Cette critique contient des spoilers sur l'intégralité du jeu, il sera question graphismes, direction artistique, gameplay, scénario, narration et ainsi de suite... Je vous recommande amplement de l'avoir terminé dans son intégralité avant de continuer.
The Last of Us a été joué en difficile sur la playstation 3 de Sony (obviously).

Le jeu de Naughty Dog à qui on doit notamment l'excellente série Crash Bandicoot ainsi qu'Uncharted que je n'ai pas eu l'occasion de toucher, était attendue en grande pompe depuis l'E3 2012 où s'était présentée une oeuvre mature aux graphismes somptueux et à l'IA ennemis particulièrement réaliste et travaillée.
Un an plus tard The Last of Us fait l'unanimité auprès du public comme du monde de la presse vidéoludique. Beaucoup n'ont pas hésité à qualifier le jeu de "chef d'oeuvre" et certains le surnomment meilleur jeu de sa génération, ou encore la très jolie expression "baroud d'honneur de la ps3".
Il est vrai que Sony n'aurait pas pu rêver comme dernier set pour sa console avant la sortie de la ps4. En grand vainqueur de l'E3 2013, la firme japonaise est bien partie pour remporter la première manche de la guerre next-gen qui se jouera à Noël entre le rouge coca-cola et les rennes Canal +. Naughty a parfaitement compris ce qui pousse la démocratisation du jeu-vidéo -pour peu que ce terme ait un minimum de sens- et l'a appliqué avec brio.

The Last of Us débute sur une introduction réussie dans laquelle le joueur se voit contrôler Sarah, la fille de Joel, dont la courte espérance de vie ne fait aucun doute. Tout bon joueur un tant soit peu plongé dans la culture zombiesque, post-apo, ou fait le lien avec le personnage d'Ellie, comprend que Sarah est vouée à mourir dans les minutes qui suivent. Pourtant j'ai beau avoir joué cette intro trois fois il me semble, elle m'émeut toujours autant. La manière dont la petite fille change de posture, de ton et plus généralement d'habitude au fur et à mesure que l'on s'aventure dans la maison est excellente. Naughty Dog a su gérer son ambiance grâce à ces détails qui sont tantôt grossiers (les infos tv, l'explosion au loin) tantôt fins (le journal, le chien qui arrête d'aboyer) ; résultat à défaut de peur l'inquiétude n'est jamais loin.
Le reste se passe de commentaire, les cinq à dix minutes qui suivent sont essentiellement dramatiques et on échappe pas aux poncifs du genre : embouteillage sur l'autoroute, un carambolage... C'est attendu mais reste efficace. Joel essaye tant bien que mal de sauver sa fille à travers la pagaille générale et oui, le jeu sera game over si vous arrêtez de courir, c'est d'autant plus vrai un peu après le geste héroïque de Tommy (frère de Joel). C'est un détail et vous n'avez aucune raison de vous arrêter, mais c'est un détail important pour la crédibilité général du jeu.
Sarah meurt, une des bien rares fois où je ne suis pas enchanté de voir un de ces gamins souvent insupportable des jeux-vidéo ou du cinéma (indépendant surtout) mourir à l'écran. Difficile de ne pas être touché et The Last of Us peut enfin commencer.

