N'étant pas habitué aux jeux en 3D, aux nouveaux environnements, aux incroyables évolutions des graphismes, j'ai été émerveillé par la beauté des textures, la finesse des détails, l'ampleur de la demeure des Finch. Le chemin boisé qui mène à la maison des Finch est beau. Le dernier chemin boisé que j'ai emprunté était celui de Silent Hill, avec son brouillard, ses arbres morts et les bruits de pas pesants. La nature y était également présente, les bruits de pas résonnent encore.

Dans WRoEF, la forêt est luxuriante, on reconnaît les plantes et les arbres, on cherche la trace d'un crapaud, on regarde les oiseaux, on suit le fil d'une rivière jusqu'à la demeure. Une maison qui semble extraite d'un film de Tim Burton ou bien du court-métrage d'animation "La Maison des cubes" de Kunio Kato. Un empilement de cubes à arpenter pour découvrir l'étrange histoire des Finch. La porte d'entrée est fermée : c'est une maison dont il faut forcer l'entrée, qui ne se laisse pas révéler facilement.

Des portes fermées, il y en a beaucoup à l'intérieur de la demeure. Les portes des chambres des membres de la famille Finch, scellées par la mère de l'héroïne pour chasser une malédiction qui pèse sur la famille. C'est en contournant ces obstacles que les histoires des étranges circonstances qui entourent la mort de chacun des Finch nous sont dévoilées.

Une histoire qui se déroule sur un siècle, depuis l'immigration de l'arrière-grand-père Odin jusqu'à nous, en 2016. Chaque mort révèle une période de l'histoire des États-Unis (le jeu se passe dans l'État du Washington). Les années folles, la guerre puis la guerre froide, les années 80 jusqu'à nos jours.

Chaque histoire familiale est amorcée par un carnet dans lequel on plonge pour vivre en vue subjective les derniers instants de chacun des Finch. Ces moments sont des prétextes à des gameplay bien étranges. À chacun le sien, les règles changent d'un membre des Finch à l'autre. L'image peut changer également, évoquant le monde des comics book cheap, les photographies de mauvaises qualités, etc. À chaque fois, les univers sont fantastiques, ils épousent l'époque et la philosophie du personnage dont on raconte l'histoire. Walter, l'ouvrier qui travaille à la conserverie, son progressif dédoublement de la personnalité est incarné par deux mondes autonomes qui se juxtaposent dans lesquels on évolue avec les deux joysticks. Le joystick gauche nous fait évoluer dans le monde imaginaire de Walter, un monde féerique dont il est le Roi. Le joystick droit nous fait contrôler sa main droite qui effectue un travail mécanique : celui de couper des têtes de saumon de façon machinale. Rêve d'évasion, aliénation... Le rêve prend le pas sur le quotidien morose de Walter et finit par l'engloutir totalement.

Cette approche de game design permet à chaque mini-jeux de raconter une histoire par analogie. Une fois la figure épuisée, un nouveau gameplay et une nouvelle histoire prennent la relève tout ça d'une façon très chapitré où chaque nouvelle histoire d'un membre nourrit l'histoire plus vaste de la famille de laquelle transparaît, comme en filigrane, celle des États-Unis.

Cette manière de raconter m'a beaucoup fait penser à Cent ans de solitude de Gabriel Garcia Marquez que j'ai lu juste avant et qui semble avoir été une référence importante dans l'élaboration du jeu. La structure est similaire : la fiction, plus réelle que la réalité elle-même, peut même aller jusqu'à l'engloutir. La magie sert à raconter l'histoire des Etats-Unis. Un personnage sert de témoin : Ursula Buendia dans Cent ans de solitude, Edie Finch dans WRoEF. Et forcément : une malédiction originelle qui frappe les Buendia et les Finch. Les comparaisons s'arrêtent là cependant. Gabriel Garcia Marquez raconte l'histoire de la Colombie, WRoEF celle des Etats-Unis, deux histoires bien différentes. Marquez renverse l'ordre de la réalité : les faits historiques semblent irréels, les mythes et les légendes sont réels. Dans WRoEF, la frontière entre réel et imagination est plus floue. Quelque chose de Tim Burton s'en dégage. Difficile de s'extraire de cette influence qui façonne l'image des Etats Unis dans le monde entier. C'est aussi une histoire de la littérature fantastique américaine qui se présente à travers chacun des chapitres j'ai l'impression (pour ce que j'en connais) : Allan Edgard Poe, Stephen King, Lovecraft, probablement d'autres. Les références sont nombreuses, mais ne fusionnent pas.

La seule chose qui me gêne est le curieux choix de tracer un chemin unique pour le joueur. La maison est montrée comme tortueuse, foisonnante, pleine de secrets et de chemins de traverse. Pourquoi alors construire un rail ? C'est moins un défaut qu'un regret. J'aurais voulu qu'à l'image de l'hôtel de Silent Hill, la maison continue de vivre, qu'elle ne soit pas un décor que l'on traverse en s'extasiant. Est-ce que ce choix révèle l'approche très littéraire de WRoEF ? Un jeu où les portes sont des livres... Peut-être aussi qu'à nous laisser explorer la maison librement, la généalogie aurait été brisée, et il était peut-être important de préserver une continuité temporelle pour explorer les différentes facettes des Etats-Unis. Je regrette malgré tout, mais il s'agit d'une opinion personnelle qui n'enlève rien à la somptuosité du machin.

Erel-c
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le 26 nov. 2023

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Erel c

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