C’est dans une grotte humide que le petit garçon que nous sommes se réveil en sueur et couvert de tatouages dont nous ne connaissons pas la signification. Le seul souvenir que nous avons est d’avoir été gobé par une bête gigantesque au beau milieu de la nuit dans notre village. Que faisons nous ici ? A côté de nous, se trouve la bête, blessée, attachée, prisonnière. Sommes-nous prisonnier nous aussi ? Elle semble affamée… Il nous faut sortir d’ici pour pouvoir retourner dans notre village…
C’est ainsi que nous faisons la connaissance de deux des trois personnages principaux. En premier, ce petit garçon dont nous ne connaîtrons jamais le nom, servant de réceptacle à l’âme du joueur pour vivre une aventure remplie de mystère à travers ce monde mélancoliquement gigantesque et inconnu. Puis en second, la majestueuse (car oui, c’est une femelle) Trico, autant féline que canidé ou piaf et qui tire son nom de son espèce. Un animal sauvage qu’il faudra appréhender avec autant de questionnement, que ce soit par bonheur ou par peine, qu’un véritable animal puisse poser. Car si nous nous retrouvons dans le même pétrin tout les deux, Trico fait preuve d’une intelligence animale, avec ses peurs, ses moments de joies et ses interrogations, nous forçant à redoubler d’effort. Partir vers l’inconnu sans elle, nous vaudra des gémissement plaintifs de désespoir alors que lui donner des ordres qu’elle n’appréhende pas encore, sera synonyme d’incompréhension, râlement et d’un je-m’en-foutisme assez extraordinaire. Un tour de force assez incroyable de proposer un personnage non humain et non manichéen, car Trico possède ainsi sa propre personnalité et ses propres envies, pour le meilleur comme pour le pire. Il y a forcément une petite dose de script par moment, mais il est suffisamment bien caché pour faire devenir Trico une des meilleures (ou des pires selon comment vous appréhendez) intelligences artificielles du jeu vidéo. Mais attendez j’ai dis trois personnages principaux non ?
Car il y a bien plus important dans The Last Guardian que notre petit garçon et même que Trico. Un troisième personnage principale tout aussi imprévisible et dangereux. Et je parle tout simplement de l’univers qui nous entoure. Un univers mélancolique, tantôt féerique, tantôt inhospitalier, mais qui questionne constamment le joueur sur son origine et son fonctionnement. Des ruines à perte de vue ayant probablement vaincu un douloureux passé avant de sombrer dans le désespoir et l’oubli. Un monde jouant habillement entre l’intrasegment petit et l’immensément grand et où au final tout à une place bien définie que ce soit dans son lore que dans ses mécaniques. Un monde artistiquement sans reproche, très souvent contemplatif qui seule une technique perfectible agresse de sa superbe.
Car malheureusement ce que gagne The Last Guardian dans sa gestation difficile, c’est une technique loin d’être au point et devenant foncièrement agaçante. Si artistiquement, il est sans contestation possible magnifique, une technique au point aurait permis de souligner la beauté de son univers, au lieu d’avoir droit à des ralentissements dans les plus grandes zones disponibles (souvent celle avec de la végétation), à du tearing et à des bugs plutôt colossaux, aussi bien visuel (Trico se transforme régulièrement en suppôt de Satan, réalisant un 360° avec son cou) qu’au niveau jouabilité. Si on arrive à faire abstraction du visuel du moment que l’on reste ébahi par l’artistique, quand on touche à des problèmes de jouabilité c’est de suite une autre paire de manche. Pour avancer, nous devons très régulièrement nous accrocher au plumage de Trico, ce qui ne devrait pas poser de problème au demeurant. Mais ça devient tout de suite beaucoup plus problématique quand au moment de faire un saut l’enfant reste scotché sur la bête ou qu’en faisant un mouvement tout simple elle nous envoie valdinguer dans le décor. C’est tout simplement rageant de ne pas avoir le contrôle à 100% sur son personnage à tout instant. Ce qui vaut par moment de belles crises de nerf nous faisant éteindre la console aussi vite que la mort l’échec que nous venons de vivre… avant d’y revenir. Car heureusement, The Last Guardian c’est bien plus qu’une usine à bugs.
Ce que The Last Guardian garde également de son développement d’une autre époque, c’est sa liberté de mouvement sans indice qui clignote et qui pourrait dénaturer l’environnement. Sony nous propose ainsi un titre où il faut constamment faire preuve d’initiative, envers aussi bien la bête qui nous accompagne, qu’envers le monde qui nous entoure. Le titre propose ainsi quelque chose de plutôt rare dans les gros jeux de nos jours : réfléchir pour avancer. C’est tout bête dit comme ça, mais nous n’avons plus l’habitude de ne pas être pris par la main. Ce n’est jamais très compliqué, mais il faudra faire preuve d’observation et de réflexion pour pour avancer. Le titre ne propose également pas de combat à proprement parler. C’est Trico qui combattra à notre place l’armée d’armures en pierre animées, des combats dans lequel nous ne sommes qu’un soutien, en faisant des roulades pour déséquilibrer les adversaire et en calmant la pauvre bête à la fin de sa joute. The Last Guardian est ainsi un jeu d’aventure qui propose des sensations aujourd’hui en partie disparues et qui font réellement plaisir à voir. Un petit JVNI dans le paysage vidéoludique actuel et dans lequel il ne faut pas laisser une technique déplorable déborder sur le plaisir de l’exploration et de la découverte. The Last Guardian est une carte postale d’un autre monde. Un grand jeu, une grande aventure, une perle d’un autre âge.
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