20 ans plus tard Joel et Tess peuvent enfin dispenser leur tutoriel au joueur, passage obligé et redondant mais qui a le mérite d'être agrémentée par la relation ambigüe des deux personnages. Oui les relations sont le grand point fort de TLoU, et non l'histoire, mais on y reviendra plus tard.
Il ne fait aucun doute que le jeu d'acteur a été particulièrement travaillé même si le couple Joel/Ellie reste bien au-dessus du lot. Dans l'ensemble le chapitre printemps reste un peu mou et il en est de même pour automne qui patauge un peu, les deux sont quatre évènements majeurs découpés par des phases de jeu sans réel challenge : la rencontre avec Ellie ; la mort de Tess ; l'accident de Joel. On en arrive à se demander si l'on veut réellement sauver un monde aussi emmerdant.
Surtout que Joel n'en a pas grand chose à foutre du monde. Cependant dans un jeu story-driven il est difficile de faire autre chose que ce que les développeurs veulent de vous ; ce n'est pas le cas de tous les jeux de ce type, je pense à la série des MGS dans laquelle l'histoire est particulièrement mise en avant mais pas imposée au joueur de la même manière. C'est un point important et encore une fois on y reviendra.
L'hiver arrive et le joeur prend les rênes d'Ellie alors que Joel est dans un état quasi-végétatif. Ce chapitre est sans aucun doute le meilleur et en new game + les deux chapitres précédent paraissent bien fades. La scène de la chasse peut être mis en parrallèle avec l'introduction de TLoU : elle est à sa manière l'introduction du seconde partie nettement supérieure. J'ai été un peu déçu de voir qu'en ayant touché à la fois le coeur et les poumons il a tout de même fallu une troisième flèche pour que le jeu m'emmène là où il voulait faire avancer l'histoire. Je ne sais pas s'il en de même pour une flèche, mais un cerf touché au coeur continue d'avancer avant de perdre trop de sang (ce qui entraîne parfois la perte de l'animal) ; de l'autre côté lorsque l'on touche l'animal aux poumons celui-ci meurt très vite faute de pouvoir alimenter son cerveau (c'est pour cela qu'il s'agit de la meilleure cible).
Dans cette scène il m'a fallu trois flèches qui ont toutes été tirées au-dessus des jambes avant (poitrine), je suis loin d'être un tireur d'élite à la manette (ou d'être un tireur d'élite tout cour), je joue peu aux fps console.
Dites-moi si possible combien de flèches (touchant la cible bien sûr) vous a-t-il fallu pour abattre l'animal, et dans l'idéal la partie touchée, ça m'intéresse.
Joel se réveille grâce à quelques bandages et des antibiotiques (lol), et Ellie se sauve pour éloigner les cannibales. J'ai nettement préféré jouer Ellie à Joel, Joel est relativement âgé et cela se sent dans ses mouvements mais Ellie est bien plus faible, possède moins d'armes (ce n'est pas nécessairement un plus attention), moins de munitions et est incapable de tuer silencieusement alors qu'elle possède un couteau ; au contraire de Joel qui possède un véritable arsenal, se bat plutôt bien au corps et tue rapidement et sans bavure. Ellie apporte le côté survie -seul(s) contre tous- qui manque à TLoU. Je n'ai pas encore fait le jeu en difficulté Survivant mais c'est sans hésitation que j'ai passé la première séquence sans toucher un seul ennemi. Un des rares challenges du jeu que l'on aurait aimé voir plus souvent.
S'en suit un passage La Route encore une fois obligé néanmoins David inspire assez de malaise pour rendre le duel dans le restaurant tendu et une fois n'est pas coutume dans TLoU, intéressant au niveau du gameplay (encore une fois on y reviendra...). Car David lui aussi sait "écouter". La question survie/cannibalisme/humanité est abordée en superflu, on aurait aimer plus de subtilité et de désespoir. Le jeu évite la carte du manichéisme malgré qu'on soit plus que content de tuer David. Il aurait été intéressant de pouvoir soi-même massacrer le type à la machette. Dans Hotline Miami on est assez réticent à fracasser au sol ne serait-ce qu'un clone. Ici le joueur peut difficilement ressentir autre chose que de la haine pour David, et je suis persuadé que manette en main on n'hésiterait pas deux secondes avant de le massacrer lui tout comme le bouton carré.
Joel retrouve Ellie, c'est le printemps. Ils rencontrent les Fireflies, Ellie est mise sous anesthésie générale pendant que Joel passe en mode street. Précisons une chose : les Fireflies ou Lucioles ont -c'est dit dans les registres audio- déjà eu une dizaine/douzaine d'immunisés sur leur table d'opération. Le cas Ellie est "différent" selon ces mêmes registres mais avant de juger Joel il ne faut pas oublier ces sacrifiés. Par ailleurs j'ai totalement oublié si Ellie était au courant ou non qu'elle allait mourir, il me semble que oui selon Marlene mais j'ai le souvenir que non selon une note/registre. Merci de me corriger.
Dans tous les cas Joel ment à Ellie, on peut rabacher mainte et maintes fois qu'il s'agit d'un choix égoïste qui signe la perte de l'humanité, mais n'oublions pas qu'Ellie est son humanité à lui, et que les Fireflies on déjà eu des immunisés sur leur table d'opération. Voilà pourquoi la fin est réussie, Naughty Dog ne sait pas contenter de poser un choix égoïste, il l'a contrebalancé par un miracle incertain, quasi utopien. On peut qualifier Joel de salaud il n'empêche que sa décision est loin d'être facilement tranchée.

