Jeu terminé en ~30h - Critique garantie sans spoilers.


L'histoire de Vampyr a ceci de particulier que c'est un titre développé par un studio français qui prend de l'ampleur : Dontnod. Connu pour l'énorme succès de son jeu narratif Life is Strange, le petit studio parisien a fait le pari audacieux de transposer son savoir-faire quand il s'agit de raconter une histoire dans un jeu avec une dimension action, chose qu'il n'avait pas faite depuis Remember Me. Si l'intention intrigue, une fois le jeu en main, difficile pourtant d'affirmer que Dontnod a entièrement rempli son cahier des charges.


A peine éveillé à sa condition de vampire non-désirée, voila que votre personnage, le docteur Jonathan Reid, fait sa première victime : sa pauvre sœur. Épouvanté par le monstre qu'il est devenu, le bon docteur n'aura alors à cœur que de trouver son créateur pour lui demander des comptes. Mais voila, dans une Londres du début du 20e siècle, en proie aux vampires et à la grippe espagnole, trouver ces informations requière avant tout de se faire des alliés. C'est ainsi que, par la force des choses, le docteur Reid se voit proposer un poste à l’hôpital du coin, par un administrateur qui n'ignore si sa véritable nature, ni ce qui semble se tramer au plus profond des entrailles de la ville... Votre mission est alors toute trouvée : il va falloir arpenter les rues infestées de vampires de seconde zone, rencontrer les habitants et surtout écouter ce qu'ils ont à dire. Car dans Vampyr, votre plus grande qualité sera votre écoute... Si tant est que vous ne décidez pas plutôt de grignoter tout le monde sur votre passage.


On le comprend dès les premières minutes : le jeu nous laisse le choix d'embrasser complètement notre condition de vampire ou, au contraire, d'être pacifiste et de laisser en paix les pauvres âmes qui habitent Londres. Toute votre expérience de jeu sera alors définie par ce choix : la voie sanguinaire vous octroiera des points d'expérience à ne plus savoir quoi en faire ainsi qu'un bon nombre d'armes, mais fera également sombrer les quartiers les uns après les autres, vous privant généralement des quêtes annexes des habitants. A l'inverse, la voie pacifique vous empêche de profiter des sacs à expérience que sont les Londoniens mais les laisser en vie vous permettra de découvrir leurs histoires, leurs relations et de les aider à résoudre leurs problèmes. En théorie, vous pouvez terminer le jeu quelle que soit la voie choisie, voir même en faisant un entre-deux. En pratique pourtant, si la morale du héros encourage à la voie pacifique, c'est en fait le chemin le plus difficile pour arriver au bout du scénario.


En effet, se priver d'un source d'expérience est une chose, mais Vampyr a presque oublié une leçon essentielle de gamedesign : l'équilibre. Par exemple, si étreindre un habitant pourra vous octroyer une moyenne de 2500-3000 points d'expérience, tuer un vampire dans la rue (qui ne compte pas comme un "meurtre") ne vous octroiera que 5 malheureux points... Bien évidemment, plus vous montez en niveau et débloquez des compétences (à la fois défensives, offensives et curatives, indispensables), plus il vous faudra de points pour continuer. Et autant dire qu'en pacifiste, l'expérience vous fera toujours défaut, et ce, même en prenant le temps de faire toutes les quêtes des habitants, autre source de ces précieux points. Il ne sera alors pas rare dès les premiers chapitres d'être constamment en sous niveau, ce qui peut encore être gérable dans les rues mais devient plus que problématique devant les quelques boss de l'aventure. Il vous faudra alors apprendre (presque par cœur) les pattern de chacun et bien adapter votre technique et vos armes aux situations. Sauf que là encore, vous vous retrouvez bien vite privé d'une grande partie des armes du jeu, souvent détenues par des habitants qui ne vous les laisseront qu'en rendant leur dernier souffle... Reste alors à compter sur les remèdes que vous pouvez crafter tout au long du jeu (à condition de fouiller partout pour trouver les ingrédients nécessaires), remèdes qui disparaitront bêtement de votre inventaire si vous les utilisez contre un boss et perdez face à lui... Double peine !


Mais si ces combats de boss sont (heureusement) peu nombreux, c'est parce que le jeu se concentre sur sa narration et ses personnages. Au nombre d'une grosse quinzaine dans chacun des 4 quartiers de la ville, ils sont souvent liés les uns aux autres par des quêtes mais aussi par des secrets qu'il vous faudra découvrir. Un dialogue pourra alors débloquer un indice sur le personnage en question ou sur un autre, qui mènera à son tour à un autre indice et ainsi de suite. Trouver tous les indices sur les habitants permet de débloquer des points d'expérience mais constitue surtout le cœur du jeu grâce à de très (parfois trop) nombreux dialogues dont vos choix influeront parfois l'issue. Vous passerez donc de nombreuses heures à discuter à droite à gauche avec des personnages bavards mais malheureusement... tous plus laids les uns que les autres. En effet, en plus de pécher par une courbe de difficulté mal gérée, Vampyr ne brille pas par ses graphismes qui accusent clairement un manque de technique et donnent l'impression d'avoir été réalisés sur la précédente génération de consoles. Si les personnages sont ceux qui souffrent le plus à cause de leurs visages trop rigides qui manquent affreusement de vie, les décors ont bénéficié d'un peu plus de soin et transpirent cette ambiance lourde et glauque propre au jeu. Néanmoins, la palette de couleurs est maigre et les effets d'éclairages ne sont pas ce qu'il se fait de mieux actuellement, et on grimacera souvent devant une qualité globalement décevante.


Vampyr est plein de bonnes idées et de bonnes intentions. La maîtrise de Dontnod concernant la narration et les intrigues à embranchements multiples n'est plus à prouver. Malheureusement, aux côtés des AAA tous plus entreprenant les uns que les autres, le jeu souffre de ses mécaniques encore trop immatures pour véritablement briller. Il reste une expérience intrigante à découvrir, sans doute prélude à de futurs jeux qui sauront apprendre de ses quelques erreurs de jeunesse.

Ritz
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le 18 août 2019

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