Je suis en général assez tolérant dans ma notation. Mais parfois, il y a des limites à ne pas franchir… que The Walking Dead : Survival Instinct enfreint allègrement. Non pas que cette adaptation de la série télévisée soit d’une nullité insondable… mais plutôt que tout y respire le vite-fait mal-fait.


Concrètement, les développeurs ont eu l’idée (plutôt pas mauvaise sur le papier) de faire une préquelle à la série télévisée d’AMC. Le jeu vous fait vivre l’expédition de Daryl et Merle Dixon (les deux frères bouseux Rednecks de la série) pour fuir les rôdeurs de leur trou de Cabot Ridge jusqu’à Atlanta où ils rencontreront le groupe de Shane et Dale dans la série. Vous allez ainsi vivre la mort du père et de l’oncle des deux frangins au début du fléau, leur retrouvaille et leur fuite en avant vers Atlanta pour atteindre un des nombreux camps de réfugiés. Sous forme de road-movie (étant précisé que vous ne pouvez étrangement conduire à aucun moment), vous allez ainsi errer de bled paumé en bled paumé pour tenter de rejoindre la civilisation, à la recherche de vivres, d’armes et de bidons d’essence. Le tout sous forme de survival-FPS façon Zombie U.

Voilà pour la théorie. En pratique, la mise en œuvre oscille entre le médiocre et le très moyen. La réalisation va tout d’abord immédiatement agresser vos yeux avec un jeu qui a l’apparence d’un titre de transition PS1/PS2 avec un lissage HD featuring « effet plastoc » des premiers titres Xbox 360. Les zombies sont laids à crever et se ressemblent tous, les décors vides et moches la plupart du temps (des couleurs jaunasses et maronnasses partout en extérieur, sans doute pour simuler le soleil de plomb qui assomme la plupart des trous perdus visités). Le sommet est atteint avec la végétation immonde et les arrière-plans façon « papier peint Nintendo 64 » quelques mètres derrières les quelques arbres modélisés… pour faire naître l’illusion de forêts ou de champs. Le jeu sort parfois un peu la tête de l’eau… mais ça reste très rare (les décors en intérieur ou de nuit s’en sortent un poil mieux tout en restant au niveau du minimum syndical). Le budget réalisation semble en fait s’être uniquement focalisé sur la modélisation des visages de Daryl et Merle.

Quant à la maniabilité, c’est bien simple, Daryl semble se traîner comme un tank… même quand on court. À tel point que les zombies censés être lents vous rattraperont au moindre faux-pas ou erreur de trajectoire ; augmentant artificiellement la difficulté (déjà pas toujours bien dosée avec des checkpoints parfois mal placés et un peu trop éloignés). Et que dire des affrontements avec les zombies… Si le jeu s’en tire à peu près convenablement pour les combats à distance (avec les armes à feu ou l’arbalète) ou rapprochés (couteau, hache, machette…), cela tourne à la torture au corps à corps si vous avez le malheur de vous faire attraper. Dans cette situation, un QTE lourd et pénible se déclenche vous forçant à aligner un réticule capricieux avec la tête des zombies et d’appuyer sur ZR. Et ainsi de suite (en perdant progressivement de la vie) pour chaque zombie qui n’aura pas manqué de s’agglutiner à la masse. Autant dire que la scène vire assez vite à la tournante façon « dans une cave à Bobigny »… la mort étant de surcroît la plupart du temps au rendez-vous si les zombies sont trop nombreux.

Dernier défaut, lors des trop fréquentes pannes d’essence ou en raison de batterie à plat, le jeu vous forcera à vous arrêter au bord de la route entre deux missions dans un petit niveau générique (qui revient systématiquement…) composé d’un parking, d’un drive-in miteux et d’un chalet à la recherche de bidons d’essence ou d’une batterie de secours. Parfois, c’est un garage station-essence ou une allée pavillonnaire qui viendront « égayer » cette répétitivité. Les développeurs ne se sont vraiment pas foulés… d’autant que ces séquences n’apportent rien, à part casser le rythme déjà pas bien vif du titre de Terminal Reality (on s’arrête jusqu’à trois fois entre deux missions !!). De quoi rallonger en tout cas artificiellement la durée de vie du jeu qui comporte 11 missions (dans des niveaux pas bien grands en général) lors du premier run. Cela a au moins le mérite d’abréger vos souffrances (comptez 6 à 8 heures environ si vous ne faites pas trop d’erreur et ramassez régulièrement des bidons d’essence pour éviter les arrêts forcés).