J'ai bien assez parlé du déroulement du jeu alors parlons de détails plus techniques.

Les graphismes de TLoU sont réussis, ils sont somptueux lorsqu'ils s'agit des personnages, et légèrement en dessous au niveau du décor. Il semble que Naughty Dog a accordé plus de détails a ce qui sautait aux yeux qu'au lointain. C'est un tour de passe-passe culoté mais malin. En parlant de tour de passe-passe les cinématiques utilisent le moteur du jeu mais dans une résolution de bien meilleure qualité. L'image devient plus belle et ne hache pas l'action, c'est pas bête. Les immeubles tiennent à ressembler même si le level design évite le syndrome Skyrim du recyclage pour ne pas ennuyer le joueur. Pour un jeu mature, TLoU manque clairement de solitude, d'inquiétude. Il ne s'agit pas de peur mais de sentiment d'oppression. Les séquences d'actions sont beaucoup trop séparées des séquences de loot, je veux dire que le joeur est en parfaite sécurité tant que l'un des personnages ne se targue pas d'un "oh shit clikers" ou autres. Après avoir nettoyé une zone on peut fouiller tiroir après tiroir sans être inquiété et c'est une erreur de la part des développeurs. Le premier Dead Space aussi permettait au joeur une certaine sécurité dans ces passages mais cela était contrebalancé par un malaise général. TLoU ne possède rien qui pourrait s'approcher de cette qualité. Les claqueurs ne font qu'envisager un gun-fight (ou l'utilisation d'un surin après amélioration) dont on se passerait bien et les zombies sont loin de poser une réelle menace.
Il est difficile de jauger l'IA d'un zombie néanmoins parlons de celle des humains. Ceux-ci sont à des lieux de celle présentée à l'E3, ils n'hésiteront pas à foncer vers vous, un pauvre baton à la main, alors que vous tenez un shotgun et qu'Ellie vient de leur tirer à la jambe. Entre des personnages humains qui se battent pour survivrent et des machines de guerre au sang froid, il y a un monde. C'est bien dommage. Rajoutez à cela des ennemis qui apparaissent soudainement (c'est aussi le cas pour les zombies) et vous aurez une difficulté artificielle et idiote, difficulté qui n'est certainement pas la volonté des développpeurs.
Ce qui nous amène au coeur du gameplay. Je sais que cela ne va pas plaire à tout le monde mais celui-ci est répétitif et inintéressant. Les phases de repos se résument à fouiller un niveau de fond en comble, à repérer la précieuse bande jaune (bande jaune par ailleurs inutile tant le jeu est un long couloir) ; la palette de bois ou encore mieux ; l'échelle. C'est emmerdant au possible, quand on voit que de simples jeux comme Patapon parviennent à réinventer constamment leur gameplay avec l'aide de quatre bêtes touches, il est décevant de voir que le "jeu de sa génération" n'est pas capable de se réinventer autrement qu'à l'aide d'une auto-dérisation (amenée par Ellie) redondante. Ce sont les pires phases du jeu alors que c'est là qu'aurait pu s'écrire le sentiment "nous sommes les derniers d'entre-nous", l'ambiance tant recherchée. C'est raté.
Les combats contre les soldats sont loin d'être difficiles, Joel est un bon tireur et un bon combattant à mains nues. Les ennemis alternent entre rester camper pour que Joel ne puisse pas les entendre, à des manoeuvres basiques de flanking. J'en arrive à penser que Naughty Dog a justement modifié son IA pour gonfler artificiellement la difficulté de son jeu. C'est bas et idiot. Pourtant le système de craft en combat est bien pensé, c'est rapide et nerveux. C'est cette nervosité qui aurait du être être transposée dans les phases de loot. Vite, ramassons ça, plus vite j'entends des bruits ! Non, joueur, tu as tout le temps qu'il te faut.
PS : le lance-flammes est la meilleure arme contre les gros claqueurs, à condition de savoir jauger la déflagration donnée (attendez qu'ils finnissent de bruler avant de retirer sur la gachette). Ils ne vous posseront aucun problème.

