Cover Les saxophones mutants rêvent-ils de moutons acoustiques ? [Portrait d'une discographie #3 - Colin Stetson]

Les saxophones mutants rêvent-ils de moutons acoustiques ? [Portrait d'une discographie #3 - Colin Stetson]

Colin Stetson, c'est avant tout le pari d'une technique drastique et d'un savoir de studio autorisant à un homme seul et à son instrument acoustique de repousser les limites communément admises de l'instrument et de permettre la découvertes de territoires soniques encore vierges. Son approche se fait ...

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9 albums

créee il y a presque 7 ans · modifiée il y a presque 7 ans

Slow Descent
5.9

Slow Descent (2003)

Sortie : 3 octobre 2003 (France).

Album de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 5/10.

Annotation :

Slow Descent est un album assez particulier quand on l'écoute pour la première fois en connaissant déjà la carrière de Colin Stetson à venir. Ici, 5 ans avant le premier volume de New History Warfare, le jeu de Colin - certes déjà virtuose - est très "normal". Pas de respiration circulaire, de chant intérieur ni toutes ces conneries. Le canadien a un groupe derrière lui, batteur, bassiste, guitariste et même tromboniste.

Et ma foi, tout ceci ne me semble ni très original ni très inspiré. Colin médite souvent, mais sans grandes nuances, sans percées qui font s'affoler l'électrocardiogramme. C'est un album très posé, trop sans doute, perdu dans ses propres errances. Pas grave, on sait que là dessous couvre une des carrières les plus intéressantes de ces 15 dernières années.

Streaming :
https://colinstetson.bandcamp.com/album/slow-descent

New History Warfare, Volume 1
6.9

New History Warfare, Volume 1 (2008)

Sortie : 18 mars 2008 (France).

Album de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 7/10.

Annotation :

Ah le voilà enfin ! Le vrai Stetson, celui qui décide de prendre une pause dans ses featurings divers et variés chez les grandes enseignes (Arcade Fire, Tom Waits, Godspeed, Timber Timbre...) pour se concentrer sur ce qui l'obsède ces derniers temps : la construction d'une démarche solo d'une envergure folle. Colin joue tout lui-même, fait les cuivres, les percus, chante, et tout ça en même temps, sans overdub, dans des prises lives, tout en soufflant dans son saxophone. Pour savoir comment ça fonctionne il suffit d'aller consulter le préambule de la liste. Et pour se convaincre que c'est pas du chiqué, y a toujours les nombreuses vidéos live bande d'incroyants.

Ce premier album est déjà bon, quoique brouillon comparé à ce qui suivra (c'est fou l'écart entre le volume 1 et le 2... mais nous y reviendront), mais c'est justement ce côté brut, ébouriffé, sauvage, qui fait toute la personnalité de l'effort. Colin approfondira tout ça par la suite (et laissera tomber certains trucs, comme l'espèce de machin 16-bit curieux de Nobu Take) ; reste un effort entièrement solo, ce qui arrivera rarement par la suite, tant Colin aimera s'accompagner de feat divers, vocaux ou autres.

Full album :
https://www.youtube.com/watch?v=Zmbd2ARyTtg

New History Warfare, Volume 2: Judges
8

New History Warfare, Volume 2: Judges (2011)

Sortie : 22 février 2011 (France). Rock, Jazz, Avantgarde

Album de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 9/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Une fois le premier jalon posé, le premier chef-d'oeuvre ne tardera pas à arriver. Avec tous ses contacts dans le milieu (à force de jouer chez tout le monde aussi) et après un premier volume impressionnant de panache, Colin Stetson accueille d'autres gens de talent dans sa matière. Ben Frost au mixage (bon boulot de forçat vu les dizaines de micros nécessaires à chaque prise) et Laurie Anderson et My Brightest Diamond aux vocaux.

Ce qui accouche de ce "difficile deuxième album" (sic) c'est le disque le plus varié, le plus mature et le plus évocateur de sa carrière, à mon humble avis. Difficile de faire mieux que ça, même si je ne veux pas paraître résigné ! Le spoken word récurrent de Laurie Anderson est le parfait contrepoint de l'étrangeté mécanico-cuivrée de Stetson. Une narration à la fois glaciale et gracieuse, humaine mais pas complètement. Le choix d'Anderson est sans doute le plus grand coup de génie de sa carrière, quelle personnalité a ce disque (avec la pochette en plus, quel objet). Le feat de MBD est aussi très bien géré, un blues livide chargé de drones menaçants. Colin fait éclater au grand jour toute sa palette émotionnelle ; la menace rouleau compresseur de "Judges", le drame dystopique de "The Stars In His Head", la parade séraphique et aérienne de "From no part of me...", la bestialité industrielle de "Red Horse", l'héroïsme virevoltant de "The Righteous Wrath of an Honorable Man", la mécanique impitoyable mais pleine de grâce de "Fear of the Unknown..."

