2024, c'est pas d'la tarte (BD)

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10 mai

Numéro assez chouette et homogène, qui hasard du calendrier d'enquête, éclaire tout particulièrement notre rapport à l'agriculture et à ses pressions sur l'environnement et sur ses professionnels.

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4 mai
8,5/10

Souvenez-vous : l'an dernier je découvrais Alison Bechdel au travers de son dernier né, "Le Secret de la force surhumaine". Intéressant et riche, ce roman graphique m'avait tout de même éreinté par son foisonnement et la profondeur de ses références, sans doute pas aidé par sa traduction.

"C'est toi ma maman ?" me donne l'occasion de revisiter une autrice qui fait figure d’icône. Et le résultat est à la fois tout aussi exigeant, bien plus digeste et passionnant ! L'angle avec lequel l'autrice tourmentée explore son rapport à sa mère est cette fois-ci plus éreintant pour elle que pour le lecteur : c'est par la recherche d'application de théories psychanalytiques ou de psychologie du développement (notamment de l'éminent Winnicott) à sa propre situation qu'elle construit le portrait attentif et tendre d'une mère distante et intime et à la fois. J'ai appris beaucoup de ce roman graphique passionnant.

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21 avril

La tâche n'est pas mince au moment de retracer l'histoire d'une discipline qui, pour jeune qu'elle soit par rapport à d'autres sports antiques, n'en demeure pas moins foisonnante et peu cadrée jusqu'à il y a trente ans à peine. Catherine Destivelle, véritable héroïne française de l'escalade et de l'alpinisme, et son équipe, s'y attèlent avec un certain succès.

En fait, "Il était une fois l'escalade" n'est pas une BD exceptionnelle : le dessin y est strictement illustratif, peu personnalisé et la DB est d'une densité d'informations extrême, très difficile à suivre pour le novice malgré des annexes assez pédagogiques. Mais elle réussit ce qu'elle entreprend en donnant envie de se pencher (encore plus en ce qui me concerne) sur l'univers et la communauté qu'elle décrit, laquelle relève des défis d'un rare engagement. S'il n'est pas exploré avec autant d'ardeur que je le souhaiterais (ce n'est pas vraiment le sujet), le rapport si ambivalent des grimpeurs à la vie (physique et spirituelle) et à la mort, au succès et à l'échec, à la préservation et à la dégradation de l'environnement, est dessiné et rendu palpable par les lignes des destins des centaines de protagonistes dont les accomplissements sont ici contés.

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1er avril

Si le texte de Khalil Gibran m'a de fait beaucoup ému pour sa profondeur, la mise en image par Zeina Abirached n'atteint à mon sens qu'en partie les objectifs que l'autrice dessinatrice se fixe au début du roman graphique. Il y a bien un certain rythme donné au texte, une respiration méditative qui permet peut être de l'apprécier à sa plus juste valeur. Il y a certainement déjà le fait de vulgariser cet auteur du Levant si important pour la communauté libanaise. Mais le dessin d'habitude si astucieux d'Abirached m'a semblé ici accessoire et superflu, sans profondeur. Une petite déception quand on sait que l'autrice est probablement l'une de mes préférées.

Mais je relirai Gibran avec plaisir.

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21 mars

Ce deuxième tome des aventures de Tulipe m'a bien moins enlevé que le premier, ou que le spin off Eden. Cela tient sans doute à des vérités moins franches dans la fable que tisse patiemment Sophie Guerrive.

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3 mars

C'était il y a vingt ans déjà et "Poulet au prunes" était déjà l'avant dernière BD de Marjane Satrapi qui, après "Persepolis" ou "Broderies", n'en finissait pas de tirer une matière féconde de son histoire personnelle. Ce récit sur la vie du grand-père est un hommage drôle et tendre à l'aïeul, mais aussi une manière de souligner un rapport au monde disparu, où l'âme tient au corps par les passions qu'elle nourrit et qui donnent du sens à son existence. Satrapi érige avec poésie la figure d'un artiste comme une enveloppe habitée par son art, sans lequel il n'est plus tout à fait apte à vivre.

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25 février

Avec une économie de moyens picturaux qui ne trahit pas son propos, et donne même un certain charme à son récit, Emilie Plateau revient sur l'histoire de Claudette Colvin, pionnière à son corps défendant du mouvement des droits civiques des noirs américains. Le récit et le dessin manquent un peu d'envergure, mais ils réhabilitent une femme oubliée. Ce n'est jamais vain.

