Comment succède t-on à un jeu qui, qu’on l’ait aimé ou non, fut si important pour son médium ? Le poids de la couronne engendrant les larmes du royaume... En créant leur open world de la débrouille avec Breath of the Wild, Nintendo avait démontré qu’il y avait une autre façon d’aborder l’espace offert par un monde ouvert que de trimballer le joueur d’un marqueur de quête à un autre. Quête solitaire dans un royaume d’Hyrule post fléau, le jeu a offert des souvenirs indélébiles aux joueurs qui auront totalement embrassés la proposition de 2017. C’est finalement le choix de la suite directe qui a été retenu, annoncé via un trailer des plus énigmatique et disons le, des plus enthousiasmant (la musique inversée ne m’a jamais quitté depuis). « La suite de Zelda Breath of The Wild est en développement » concluait la bande annonce. Il n’y avait pas d’affirmation plus vraie que cette simple promesse.

LE 3615 MA LIFE

J’ai depuis quelques temps pris l’habitude de m’isoler complètement de toute forme de réseaux lors de la sortie d’un jeu que j’attends tout particulièrement. Je masque des sujets, je réduis mes passages au strict minimum sur mes profils (hormis ici car mes éclaireurs triés sur le volet sont tous civilisés et savent étayer leurs avis sans divulgacher, cœur sur vous). Symptomatique de l’époque, la sur-réaction et la dictature de l’immédiateté engendrent tout un tas d’avis écrit à la hâte en visant la punchline qui grattera le plus de réactions. Un petit jeu dont je me suis lassé à tel point que juste les lire avait finit par grignoter mon propre plaisir. (Je n’avais pas écrit de critique depuis presque un an…) Disparaitre pour découvrir une œuvre seul avec un regard qui n’est ni influencé ni biaisé par le bruit médiatique, c’est un plaisir et un vrai luxe. Constater à posteriori les réactions du tribunal twiteresque c’est la confirmation que cette méthode de découverte coupée de tout n’en est que plus saine.


LA MOMIE

Alors qu’ils exploraient les sous sols du château d’où semble provenir des miasmes rendant les gens malades, Zelda et Link finissent par trouver une momie maintenue captive par un étrange bras. C’est évidemment pile à ce moment qu’elle arrive à se libérer faisant chuter Zelda dans les profondeurs insondables et que Link grièvement blessés, est sauvé in extremis par cet étrange bras qui maintenait prisonnier la momie plus tôt. Une fois n’est pas coutume, c’est à ce moment que Link ouvre les yeux…


I GOT THE POWER

J’ai donc commencé mon périple comme vous sur les Iles Célestes du Prélude. Un tutoriel plus long que celui de Breath of the Wild et son plateau du Prélude qui va nous initier aux nouveaux pouvoirs de Link. Adieu les bombes, Cinetis, Polaris et Cryonis. Bonjour Amalgame, Emprise, Infiltration et Rétrospective.


- Amalgame (Combiner des éléments pour créer des armes de fortune)

- Emprise (Combiner des éléments pour créer des structures / véhicules)

- Infiltration (Pénétrer les plafonds afin de se hisser au niveau supérieur)

- Rétrospective (Inverser le cours du temps d’un objet en mouvement)


Ça n’en a peut être pas l’air mais c’est bien par le changement de ces 4 pouvoirs que toute la philosophie du jeu va être redéfinie. Si les pouvoirs du premier permettaient de se familiariser puis de maitriser l’incroyable moteur physique du jeu, dans Tears of the Kingdom c’est l’invitation à expérimenter qui est au cœur de l’expérience. Une dimension crafting qui sera peut être l’un des premiers points de discorde pour des joueurs n’ayant ni le temps ni l’envie de s’investir dans ce genre de choses. Heureusement le jeu est suffisamment permissif pour que cela puisse être abordé de manière très superficielle et permettre tout de même d’atteindre son but. Apres tout une simple planche couplée à une turbine vous amènera aussi bien à bon port qu’un bateau plus sophistiqué. Mais il n’empêche que ce labo d’expérimentation entraine un rythme qui se veut tres différent de celui de Breath of the Wild. Le tutoriel est finalement assez représentatif de toute cette philosophie qui demande des pauses de réflexions, d’expérimentations avant de reprendre sa route.


RIEN NE SE PERD, RIEN NE SE CREE, TOUT SE TRANSFORME (TOUT S’AMALGAME ?)

« C’est un gros DLC pas un vrai jeu ». Je l’ai lu, vous l’avez surement lu, pire, vous l’avez peut être même écrit. Voyons les éléments que l’on retrouve effectivement dans cette suite et qui étaient déjà présent dans Breath of the Wild.