Ouais ben chef-d'oeuvre quoi.

Full album :
https://youtu.be/bTLbGytEz0U
Judges en live :
https://www.youtube.com/watch?v=k9YJM2GCvk8

Those Who Didn't Run (EP)
7.8

Those Who Didn't Run (EP) (2011)

Sortie : 4 octobre 2011 (France).

EP de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 8/10 et l'a mis dans ses coups de cœur.

Annotation :

Après la parade aux talents du deuxième volume, Colin s'accorde une parenthèse solo en format court sur l'EP Those Who Didn't Run (reprenant une phrase de Laurie Anderson dans l'album précédent). Et le moins qu'on puisse dire c'est que c'est impressionnant ; chaque face fait 10 minutes, toutes deux composées d'un seul morceau. C'est la première fois que Colin s'aventure sur des compositions aussi longues. Mais il est bien à la hauteur de la tâche.

"Those Who Didn't Run" est une piste "typique" du Stetson menaçant, lourd, à la Judges. Et l'étendre sur 10 minutes est une sacrée bonne idée, la souffrance n'en est que plus poignante. La composition s'autorise des mouvements puissants, comme le passage étouffé à mi-parcours, qui est terriblement prenant avec la clarté du bruit des touches... Mais plus fort encore à mes yeux est la face B, "The End of Your Suffering", qui explore plutôt la face aérienne de son jeu, avec ses arpèges volatiles, très Philip Glass ou Terry Riley. Une excellente composition, très élégante, aux crescendos véloces jusqu'à des climax extatiques, qui justifie plus encore sa durée que la précédente.

Un 45 tours EPatant.

Those Who Didn't Run :
https://www.youtube.com/watch?v=jUkivfmFuy0
The End of Your Suffering :
https://www.youtube.com/watch?v=6aUZuXSdflQ

Stones (Live)
6.4

Stones (Live) (2012)

Sortie : 9 novembre 2012 (France).

Live de Colin Stetson et Mats Gustafsson

T. Wazoo a mis 4/10.

Annotation :

On aurait pu penser que la réunion de deux monstres savants du saxophone eut été source de liesse, mais malheureusement...

Malheureusement les deux, en pleine improvisation libre, n'ont pas plus d'alchimie que ça et la superposition de leurs pattes et de leurs inflexions cuivrées ressemble trop souvent au concours de celui qui pètera le plus fort/le plus bizarrement. Les moments les plus excités forment une logorrhée cacophonique. Il n'y a que dans les phases les plus calmes que les deux bonhommes sauvent les meubles. En dehors de ça, ce live n'est vraiment pas ma came.

Full album :
https://www.youtube.com/watch?v=gjZNUNzYRp0

New History Warfare Vol. 3: To See More Light
7.7

New History Warfare Vol. 3: To See More Light (2013)

Sortie : 30 avril 2013 (France). Rock, Jazz, Experimental

Album de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 7/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Volume conclusif de son épique trilogie, New History Warfare n'ira pas chatouiller les sommets du volume 2, mais propose tout de même des nouveautés édifiantes. La plus évidente c'est le changement de vocaliste en titre, exit Laurie Anderson et My Brightest Diamond, bonjour Bon Iver.

Je ne suis pas toujours convaincu par les feats de celui-ci, son falsetto méga-overdubé hyper-harmonisé prend beaucoup de place et ne s'accorde pas forcément avec le saxo déjà très massif de Stetson. Les deux s'envahissent mutuellement... et si le résultat n'est pas désagréable pour autant, ça reste frustrant de voir comme la puissance émotionnelle en prend un coup. Heureusement Vernon a deux moments de grâce. Le premier est cette épatante performance sur "Brute" où il nous révèle ses capacités insoupçonnées de grogneur de death-metal. Le second ce gospel fabuleux "What Are They Doing In Heaven Today?" où il se libère enfin de ses effets de voix et de son falsetto pour chanter "normalement", et ça fait du bien. Colin peut briller en fond sans la crainte d'en mettre partout.

Du reste c'est un très bon album, quoique moins cohérent dans sa narration que le vol.2, plus étrangement boursouflé, mais on pardonne tout à un disque contenant le morceau titre, "To See More Light", et ses 15 minutes qui constituent un précédent estomaquant dans la carrière du souffleur, une fresque épique en plusieurs mouvements qui témoignent de toute l'envergure de son jeu. Je le baisse à 7 pour la forme, parce qu'il est inférieur aux autres "8", mais je ne l'aime pas moins.