Dans cet océan de médiocrité, le jeu tire néanmoins parfois son épingle du jeu. Ce constat frustrant montre d’ailleurs surtout que si quelques bonnes idées étaient au rendez-vous, les développeurs n’ont visiblement eu ni le temps, ni les moyens financiers, ni la maîtrise technique pour les mettre en œuvre. L’idée de recourir à une préquelle est tout d’abord intéressante : certes, le scénario et les dialogues sont anémiques… mais le jeu a au moins le mérite de développer a minima l’univers post-apocalyptique de The Walking Dead. Le jeu pousse au moins le joueur à faire l’effort d’aller au bout pour voir comment Daryl et Merle ont rejoint Atlanta. N’espérez en revanche pas en apprendre plus sur leur rencontre avec Shane et les autres vu que le jeu se termine brutalement (un DLC avorté était prévu ?) dans le camp d’évacuation du Firesign Stadium d’Atlanta. Il manque donc un chaînon dans la trame scénaristique pour faire totalement le lien avec la série. C’eût été trop beau…

Autre point qu’on ne pourra pas retirer à Survival Instinct, il retranscrit assez bien l’aspect survie et les combats contre les rodeurs tels qu’on peut les voir dans la série. S’agissant des armes à utiliser tout d’abord, le jeu vous incite fortement à rester discret et à laisser de côté les armes à feu : d’une part les munitions ne sont pas très nombreuses, d’autre part utiliser un fusil ou un pistolet rameutera la plupart du temps des zombies en plus grand nombre encore (la situation devenant alors ingérable…). Vous serez donc vite amené à privilégier un nettoyage de loin au fusil à lunette (quand le level design le permet) mais surtout la furtivité et le combat rapproché au couteau, à la hâche ou à la machette. De même, il faudra être économe avec les boissons énergisantes et les rations pour rebooster sa barre de vie à l’ancienne. La tension est parfois bien retranscrite également, que cela soit lors de quelques rares moments de flippe avec sursauts à la clé (la nuit, dans l’hôpital de Cleburne, notamment) mais aussi de tension (lorsque l’on est submergé par les zombies devant le cinéma de Fontana, par exemple).

De même, l’idée de pouvoir sauver des survivants et de les incorporer à votre équipe ne serait pas mauvaise en soi et apporte un petit côté stratégique (envoyer tel ou tel perso aller chercher des vivres, des munitions ou de l’essence et l’équiper de l’arme la plus adaptée)… si ceux-ci n’étaient pas si manchots (ils crèvent souvent et vous font perdre la précieuse arme que vous leur aviez confiée).

On soulignera aussi les embranchements sur la carte qui permettent de choisir sa destination, ouvrant la voie à un second run pour visiter les lieux qui n’ont pas été explorés (5 missions s’ajouteront alors aux 11 initialement choisies. Ce choix a un double avantage : cela permet d’abréger les souffrances des joueurs juste venus pour voir la fin du jeu… et les masochistes trouveront de quoi doubler la durée de vie du jeu par un second run. Champagne !

Enfin, la version Wii U a le mérite d’utiliser le Gamepad de manière fonctionnelle (à défaut d’afficher une carte ou de proposer des options innovantes…) avec l’affichage des objectifs et surtout de l’inventaire complet qui permet de changer d’arme ou de se soigner à la volée sans passer par les raccourcis manette forcément plus limités et fastidieux. C’est toujours ça de pris…


Au final, si vous n’avez pas vu la série ou n’envisagez pas de le faire, il est encore temps de fuir ce titre médiocre de Terminal Reality (et de son bien nommé moteur maison, l’Infernal Engine) et de lui préférer Zombie U sur Wii U. Pour les autres, si l’on ne pourrait décemment pas le recommander, il n’est pas totalement exclu que la curiosité vous pousse à terminer le jeu ; celui-ci n’étant heureusement pas totalement désagréable à parcourir, du moins dans sa deuxième moitié ; le plaisir d’approfondir a minima le background de The Walking Dead aidant. Mais soyez prévenus, même à 15 €, vous risquez d’être déçus (60 € prix public à la sortie, seriously Activision… de qui vous moquez-vous ?) tant le jeu de Terminal Reality pue le titre de commande opportuniste vite-fait mal-fait pour piéger les fans de la série. Et oui, une intro réussie avec le générique de la série et les voix officielles des acteurs américains ne suffisent pas à faire un bon jeu…
marchiavel
4
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le 14 oct. 2013

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marchiavel

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