Des sous-Uncharted. Des AAA sans âme. Ce que l’industrie fait de plus formatés. Tels étaient les retours que j'avais entendu sur les opus de la trilogie "survivor" mettant en scène la belle archéologue. Je m'étais donc lancé dans ce Tomb Raider (peu après l’avoir récupéré gratuitement, comme le reste de la trilogie, sur l’EGS) avec assez peu d'espoir, d’autant plus que le titre date de près de 10 ans. Et ce fût génial.


Certes, il s’inspire fortement - voir plagie, par moments - des aventures dans les terres inexplorées de Nathan Drake, notamment du 3e opus, sorti 2 ans plus tôt. Mais plutôt qu’une pâle copie, on a le droit à une version retravaillée et (j’ose le dire!) plus réussie : le studio a eu l’intelligence de s’inspirer des qualités de la franchise de Naughty Dog (pacing, world building, "waow" effect…), tout en améliorant certains points.


Le gameplay déjà, légèrement complexifié par des mécaniques de light-RPG, permettant de renouveler les situations là où les possibilités offertes par Nathan Drake deviennent vite répétitives. Le level design aussi, qui s’ouvre un peu plus pour encourager l’exploration et s’adapter aux nouvelles mécaniques nécessitant du loot. Le gamefeel surtout, toujours fluide, toujours agréable, toujours équilibré, que ce soit pendant les sauts, l’escalade, mais surtout les combats : enchaîner à la volée les vagues d’ennemis n’a jamais été aussi jouissif dans un jeu de ce genre.


Même ce que le jeu reprend des AAA de l'époque est intelligemment mis en œuvre :

- la "vision de l'aigle", certes pas forcément utile, a le mérite de se stopper automatiquement dès que l'on bouge, évitant ainsi de passer la moitié du jeu avec ce filtre peu esthétique activé (aka syndrome “aéroport” de Batman Asylum”;

- le loot, qui permet d'améliorer son équipement, apporte un peu plus de profondeur au jeu sans être envahissant, puisqu'on ne ramasse qu'une seule ressource;

- enfin la fameuse dissonance ludo-narrative, bien connu chez Naughty Dog, est ici intégrée au scénario, donc amenuisée, par une Lara Croft consciente de son extrême violence. Violence rendu d'autant plus acceptable qu'en plus de prendre pour cibles des fanatiques (il faut éviter les remords tout de même), elle est dépeinte, très graphiquement, comme nécessaire : ici, c'est tuer ou être tué (et la 2e option n'est jamais très agréable pour le joueur).


Même les collectibles, fléaux des grosses productions modernes, sont ici biens dosés : récompensant l'exploration sans nécessiter des heures de recherches, ils donnent un peu plus de profondeur au scénario sans ruiner l’expérience globale, que ce soit par des items de l'époque ou des notes contextualisant l'action.


Une seule ombre au tableau : la difficulté. Car le jeu, même en difficile, est bien trop simple. La faute sans doute plus à une exigence de rentabilité (et donc une nécessité d’accessibilité au titre bien plus étendue) qu’à une mauvaise IA, qui reste malgré tout assez faible. Mais, étonnamment, ce problème devient vite une qualité : s’il m’a fallu renoncer à une partie de l’arsenal proposé (pour un peu de challenge, seul l’arc et le pistolet ont été utilisé), cette facilité m’a permis d’enchaîner headshots avec fluidité, sans jamais de pauses, d’arrêts ou de morts frustrantes. Et ainsi, virevoltant de l’escalade au combat, du combat à l’escalade, le jeu délivre une expérience qui ne s’arrête jamais, une cinématique ininterrompue, aussi impressionnante qu’un QTE mais véritablement jouée ici, permettant d’expérimenter le flow idéal, ce flot continu de sensations intenses.


Comme lorsque, à couvert dans un couloir, canardé par trois fanatiques, dont un, à l’avant, équipé d’un bouclier incassable, je trouve la faille dans ce genou à peine révélé derrière la protection, profitant de l’avoir déstabilisé pour atteindre sa tête dorénavant à découvert, avant de disposer de ses deux camarades de la même manière. 4 balles, 3 morts, 2 secondes, et un de ces moments mémorables, qui font date dans la vie de joueur.


Du reste, Tomb Raider est un jeu maîtrisé sur la forme : les graphismes, non évoqués jusque là, sont suffisamment solides pour qu’un simple mod reshade les rendent à nouveau très agréable près de 10 ans après la sortie, que ce soit dans les animations, dont la réussite participe à ce sentiment de fluidité précédemment évoqué, ou dans les jeux de lumières (améliorés par ce fameux reshade) qui enrichissent une DA un peu fade et des environnements qui, eux, reste tout de même en deçà de la saga concurrente.

Patchwork de ce qui se fait de mieux, cette aventure est un plaisir total, un plan séquence inarrêtable, un roller coaster impressionnant qui maîtrise à la perfection rythme et gamefeel, et, s’il n'évite pas dans les clichés des AAA classiques (collectibles, light-RPG, vision de l’aigle, …), réussit étonnamment à n’en prendre que le meilleur, transformant ses faiblesses en qualités pour délivrer une expérience marquante.


On pourra regretter que les suites, illustrant à merveille que “le plus est l’ennemi du bien”, auront préféré ajouter du superflu au risque de briser ce fragile équilibre, véritable réussite de ce jeu.


Otozno
9
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Créée

le 6 févr. 2023

Critique lue 4 fois

Otozno

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