Full album :
https://www.youtube.com/watch?v=zFPF-Z3ANBw

Never Were the Way She Was
7.5

Never Were the Way She Was (2015)

Sortie : 27 avril 2015 (France). Rock, Jazz, Avantgarde

Album de Colin Stetson et Sarah Neufeld

T. Wazoo a mis 8/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Quand bien même il apprécie de faire figurer d'illustres musiciens dans ses album, ce Never Were the Way She Was constitue un précédent dans l'espace qu'accorde Stetson à un compère. Une compère en l'occurrence, ceci est une authentique collaboration avec la violoniste Sarah Neufeld. Chacun des deux occupent une place aussi importante dans la réalisation et l'interprétation.

Le résultat, c'est l'album le plus explicitement "minimaliste" de Stetson à ce stade. La piste introductive fait tellement Glass que c'en est indécent. Jamais Stetson ne se sera montré aussi classe, aussi souple et gracile (sans doute par politesse envers la demoiselle ; on ne montre pas son côté bestial aux dames voyons). Quoique, niveau sauvagerie une piste surnage (le fol ébat des deux compagnons), "The Rest of Us", d'une lourdeur effarante sur son climax, abandonnant quelque temps leurs atours mélodiques pour aller dans la frappe texturale pure.

Excellent disque, sans vraiment de temps faible. Intéressant de remarquer que malgré la collaboration cet album me semble néanmoins exsuder la solitude. Comme si le couple était au fond d'un gouffre à regarder le ciel, seuls, mais seuls à deux.

Full album :
https://www.youtube.com/watch?v=xqddD6rBF7A

Sorrow: A Reimagining of Gorecki's 3rd Symphony
5.8

Sorrow: A Reimagining of Gorecki's 3rd Symphony (2016)

Sortie : 8 avril 2016 (France). Rock, Jazz, Experimental

Album de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 5/10 et a écrit une critique.

Annotation :

Quel projet enthousiasmant... dans l'idée. Colin Stetson montant un orchestre de musiciens choisis minutieusement pour réinterpréter - pardon réimaginer - la 3ème symphonie de Gorecki, splendide composition du siècle dernier. Sauf que.

Sauf que visiblement Colin n'a pas compris grand chose à l'essence de ladite composition (ce que je trouve étonnant vu qu'il l'écoute en boucle depuis des années), et en donne une version alourdie (additive dit-il en interview, mais appelons un chat un chat c'est lourdaud), pompeuse, très post-rock dans l'instrumentation et même metal au début du troisième mouvement. Tout le souffle, toute la respiration de l'originale est balayée par les gros sabots larmoyants de Stetson et sa troupe. Le son en lui-même impressionne, mes enceintes s'en souviennent, mais quand on se rappelle ce que c'est censé servir le malaise s'installe. Un faux pas très clairement, qui a pu m'inquiéter quant à l'avenir de Stetson... mais heureusement son retour de 2017 rassure bien comme il faut.

Full album :
https://www.youtube.com/watch?v=8c7YvSMyIso&t=1s

All This I Do for Glory
7.4

All This I Do for Glory (2017)

Sortie : 28 avril 2017 (France).

Album de Colin Stetson

T. Wazoo a mis 8/10, l'a mis dans ses coups de cœur, a écrit une critique et l'écoute actuellement.

Annotation :

Tout frais sorti à l'heure où j'écris ces lignes, All This I Do for Glory est le retour en forme que j'attendais après les bêtises ampoulées de Sorrow l'année passée. Plus que jamais seul (zéro feat, ça faisait longtemps), Colin est d'humeur méchamment bestiale, il fracasse des os comme sur sa pochette, semble avoir planqué encore plus de micro à l'intérieur de son instrument ; jamais n'a-t-on eu autant l'impression de vibrer au sein même des entrailles du saxophone, les percus de touches font très mal et prennent le rôle majeur sur une piste comme "Between Water and Wind".

L'album s'accordera une respiration, la merveilleusement légère "Spindrift", avant de repartir de plus belle dans la brutalité. Et en apothéose, peut-être la plus forte composition de Stetson jusqu'ici, dépassant même à mon sens le morceau-titre du volume 3. 13 minutes d'apesanteur, de tragique et d'héroïsme. Putain ce que c'est bon de voir qu'il se renouvelle toujours.

Between Water and Wind (la brutasse) :
https://www.youtube.com/watch?v=tc-28nIE-tQ
Spindrift (le clip montre bien cette envie de se mettre au plus près de l'instrument) :
https://www.youtube.com/watch?v=KJHr2DlRog8

T. Wazoo

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