A présent j'en arrive à ce que je voulais réellement aborder dans cette critique, c'est à dire comment on conçoit le jeu-vidéo aujourd'hui. Je l'ai dit et je le répète, le jeu-vidéo c'est bien moins démocratisé qu'on ne le croit, celui-ci s'est fait cinéma. Qu'est-ce que le cinéma ? Le cinéma est une oeuvre non-interactif à laquelle assiste le spectateur passif. Ce dernier a deux choix, regarder ou quitter la salle, c'est aussi simple. Le jeu-vidéo n'a rien à voir avec le cinéma, il en est même l'antithèse.
Tout le monde ne sera pas d'accord mais à titre personnel je ne pourrais pas concevoir une partie de monopoly dans laquelle je ne ferais que lancer les dés. Pour illustrer j'ai un exemple en tête. Pendant la première partie du jeu Joel va faire face à un sniper, le jeu attend que vous passiez les ennemis et rentriez dans la maison. Si vous essayez d'avancer un maximum et d'abattre le tireur avant d'entrer dans le batiment, vous ferez face à un fusil immobile, tenu par un sniper invisible. Impossible de tuer l'ennemi sans entrer. Impossible. C'est insupportable, tout ça parce que les développeurs veulent que vous fassiez le jeu à leur manière. Je ne parle pas de l'aspect couloir du jeu, c'est une autre question, il y a beaucoup de jeux couloirs excellents et le level design de TLoU est réussi. Par ailleurs je suis loin d'être un ayatollah des mondes ouverts, selon moi ils sont intéressants mais leur narration et histoire est souvent bien en-dessous du reste.
L'aspect infiltration qui est pourtant l'approche conseillée est à chier, le fov des ennemis est aléatoire, c'est scripté à l'extrême. Pouah. Pouah Pouah Pouah. Le système d'écoute est superficiel et dites-moi s'il vous plaît dites-moi ce que peuvent entendre ces foutus claqueurs.
Dommage parce que TLoU possède ces quelques détails qui font la différence. Lorsque Ellie est sous Joel, ce n'est pas un bug, et c'est l'un des détails les plus réussis du jeu. Ce détail vaut à lui seul un point. La relation entre Joel et Ellie est parfaite, ils sont bien écrits, bien doublés, la synchronisation est excellente (je joue à Dragon's Dogma en ce moment, grosse différence...). Naughty Dog a erreur de croire que c'est en forcant la main du joueur que celui-ci va s'intéresser à l'histoire, Joel et Ellie sont bien passionnants à eux-deux pour me pousser à continuer. Je me fiche de tout le reste, je veux juste amener Ellie aux Fireflies et rentrer avec elle à la "maison".
La touche L3 est la pire touche du jeu. J'en suis venu à détester mon joystick gauche. Putain, j'ai une manette en main, laissez-moi regarder de mes propres yeux, grâce à vous ces giraffes, ce batiment ou n'importe n'ont plus aucune saveur. Ce jeu a peu de saveur.
La presse vidéo-ludique a décidé d'abandonner toute estime de soi, tant pis pour eux, mais que l'on ne vienne pas me rabacher les oreilles avec un soi-disant chef d'oeuvre.
Sledgekind
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le 5 juil. 2013

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