Il suffit de lire // Lectures 2019

Annotation :

"Inventer, frénétiquement inventer, sans se soucier des liaisons, jusqu'à ne plus parvenir à faire un résumé. Un simple jeu de relais entre emblèmes, l'un qui dise l'autre, sans trêve. Décomposer le monde en une sarabande d'anagrammes en chaîne. Et puis croire à l'Inexprimable."

Une citation qui résume à merveille cette première expérience aux côtés d'Umberto Eco, et peut-être pas le point d'entrée le plus abordable dans son oeuvre. Il est fascinant de lire un roman si érudit qui ne se prend pourtant si peu au sérieux. Sur plus de 800 pages, Umberto Eco façonne une théorie de l'humanité complètement fantasque et pourtant passionnante, bien que j'ai plus d'une fois perdu le fil de sa pensée. Mais l'intérêt du roman n'est pas tant dans ce qu'il raconte (assez paradoxal, étant donné sa longueur) mais dans ce que l'auteur partage comme vision de son art. Le monde n'a de sens qu'à travers l'esprit qui lui donne forme, et on referme ce livre pris d'un vertige. Tout cela n'a finalement pas grand sens, et c'est sans doute la plus grande force du livre.

Annotation :

Sans être décevant, ce retour au pays pour Vieux Os a un petit goût d'inachevé. Les premières pages sont teintées d'une mélancolie tout en douceur, si caractéristique de l'oeuvre de Laferrière. Le portrait en creux d'une mère qui est vouée à vivre pour son fils à distance est poignant, et le découpage du roman en très courts chapitres donne l'impression d'un roman photo qu'on balaie du bout des doigts.
Mais j'ai été un peu moins convaincu par la partie plus théorique du roman, une exploration du pays des morts à travers le folklore haïtien. Le thème est séduisant, mais le livre ne semble jamais vraiment décider quelle voie prendre, et l'émotion du retour est parfois balayée au profit de pages plus anecdotiques qui flirtent avec le surnaturel.
Mitigé, donc, bien que l'écriture de Laferrière reste toujours un plaisir.

Annotation :

En voici une expérience insolite auprès de Philippe Jaenada, à mi-chemin entre Agatha Christie, Pierre Bellemare et Emmanuel Carrère (pour son art fascinant de la digression). Certes, on pourra reprocher au roman quelques longueurs et une tendance de l'auteur à légèrement trop solliciter le lecteur via des effets d'annonce trop fréquents. Mais l'exercice proposé est réellement passionnant, au-delà du fait divers et de ses improbables (mais vrais) rebondissements, c'est surtout un roman sur l'art de la rhétorique. Peu importe que Philippe Jaenada trouve ou non le fin mot de l'histoire (nous ne le connaîtrons jamais vraiment), seuls comptent ici les arguments et la capacité de l'auteur à les agencer. Délectable.

Annotation :

Une réjouissante découverte pour un lecteur parfois un peu blasé du genre policier. Si le mystère n'est finalement pas d'une incroyable épaisseur (tout comme ses protagonistes), le roman parvient à installer une ambiance poisseuse avec sa figure criminelle au chapeau melon, créature gothique absolument fascinante.

Annotation :

Pas vraiment accroché à l'écriture ni au concept de ce roman semi-biographique. L'ensemble n'est pas dénué d'intérêt, mais l'écriture ne parvient pas à trancher entre le romanesque et le récit historique à visée objective.

Annotation :

Toujours un plaisir de retrouver l'univers loufoque de Fred Vargas et sa galerie de personnages si attachants. L'armée furieuse n'est pas l'enquête la plus aboutie et complexe de la saga, mais je ressens toujours un vif plaisir à me promener à travers la France aux côtés d'Adamsberg. Si le postulat de départ du roman est séduisant, Fred Vargas ne parvient pas à donner suffisamment d'ampleur à son enquête, que ce soit du côté de l'enquête policière (les suspects sont survolés) ou de la menace fantastique qui plane sur les personnages.

Annotation :

La maison de soie est une relecture honnête, bien qu'un peu timide du mythe holmesien. On peut reconnaître à Anthony Horowitz une certaine humilité dans sa réappropriation du personnage, ne jouant pas la carte de la surenchère (tout du moins dans le déroulé de son récit, sa résolution étant bien loin des codes adoptés par Arthur Conan Doyle) et du clin d'oeil à outrance (à - peut-être - une exception, intégrant de manière très maladroite un personnage du canon holmesien qui n'a finalement aucun impact sur le récit principal).

Mais paradoxalement, la timidité de la réécriture la rend par moments assez ennuyante. La trame policière est gonflée artificiellement par des rebondissements (la partie en prison, principalement) et la nature de la "Maison de Soie" éponyme m'a semblé une évidence dès la moitié du roman. Mais Horowitz réussit à réserver quelques surprises dans les derniers chapitres, notamment sur la résolution du mystère des "casquettes plates" qui rend un bel hommage à l'écriture d'Arthur Conan Doyle.

Loin d'être infréquentable, cette réécriture reste donc bien trop sage pour marquer les esprits.

Annotation :

Pas accroché au ton de ce roman qui tente de brouiller les repères du spectateur. Peut-être est-ce dû à la traduction, mais la narration m'a semblé trop jouer sur le brouillage spatial et temporel au détriment des personnages et des enjeux du récit, rendant la lecture légèrement pénible à la longue.

Annotation :

Très séduit par ce récit à tiroirs déstructuré, par la richesse des portraits psychologiques proposés, le roman s'étiole progressivement, pris au piège de ses artifices. Le roman, à l'image de son narrateur, ne cesse de se sombrer, n'accordant aucune bouffée d'oxygène ni aucune empathie à ses personnages. Une lecture éprouvante, moins convaincante que Les Chutes, mais plus immersive.