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22 février

L'histoire convenue, dans un dessin que j'apprécie peu, d'une jeune femme en quête de sens. Les personnages sont des clichés de bienveillance. Cela ne fait pas de mal, mais ne m'a pas convaincu.

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19 février

Je dois désormais vieillir avec l'idée que les idoles d'aujourd'hui, stars incontestées de leur art et reconnues comme telles de leur vivant, raisonneront dans un siècle et demi au plus comme un air de déjà vu, ou entendu, ou prononcé en lisant la plaque d'une place de centre-ville. Sarah Bernhardt, dont le nom me dit, aussi longtemps que je me souvienne, "quelque-chose", illustre ce cruel paradoxe de l'histoire. Sa remise en lumière sous la plume et le crayon d'Eddy Simon et Marie Avril m'a donc de suite attiré l'oeil.

Elle a embrassé bien des combats, embrasé bien des imaginaires, côtoyé et inspiré les plus grands auteurs et penseurs de son époque, mais il est éloquent de constater que sa figure a disparu derrière la carrure de ces hommes. La BD "Divine", qui se présente comme une série d'épisodes de la vie de l'excentrique, engagée et volontaire actrice, rend compte de la richesse de son parcours et, en creux, du sexisme de l'Histoire comme discipline des sciences sociales. Qu'une femme pareille ne soit pas ou plus ou peu enseignée traduit un malaise et une perte immense.

Revenons à "Divine" : ce roman graphique m'a fait osciller entre enthousiasme et indifférence, même s'il rend compte avec finalement assez de précision de ce qu'a dû être la vie de cette formidable actrice.

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12 janvier

Pas mal cette collection "Sociorama" qui met en contact des sociologues ayant travaillé sur des études et des bédéastes motivés pour les illustrer. L'originalité du dispositif est qu'on échappe au biais habituel (ma marotte diront mes lecteurs assidus) que rencontrent généralement les œuvres de ce type : celui de renvoyer le dessin à une illustration du propos scientifique.

Ici, Singeon n'illustre pas les travaux de Jennifer Bidet sur le rapport des français.e.s d'origine algérienne au pays d'origine, notamment dans le cadre du traditionnel "retour au bled" estival : il crée des intrigues propres, des personnages fictifs qui mettent activement en scène les situations décrites par la chercheuse. Le résultat est réussi, drôle, varié et les enjeux bien mis en évidence. Seul regret, d'importance mais pas primordial : je ne suis pas sûr que l'autrice et l'illustrateur soient d'origine algérienne, ce qui altère un peu l'appréciation que j'ai de la justesse de leur propos ou de leur mise en dessin.

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25 janvier

"Commando Culotte" est un recueil de posts de blog des débuts Mirion Malle dédié à l'analyse de certains aspects du sexisme ou à la représentation des genres dans des œuvres ciné ou télé. Si le dessin est délibérément moins fin que dans ses œuvres suivantes, dédiées au support papier, l'analyse des phénomènes sexistes montre que la jeune autrice-dessinatrice a déjà une compréhension poussée et référencée de son sujet. Certains articles font preuve d'une belle pédagogie et le tout est illustré avec beaucoup d'ingéniosité.

Cependant, certains choix d'analyse m'ont paru peu porteurs, notamment certaines romcoms ou séries qui n'ont guère laissé de souvenirs à la postérité. Le commentaire n'a pas toujours la même profondeur, se contentant parfois d'une liste des pros and cons. J'ai donc trouvé que le dispositif restait plus approprié pour un blog que pour une BD, ce qui n'enlève rien au message fort sans cesse rabâché par l'autrice : variez les représentations féminines dans vos productions, purée.

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10 janvier

Très chouette BD menée de bout en bout par un collectif de femmes paysannes, "Il est où le patron ?" ne se contente pas de représenter le travail des femmes dans des métiers, des territoires et des cultures où elles sont encore perçues comme une anomalie. Elle va plus loin en proposant une fiction autonome, synthétique et intersectionnelle, accomplie. Le récit autour des trois personnages de paysannes fonctionne bien et ne disparait pas sous la douloureuse litanie des micro-agressions sexistes et procès en incompétence que les autrices cherchent à illustrer. Elle donne à voir le courage et la solidarité de ces femmes qui essuient en outre le dédain qu'inspire souvent leur profession. Le résultat est d'autant plus réussi qu'il est le fruit patient d'un travail collectif de bout en bout, qui aurait pu faire vaciller le propos par sa recherche permanente de compromis. C'est en plus très drôle et tendre, foncez !