille songes, traduisant sans faille l'amour de son autrice pour le Japon médiéval, pour notre joie assurée.

Les Neiges de l'exil
7.6

Les Neiges de l'exil (2003)

Le Clan des Otori, tome 2

Grass for His Pillow

Sortie : 2004 (France). Roman, Fantastique, Aventures

livre de Lian Hearn

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Suite moins tonitruante que le premier tome, 'Les Neiges de l'exil' constitue un intermède géopolitique : Takeo et Kaede suivent des chemins séparés, le premier acceptant puis reniant son engagement auprès de la Tribu, la seconde s'imposant comme une cheffe de clan, au détriment et au désespoir de tous les hommes qui l'entourent. S'il n'y a pas d'épisode grandiloquent qui viendrait contre-balancer ce qui nous a été montré dans le tome 1, on apprécie toujours autant l'atmosphère rendue par Lian Hearn, ici empreinte de tristesse, d'hiver et de calme. Les personnages réfléchissent, placent leurs pions, prennent quelques fois l'ascendant sur les forces politiques qui tentent de les manipuler... C'est moins fascinant que le premier tome, mais cela prolonge bien l'intrigue.

Atala - René
6.7

Atala - René (1802)

Sortie : 1802 (France). Récit, Roman

livre de François-René de Chateaubriand

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

['Atala'] Chateaubriand milite pour l'éclat du christianisme, on n'en doutera jamais. Ici, il imagine une fable tragique dans l'Amérique française : Chactas, jeune Amérindien, alors otage d'une autre tribu, est libéré par Atala, métisse, qui s'amourache de lui. Ils fuient à travers la forêt, et ne doivent leur salut qu'au père Aubry, un missionnaire, gardien d'un refuge digne du jardin d'Eden, qui les recueille. Mais Atala ne peut s'offrir en mariage à Chalcas, elle a promis à sa mère que sa virginité serait la garante de sa vie. Elle meurt donc...
Rappelant les fatalités tragiques des classiques, ce court récit ne brille certes pas par son originalité. Il pourrait le faire par sa prose, qui préfigure énormément d'écrivains romantiques du siècle : on n'a pas envie de l'accuser de trop en faire comme on pourra le reprocher à Hugo. Mais on n'a pas non plus envie de célébrer un schéma trop simpliste, où la reductio ad christus est trop facile, où tout se délie par plus de foi et de ferveur religieuse.

['René'] Beaucoup moins de choses à dire sur cette nouvelle... On prend le point de vue de René, l'interlocuteur de Chalcas dans 'Atala', qui va raconter ses errances et désespoirs de jeune bourgeois perdu dans le siècle... Il s'ennuie en France, il s'ennuie en Italie, il s'ennuie en Grèce. Et rentré, il cherche à draguer sa soeur Amélie, qui expie ses fautes au couvent : et même là, il lui gâche sa cérémonie. Autrement dit : ne soyez pas comme René. Une autoflagellation assez désagréable et gênante.

La Démocratie aux marges
7.3

La Démocratie aux marges (2005)

Sortie : 16 janvier 2014 (France). Essai

livre de David Graeber

Alexandre G a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Voir critique.

Les Dix Millénaires oubliés qui ont fait l'histoire
7

Les Dix Millénaires oubliés qui ont fait l'histoire (2017)

Quand on inventa l'agriculture, la guerre et les chefs

Sortie : 27 septembre 2017. Essai, Histoire

livre de Jean-Paul Demoule

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

On a beaucoup célébré la portée vulgarisatrice de cet ouvrage, qui entend proposer par des fiches-résumés une histoire du Néolithique, et de nombreux excursus dans le Paléolithique, voire même dans nos époques contemporaines. C'est didactique, complet, même si des non-initiés peuvent être un peu perdus dans de nombreux domaines simplement évoqués par ce grand paléoanthropologue qu'est Jean-Paul Demoule. Mais pour un historien comme moi, passionné de préhistoire qui plus est, j'y trouve ici un rappel très divertissant et fort utile en prévisions de cours de 6ème, non seulement pour garder en mémoire les éléments incontournables de la période, mais aussi les remises en question, nuances et autres critiques des historiographies classiques.

Cannibale
6.4

Cannibale (1998)

Sortie : 1998 (France). Roman, Histoire, Aventures

livre de Didier Daeninckx

Alexandre G a mis 7/10.

Annotation :

Double narration au demeurant assez classique, le court récit de Didier Daeninckx (pour moi son premier ouvrage que je lis) relate un fait historique, l'Exposition coloniale de Paris de 1931, son zoo humain présentant les hommes et femmes des "colonies", ici en suivant le point de vue de Gocéné et Badimoin, deux jeunes Kanaks amenés de force à Paris par les Français. En parallèle, en 1988, Gocéné raconte son histoire à deux militants de la Kanaky sur un barrage. Le passé colonial s'intègre à la lutte décoloniale, dans un parallèle assez simpliste mais qu'il fallait probablement faire. Le récit palpitant de la quête de Gocéné et Badimoin dans le Paris de 1931, entre la Porte Dorée de Vincennes et la Gare de l'Est, pour retrouver Minoé, la jeune Kanake enlevée avec 30 de ses congénères pour être emmenée et exposée à Francfort, en Allemagne, nous tient en haleine sans grande ambition. Les portraits sont finalement brossés assez bruts : certes, tout n'est pas noir ou blanc, mais l'authenticité culturelle des Kanaks contraste sérieusement avec la frusterie protocolaire des policiers parisiens, et leur naturel millénaire avec l'arrogance et l'opacité des Blancs. Cela va un peu trop vite mais cela se lit d'une traite.