Ici ce n’est plus une terre nouvelle que l’on défriche, mais un royaume familier que l’on redécouvre. La carte est la même mais la topographie des lieux, elle, a bien changée. Beaucoup moins plate, La Hyrule de TOTK invite continuellement à user de nos nouveaux pouvoirs afin de pallier à ses changements. C’est également des changements climatiques qui demanderont comme toujours de s’adapter en termes d’équipement et d’organisation. C’est surtout pas mal de surprises quand on pensait connaitre Hyrule sur le bout des doigts. Pour ma part je n’ai pas rejoué à BOTW depuis sa sortie en 2017, revisiter ce monde six ans plus tard ne m’a donc posé aucun soucis, au contraire il a largement eu le temps de me manquer. Néanmoins je peux concevoir que quelqu’un qui aurait refait le premier jeu il y a un an ou deux pour préparer l’arrivée de TOTK puisse avoir un peu plus le sentiment de déjà vu en dépit des nombreuses nouveautés. (Si c’est le cas ne jouez pas à Yakuza, je connais mieux Kamurocho que mon propre village).


On découvre la carte comme par le passé via des tours de reconnaissances même si elles ont un peu évoluée mais je n’en dirai pas plus.


On retrouve également les sanctuaires, ils sont un peu plus nombreux qu’avant avec un total de 152. (120 au sol, 32 dans les airs). D’ailleurs j’ai trouvé qu’ils étaient plus intéressants que ceux du premier volet dans la globalité.


Enfin pour notre plus grand plaisir (NON), les Korogus sont de retour pour un total de 1000 noix. Lot de consolation (NON), aider un Korogu à rejoindre son ami en rapporte 2 d’un coup…

Le jeu conserve la direction artistique de BOTW marquant toujours plus sa filiation et sa nature de suite directe. Surtout quand on sait que les Zelda ont toujours marqué un changement visuellement et artistiquement d’un épisode à l’autre.


Le jeu conserve également son fabuleux moteur physique si riche en possibilités et qui n’a eu de cesse d’alimenter Youtube en vidéos incroyables depuis des années (et pour de nombreuses années encore comme en témoigne les déjà nombreuses créations loufoques offertes par le crafting de ce nouvel opus).


Le système de combat reste identique avec ses esquives offrant des contre attaques ralenties etc. Néanmoins l’arc profite de nombreuses possibilités stratégiques via l’utilisation d’objets permettant d’offrir des effets variés à l’impact. Des attaques élémentaires mais aussi d’éclairer une zone sombre lointaine, d’avoir une flèche autoguidée ou encore de rendre temporairement un ennemi agressif envers ses semblables… Les exemples sont tres nombreux… mais il faudra une fois encore expérimenter.


Ah et les armes cassent toujours. Mais grâce au pouvoir Amalgame il est bien plus aisé de s’en créer régulièrement. Une manière bien maligne de répondre à un des griefs fait à l’époque.


Alors mis bout à bout on peut effectivement prendre de dangereux raccourcis et s’esclaffer que « c’est la même chose ». Mais ça serai faire preuve d’un peu de mauvaise foi et de beaucoup de méconnaissance de game design tout de même. Le simple fait de pouvoir passer à travers les plafonds a du être un véritable casse tête à mettre en place en terme de level design. Je peux tout à fait comprendre qu’on ne l’aime pas, qu’on ai une impression de déjà vu, ou qu’on lui mette une mauvaise note. Le jeu est loin d’être une proposition pour tout le monde et on a un peu tendance à l’oublier sous couvert que ce sont des jeux extraordinaires et qui de facto devraient plaire à chacun. Mais si l’on pouvait faire des critiques légitimes, constructives et un peu argumentées, on s’en porterait tous mieux.


UNE AVENTURE EN 3 DIMENSIONS

Grande nouveauté de cet épisode, Link va pouvoir explorer Hyrule sur la terre mais également dans les cieux et sous terre. Il est d’ailleurs assez ahurissant de constater qu’une Switch puisse encaisser ces 3 strates d’open world le tout sans broncher la plupart du temps. Alors oui on voit bien où les coupes sont faites en termes d’affichage, de textures, de clipping etc, mais ça relève tout de même du prodige absolu. N’en déplaise aux junky digital foundry.


