Journal de bord Littérature - 2024

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Janvier

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Janvier / Lu.

Exercice amusant (et si le monde avait moins de dimensions d'espace), qui masque en réalité une critique vitriolée de la société victorienne. Si j'étais provocateur je dirai que c'est un roman littéralement wokiste : le narrateur (monsieur est un polygone, presque un cercle) découvrant des plans d'espace autres que le sien éveille peu à peu sa conscience à l'altérité…

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Janvier / Lu.

La glose est ornée, peut-être trop fumeuse par endroit, mais quand certains jaillissements font mouche c'est très beau. Au pire, ça donne envie de repartir chez Michon, ce qui ne peut qu'être une bonne idée.

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Janvier - février / Lu.

Les pieds dans le plat : la classe ouvrière en tant qu'archétype utopique sensé réunir l'ensemble du prolétariat pour vaincre dans la lutte des classes n'existe plus (pas?) vraiment ; le capitalisme a opéré une fragmentation, un éloignement, une séparation donc. Comment reformer une classe-étendard pour recoller les exploités de tous les pays, c'est bien la le nœud de nos problèmes.

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Février / Lu.

On ne peut pas dire que Gatsby usurpe sa réputation : les années folles américaines sont là, splendeur et décadence entremêlés, et la bourgeoisie cache bien des misères derrière sa pompe factice ; le rêve financier américain se construit en fait à coup de délit d'initié.

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Février - mars / Lu.

Toute l'idée c'est de reprendre le fil au plus haut, quand l'imprimerie se généralise, puisque l'objet de l'examen porte sur la police de l'espace d'expression public. Alors on doit bien démarrer au moment pivot où les techniques du pouvoir s'organisent pour contrôler et surveiller (et punir) ce qui peut ou ne peut pas se diffuer. De là on remonte le courant technique du colportage (poste, presse, télégraphe, téléphone, radio, télévision) pour finalement arriver à Internet, le grand véhicule de l'information qui portait des espoirs d'émancipation pourtant vite oubliés ; le pouvoir et le capital connaissent depuis le temps par cœur le jeu de la reconfiguration.

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Février / Lu.

La figure cryptique de Pythéas est pour moi un objet de fascination depuis môme. L'explorateur marseillais, ou mytho ou marchand ou curieux ou imaginaire, n'a cessé de jouer les arlésiennes depuis près de 2500 ans. Il est tour à tour révéré, oublié, mythifié ou traité de menteur, c'est selon l'endroit et l'époque ; les estionniens sont convaincus qu'il a atterri chez eux, les provençaux se l'approprient comme leur premier grand scientifique, les norvégiens revendiquent la paternité géographique du bout du monde décrit par lui, certains historiens pensent qu'Alexandre le Grand a personnellement envoyé le Phocéen crapahuter dans le Grand Nord... Les quelques très rares fragments indirects passés en revu ici ne permettent (évidemment) pas du tout de trancher quoi que ce soit. Reste cette figure énigmatique et fantomatique, qui peut être est un jour parti de Massilia pour le bout du monde.

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Février / Lu.

Récit de guerre science-fictionel, contre-culturel, irrévérencieux et gênant pour l'Amérique.

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Février / Lu.

Sur le papier c'est tout ce qu'il me faut : la Provence, la truculence, et la promesse d'un roman de classe. Mais ça prend pas complètement, va savoir pourquoi.

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Février / Lu.

Une terre de créolisation comme peut-être rarement vu dans l'histoire du monde.

On aperçoit par bribes, dans ce palimpseste géo-historique, un panasiatisme précoce, une globalisation presque réussie pourrait-on dire, reliant des régions d'une diversité et d'une distance faramineuse. À Samarcande, Bactres, Merv ou Penjikent, on a pu croiser pêle-mêle pendant quelques siècles un diplomate Tang chargé de rouleaux de soie, un seigneur de guerre Huns, un vizir abbasside, un marchant sogdien parti de Byzance et en route pour Kaboul, un prêtre nestorien réemployant un temple zoroastrien, un roitelet sassanide exilé ; ils parlent arabe, mandarin, perse, sanskrit, sogdien, proto-turc, vénèrent Bouddha, Allah, Jésus, Ahru Mazda, Yhwh, Vishnu ; c'est un rêve de région-monde, qui sera finalement balayé par les concurrences impériales venues des quatre points cardinaux.

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Février / Lu.

Un scientifique et un poète devisent sur les ondes fondamentales de l'esprit et de la matière, dans l'espace exotique qui fait se croiser les plans des phénomènes ; comme si Einstein et Kafka, la loi et l'imagination, cherchaient un terrain d'entente.

Roman de géométrie : deux amis décrivent des cercles dans le ciel en suivant le tracé d'un accélérateur de particule situé à 100m sous terre. On voit la terre et les choses à l'échelle 1:100, observant comment les photons interagissent avec les baryons, ou comment un regard se reflète dans les yeux d'un autre, quelle différence finalement.

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Février - mars / Lu.

Ce mec sait tout faire y'a pas à dire. Les genres et les techniques narratives se succèdent sans accroc, dans un ballet remarquable ; et dire que la quasi-totalité de la production météorique d'Akutagawa n'a pas encore été traduite…

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Mars / Lu.

Au delà de l'histoire fascinante de Magellan (j'ai un faible pour les histoires de marins, c'est de plus en plus évident), Bertrand annonce à travers son titre une remise en cause de l'historiographie coloniale : le double sous-entendu est donc que ce n'est ni Magellan (il est mort avant d'avoir achevé la circumnavigation, et c'est plutôt son esclave malais Enrique qui le premier être allé au bout du voyage), ni du monde dont il est question (quel sens donner à un "tour du monde" quand on traverse des civilisations sans même les considérer?).