Les Rêveries du promeneur solitaire
6.9

Les Rêveries du promeneur solitaire (1778)

Sortie : 1778 (France). Autobiographie & mémoires, Philosophie

livre de Jean-Jacques Rousseau

Annotation :

Oeuvre majeure aux côtés des 'Confessions', les 'Rêveries' sont une prolongation de l'idéal rousseauiste du bonheur. Dans ces courts récits de la fin de sa vie, Jean-Jacques déploie ce qu'il entend par sa félicité, et celle-ci est définitivement loin des hommes : la solitude est le but de sa quête de transparence (comme aurait dit Starobinski), et il tâche de retrouver ces plaisirs simples qui émeuvent son âme à la surface (la botanique évidemment, le sourire des enfants aussi).
Mais Rousseau a cette tendance paranoïaque et cette fixette maladive sur ce qu'on dit de lui que ç'en est désespérant... Trois promenades entières sont consacrées à une simple idée : je n'écoute pas ce que les rageux disent de moi, votre venin coule sur mon indifférence. C'est assez navrant de bêtise et de simplicité.
Quelques saillies philosophiques font mouche, et le passage de la 5ème promenade sur la véritable existence en soi est d'une clarté limpide. Mais que de circonlocutions pour dire que tu es vexé Jean-Jacques !

Homo Domesticus
7.8

Homo Domesticus (2017)

Une histoire profonde des premiers États

Against the Grain: A Deep History of the Earliest States

Sortie : 3 janvier 2019 (France). Essai, Histoire

livre de James C. Scott

Alexandre G a mis 9/10.

Annotation :

Anthropologue anarchiste, James C. Scott est un collègue de David Graeber. Pas nécessairement spécialiste de préhistoire, il entend ici faire une contre-histoire de la formation des Etats archaïques d'Eurasie et d'Egypte, entre le XIe et le Ier millénaire avant J.-C. Il ne s'agit alors pas d'adopter d'entrée un point de vue négatif sur l'Etat, mais plutôt de suggérer que l'histoire qu'on en a faite était peut-être trop adossée aux sources que cet Etat lui-même a laissées, et qui était par conséquent biaisées par sa propre volonté de s'autoperpétuer.
Ainsi, cela amène, au cours de 7 chapitres plus savoureux les uns que les autres, l'auteur à déterminer les causes potentielles d'apparition de l'Etat, les conditions de vie qui pouvaient séparer chasseurs-cueilleurs mobiles et agriculteurs sédentaires soumis au pouvoir d'une élite militarisée, rapports de force entre sociétés pastorales nomades et Etats-agraires. De là, plusieurs saillies remarquables :
- l'agriculture n'est pas une invention de l'Etat, mais l'Etat a eu besoin de monocultures céréalières concentrées en un lieu enclos pour s'en approprier l'excédent et perpétuer sa domination ;
- l'agriculture a été longtemps une stratégie de subsistance parmi d'autres des chasseurs-cueilleurs, qui possédaient une complexité alimentaire et écologique bien plus développée que celle des Etats archaïques;
- les populations sédentaires vivant dans une cité-Etat archaïque sont probablement d'anciennes populations mobiles chasseurs-cueilleurs, raflées par une élite militarisée afin de les concentrer dans un noyau céréalier sur une plaine alluviale ;
- l'Etat est en concurrence pour l'appropriation des excédents agricoles et de la main d'oeuvre céréalière avec les sociétés "barbares" qui se forment à ses périphéries, et qui peuvent prendre la forme de confédérations équestres (Xianglu, Mongols, Ottomans, Vikings, etc.)

Ces quelques points sont des hypothèses fameuses, témoignant de l'immense fragilité des premiers Etats, et partant délibérément des "âges sombres" pour expliquer à quel point ils sont plus nombreux que les "âges de civilisation", qui n'ont en fait consisté qu'en des temps d'épidémie, de famine, de guerres et de mégalomanie des élites accapareuses. Et certes beaucoup de ces thèses ont été réfutées par la suite, mais quel coup de force intellectuel !

Ce qu'ils disent ou rien
7

Ce qu'ils disent ou rien (1977)

Sortie : 1977 (France). Roman

livre de Annie Ernaux

Alexandre G a mis 8/10.

Annotation :

Un des premiers romans d'Annie Ernaux, et pourtant déjà une bonne partie de son oeuvre y est contenue : la place de la jeune adolescente dans un monde qui la renvoie perpétuellement à sa condition féminine (que ce soit dans le regard de ses parents et surtout de sa mère qu'elle se met à détester de plus en plus, des garçons qu'elle adore et qui la rabaissent, de ses copines qui n'attendent que la première occasion pour montrer qu'elles sont supérieures), le rapport aux autorités morales (parents, profs, médecin), la découverte désenchantée de l'âge adulte, etc. Ecrit dans le langage adolescent, sans rupture pour introduire un dialogue ou paragraphes réguliers, "Ce qu'ils disent ou rien" traite surtout de cet été décisif qui nous fait entrer dans un autre âge, celui de la responsabilité, de la conscience, la fin de l'innocence en somme. On y entre souvent volontairement, avant de se rendre compte qu'on a quitté une terre fraîche et pure pour un horizon incertain, froid et peu bienveillant. Et l'on se met à tout haïr, à se renfermer sur soi, à ne plus voir d'avenir que dans quelques lubies obsessionnelles (les garçons pour la narratrice). On passe à l'âge du paraître.

Alexandre G

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