On constatera rapidement que le royaume céleste, par sa nature de royaume en ruine, n’équivaut qu’à des ilots et pas à une map à part entière. Cependant le royaume sous terre est lui tres vaste et repose sur une mécanique qui consiste à trouver les racines des sanctuaires d’Hyrule pour éclairer une portion de la carte. Il faut bien reconnaitre que son exploration peut être redondante si on y passe trop de temps mais comme activité « d’entre deux » ça se fait tres bien et ça varie les plaisirs. D’autant que ça restera une étape importante de votre voyage. En effet c’est majoritairement sous terre que vous trouverez le précieux Somnium, des pierres à échanger contre des cristaux qui seront eux-mêmes à échanger pour augmenter la taille de votre batterie (vous permettant d’utiliser vos véhicules craftés plus longtemps).


LE LACHER PRISE VIDEOLUDIQUE

Les sanctuaires, les temples, les puits, les grottes, les tours de reconnaissances, les korogus, les quêtes annexes, principales, les missions, les secrets, les défis… Il y aurait tellement à dire, à disséquer, à expliquer mais à quoi bon ? Il est quasiment impossible de tout voir dans Tears of the Kingdom. C’est un jeu qui demande un réel lâcher prise sur les reflexes purement typés « jeu vidéo » que nous avons. La notion de complétion, de tout voir, tout avoir. Il faut accepter de jouer pour vivre sa propre aventure sans pression, en se fixant ses propres objectifs. C’est typiquement le genre de jeu dont l’on discute avec des amis pour se raconter ce que l’on a découvert avec un sourire béat.


LE DIAMANT POLI

Mon ressenti est que globalement TOTK a su répondre a pas mal de reproches formulés à l’encontre de son prédécesseur.


Les armes qui cassent ? Amalgame permet de s’en fabriquer à la volée avec un peu tout ce qui traine.


Pas de vrais donjons ? Les donjons de TOTK sont bien meilleurs que ceux de BOTW, le chemin pour les atteindre étant parfois même encore plus mémorable que les donjons eux-mêmes.


Trop de Korogus ? Ah…. Euh…. (Je les tacles mais en réalité je les aime bien ces sales bêtes.)


Suis-je en train de vous dire que le jeu est parfait ? Bien sur que non. On pourrait par exemple citer le fait que le jeu est complexe à prendre en main puisqu’il utilise beaucoup de combinaisons de boutons pour permettre tout son panel de possibilités. Ou encore que le bestiaire, bien que plus varié, reste assez chiche avec ses colors swap pour chaque type de créature. Je pense que chacun aura un petit quelque chose à redire. Mais je trouve vraiment que tout cela est dérisoire au vu du reste.


Ce qu’il me parait important de se poser comme question c’est « peut-on lui reprocher de n’être qu’une « simple suite » (ça me coute de l’écrire tellement je ne le pense pas…) juste parce que l’on en attendait probablement trop ? ». Ces jeux dont l’attente est démesurée doivent composer avec des attentes tout aussi démesurées et aboutissent probablement à des déceptions démesurées. Mais il faut se rendre compte de ce que l’on a entre les mains. Un jeu qui conjugue tellement d’éléments avec un esprit jusqu’au-boutiste, le tout sur un des moteurs physique les plus impressionnant et permissif, un contenu gargantuesque, une DA soignée, du gameplay émergent en veux tu en voila… Non vraiment il faudra "peut être" des années avant d’en revoir un de cette trempe.


CONCLUSION

« La suite de Zelda Breath of The Wild est en développement »

Effectivement, comme dit dans mon introduction, il ne pouvait y avoir affirmation plus vraie. Suite directe qui reprend certains éléments, en introduit d’autres et emmène le tout encore plus loin, Tears of the Kingdom a à la fois le gout de nouveauté et de déjà vu. C’est ce qui provoquera probablement la scission dans l’opinion que chacun s’en fera. Pour ma part j’ai trouvé tout meilleur encore. La map me semble plus équilibrée avec moins de vide et nous emmenant sans cesse dans toutes les directions juste parcequ’un élément a attiré notre attention. Les donjons sont meilleurs. Le contenu est encore plus gargantuesque. Les possibilités sont infinies. Quand vient l’heure de refermer la page d’une si grande aventure on se demande comment il pourrait encore être possible d’emmener le jeu vidéo plus loin ? Pourtant peu fan des open world, Zelda réussit l’exploit une seconde fois de me faire aimer le sien. Ils sont peu à pouvoir en dire autant. D’ailleurs il n’y a bien qu’eux et un certain Elden Ring. Des jeux ogres qui dévorent notre temps, notre attention en ne laissant dans leurs sillages que de fabuleux souvenirs enfouis dans des larmes de dragons

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le 11 juin 2023

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Joo-Hwan

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