On retiendra également le bordel sans nom que les conquistador laissent systématiquement derrière eux, en se comportant comme les derniers des rats. On le savait, mais ça fait jamais de mal de le revoir concrètement.

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Mars / Lu.

Autant il y a des lectures intéressantes, des idées de décodage de certaines œuvres qui ont du mérite (et moi j'y connais rien, c'est peut-être déjà dépassé), autant cette forme et ce ton… c'en est agaçant à la longue, Arasse joue pas mal d'arrogance et de hauteur avec son lecteur, tout en s'essayant à des formes littéraires qu'il ne maîtrise manifestement pas trop.

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Mars / Lu.

Histoire d'une cata qu'on a tenté a posteriori de faire passer pour une réussite. Les frères Parmentier partis sur frêle esquif ont barbottés dans l'océan Indien avant d'aller jouer au cons chez les malais. Evidemment ça finit très mal, mais l'obsession dix-neuvièmiste a maladroitement tenté de les faire passer pour les Magellan dieppois, il y a de quoi se taper la tête par terre.

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Mars / Lu.

Télégraphie contemporaine. Il y a bien quelqu'un qui se cache derrière ces brèves, symptôme de la gueule de bois généralisée des années 70 américaines.

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Mars - avril / Lu.

Trappeur-chanteur pétri d'utopie démocratique, un vrai ricain dans son sang poétique.

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Mars / Lu.

C'est un peu comme si Sebald était né à San José Costa-Rica, et dans un effort de revisitation de son passé il partait sur les trace d'une artiste énigmatique, et que sur sa piste il ouvrait malgré lui d'inquiétantes poupées russes, colonie Nazi sud-américaine, enregistrement dégradés d'une langue presque morte, ou théâtre d'une mémoire local qui occulte volontairement la violence de sa disparition.

Le narrateur est autant perdu dans sa quête que l'auteur, qui semble découvrir ses propres personnages au fil de l'écriture.

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Mars / Lu.

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Mars / Lu.

Aussi drôle qu'intéressant dans son dispositif. Ca a dû faire grincer pas mal de dents de poètes à moitié identifiables, comme un petit caillou dans la chaussure.

Comme Jean-Marie Glèze le dit si ouvertement, Christophe Hanna est ironique mais pas malveillant, ce qui rend sa démarche embarrassante tout autant qu'importante, en choisissant un angle inattendu pour converser avec des artistes : le fric ; ce qu'ils en font, comment ils le gagnent, ce qu'ils en pensent, et surtout peut-être, comment valorisent-ils leur travail? Christophe254(€) a vécu en indigent alors qu'il a produit une œuvre résolument marquante, alors que Bernard226000000000 continue de foutre en l'air le monde, c'est cette réalité crue qu'Hanna fait surgir l'air de rien sous un nouveau jour.

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Mars - avril / Lu.

Tonnerre et mescal. Un véritable roman d'ivrogne poisseux, perdu entre deux volcans mexicains. Le retour d'un grand amour qui signe sa propre déchéance, amour noyé dans les hectolitres de tord-boyaux qu'on écluse pour tranquilliser ses démons.

Ce que tout le monde dit est vrai, on ne sort pas exactement le même de ce bouillon romanesque.

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Avril

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Avril / Lu.

C'est mené très adroitement, tout en jeu de narration et portrait caustique. Alors qu'on s'attend à du romantisme, c'est au contraire une réalité mesquine et égoïste qui agite la petite aristocratie pétersbourgeoise, et le narrateur de nous interpeler pour ricaner avec nous du ridicule de ce monde qui se donne l'apparence des grandeurs.

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Avril / Lu.

Petchorine est un abjecte personnage, monstre de séduction cynique et froid, méprisant la vie et les autres, jouant avec les sentiments des femmes par ennui… C'est donc ça, un héros de notre temps. Lermontov finira exilé à la suite de la publication de ce quasi-pamphlet, le tsar ayant peu gouté à l'âpre verve et l'expérimentation narrative surprenante d'un jeune poète trublion qui ne mâchait pas ses mots. Voilà ce que ça coute d'être méchamment honnête.

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Avril / Lu.

Renversement du mythe ancestral ; relire et réécrire pour revitaliser la dramaturgie avec ses propres préoccupations, en donnant la part-belle aux anciennes zones d'ombres.

La force poétique sue par tous les vers.

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Avril / Lu.

Une pure dinguerie.

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Avril / Lu.

Poème de terroriste, en souffrance en lutte ; par le titre, on nous averti du programme : contre la menace d'une métaphysique toujours plus abstraite, il faut rematérialiser le tout.

Grand et énigmatique copain de Bolaño, marcheur des faubourgs et griffonneur des coins de tables, MSP a bien failli complètement passer à la trappe.

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Avril / Lu.

Constat sans appel : la langue est autant un instrument de néo-colonialisme que l'économie. L'autodétermination se passe, s'obtient même, par la déterritorialisation de la langue. Le geste est d'autant plus courageux qu'il condamne l'auteur a une difficulté d'accès au marché mondial ; mais ceci est bien entendu secondaire.

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Avril / Lu.

Allemagne annihilée, désossée, en putréfaction, tiraillé entre l'échec du communisme de la RDA et la barbarie du capitalisme. C'est pour moi le Dieu Bonheur qui prend la palme, la pièce-titre versant dans quelque chose qui n'a plus l'humilité des ruines et devient carrément outrancier (Goebbels accouchant de Jésus, je ne m'y retrouve décidément pas).

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Avril / Lu.

La réécriture de Prométhée enchainé sans trop s'en échapper est belle, mais c'est vraiment La mission le point d'orgue de la compilation.