The Chant
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The Chant

Jeu de Brass Token et Prime Matter (2022PlayStation 5)

Vous pouvez retrouver mon avis avec illustrations sur mon blog.

Avec la période d’Halloween, il n’est pas rare de voir des jeux d’horreur émerger que ce soit durant le mois d’octobre, ou en début novembre. Jusqu’ici très discret, The Chant est revenu sur le devant de la scène à l’approche de sa sortie. Il faut dire que de grands titres comme God of War Ragnarok et A Plague Tale Requiem occupent l’espace, occultant pratiquement toute autre jeu voulant pointer le bout de son nez. The Chant m’a intrigué par son trailer, invoquant non seulement une secte aux accents New Age mais aussi la présence d’étranges créatures. Véritables entités ou délires suscités par les psychotropes ?


Première création du studio Brass Token, The Chant est le fruit du travail d’une vingtaine de personnes. Un premier essai qui peut s’avérer aussi casse-gueule que prometteur. Après tout, il faut bien commencer quelque part. Le studio canadien a décidé de miser sur un jeu d’action aux relents ésotériques, un parti pris qui permet de distinguer The Chant de ses concurrents.


Comme nombre de protagonistes de jeu d’horreur, Jess est tourmentée. Alors que la jeune femme s’adonne à son jogging quotidien, elle croit voir le corps d’une personne noyée dans la rivière. Une vision qui provoque un déclic, amenant Jess à reprendre contact avec Kim, sa meilleure amie. Cette dernière s’adonne, depuis des années, à un parcours spirituel afin de retrouver un équilibre dans sa vie. C’est ainsi que Jess la rejoint au sein de la retraite, une communauté établie sur une île.


Voyage au bout de la nuit

Après une introduction insérant les quelques prémices du gameplay, dont on parlera plus en détail, The Chant bascule très (trop) rapidement dans l’angoisse. Une fois la nuit tombée, la communauté se retrouve pour partager un thé aux champignons. Kim est prise d’une crise de colère, hurlant sur Jess avant de fuir, brisant le cercle. De là, Jess se réveille, déboussolée, et partant en quête des membres de la communauté dont Kim qui semble être possédée.


Brass Token a décidé de lancer rapidement le joueur dans l’action, ce qui n’est pas forcément un défaut. Néanmoins, le titre souffre d’un rythme qui cherche toujours à être à flux tendu, ne laissant pas la place ni à l’intrigue, ni aux personnages de se développer. Ces derniers sont résumés à des archétypes très classiques : Sonny cherche la reconnaissance de ses pairs, dénigré qu’il est par sa famille, Maya est une mère blessée par ses propres actes qui ont condamné son enfant, Hannah est prête à tout pour ne pas finir seule. Chacun a ses propres tourments qui l’ont amené à venir ici, tout comme Jess et Kim. Des pistes qui auraient permis de provoquer de l’attachement pour le casting. Malheureusement, ce n’est jamais le cas, pas même pour Jess qui possède pourtant aussi son bagage dramatique.


Brass Token propose d’ailleurs un doublage et une traduction en français. Quelques coquilles sont visibles dans le texte mais rien de dommageable. J’ai plus été gêné que le texte du sous-titrage s’efface au bout de quelques secondes, n’attendant pas que le personnage ait fini de parler. Le doublage français est très correct et limpide permettant de saisir ce qui est dit, même lors d’une scène d’action.


Peut-être n’est-ce que moi mais, au sein d’un jeu, j’aime aussi m’accrocher à un univers et des personnages. Le gourou Tyler aurait d’ailleurs pu représenter un antagoniste ambivalent, aux intentions troubles. Dès qu’on le retrouve avec Jess, ses lignes de dialogues sont lancées à la suite sans aucune cohérence. L’homme passe de la fureur vindicative à notre encontre au larmoiement apitoyé. Du coup, on a surtout l’impression de faire face à un garçonnet maladroit qui a voulu s’amuser avec le feu et se sent tout bête de s’y être brûlé.


Quant à l’intrigue, ne prenant jamais le temps d’accorder à Jess un instant d’accalmie, elle avance à bride abattue, se permettant de rapides raccourcis. L’introduction du jeu commençait sur une scène dévoilant une ancienne communauté et une femme enceinte fuyant les lieux. Cet élément qui aurait pu avoir une importance capitale sera traité en un échange de deux lignes de dialogue, ni plus ni moins. Tout comme le tourment de Jess est rapidement raconté à un protagoniste, comme pour mieux s’en délester et ne plus avoir à l’expliquer. Jess s’habitue aussi particulièrement vite à tous les concepts du New Age dont un rituel de dépossession. Alors que, à peine quelques heures plus tôt, elle demeurait sceptique face à ce que lui racontait Kim sur la communauté.


Tout ce constat est d’autant plus dommage que l’on sent que le studio a voulu travailler une ambiance propre à son titre, puisant dans le spiritualisme et ce jusque dans le gameplay. Si l’endroit où loge les résidents a des accents de modernité avec un dôme translucide où se réunir, les autres biomes que l’on visite (toujours de nuit, car tout se déroule en une seule nuit) sont davantage vétustes.


Chaque décor possède d’ailleurs sa petite identité permettant de flâner au sein d’une conserverie, aux abords d’un phare, dans une mine, ou encore les vestiges de l’ancienne communauté s’étant établie sur l’île. (Aucun spoiler à ce sujet : on le devine dès les premières minutes du jeu). Afin d’étoffer le lore et mieux comprendre les évènements, nombre de documents sont disséminés au sein du décor. Un grand classique, demeurant efficace, et s’avérant aussi utile pour les confrontations puisqu’on peut dénicher des notes sur le bestiaire.


Ce dernier est assez varié, et original, pour participer à l’ambiance du titre. Les créatures se rapprochent du végétal avec des fleurs gigantesques répandant l’Obscurité, sorte d’univers parallèle où pullule le bestiaire. Nommées aussi Mandracoeurs, les détruire permet de dissoudre ces poches illusoires. Certains êtres se montrent plus élancés, quadrupèdes aux pattes servant de lames, ou vers visqueux gigotant et sautant à votre gorge. Difficile de ne pas songer à Lovecraft avec ces monstruosités au design particulier, et à cette Obscurité qui confère au décor une ambiance de fond sous-marin grotesque avec yeux géants, plancton virevoltant et algues géantes. Ces passages m’ont évoqué mes parties sur The Sinking City.


Spiritualité et horreur font bon ménage

Si l’intrigue pêche, le gameplay peut tout de même procurer un certain plaisir comme ce fut mon cas sur The Caligula Effect 2. Celui de The Chant n’est pas dénué de mauvaises idées, loin de là, mais on le sent daté dans son approche, et les débuts se montrent laborieux. Jess n’étant qu’une civile perdue au sein de toute cette horreur, elle ne peut réaliser aucune esquive ou frappe surprenante. Elle doit compter sur des concoctions et armes de fortune fabriquées à partir d’huile essentielle, sel, et herbes aromatiques servant à confectionner de quoi repousser le surnaturel. Si les décoctions peuvent être lancées à la figure des ennemis pour les ralentir ou les enflammer, il est aussi possible de tracer un cercle au sol pour se protéger. Une approche qui permet de rester en adéquation avec le thème de la secte et de la spiritualité. Donner une arme à feu à Jess aurait été déconcertant et aurait brisé toute l’ambiance du titre.


Au cours de son avancée, Jess obtiendra des prismes, chacun détenant un pouvoir spécifique dont l’utilisation puise dans la spiritualité de la jeune femme. Ralentir le temps, faire surgir des pics, repousser les ennemis sont là quelques-unes des capacités qui seront à votre disposition. Je parle de jauge de spiritualité, mais il faut savoir que Jess possède trois jauges qui ont leur importance, à savoir celle du mental et de la vie. La première participe à l’originalité du concept de The Chant. En plus de toucher physiquement Jess, certaines créatures déclenchent des attaques mentales. Sans compter que des apparitions et évènements traumatiques font baisser la force mentale de Jess. Une fois la jauge complètement vidée, la jeune femme est en proie à une crise de panique et ne peut plus attaquer. Il faudra s’éloigner du danger et trouver une zone sécurisée pour regagner de la force mentale, soit en patientant, soit en méditant convertissant ainsi votre spiritualité en force mentale.


Jess possède d’ailleurs un arbre de progression dont les principales branches reposent sur ce trio santé, mental et spiritualité. Afin d’améliorer vos aptitudes, il faudra trouver des cristaux disséminés dans le décor. Améliorer vos jauges vous accorde l’accès à certaines capacités comme endurer davantage de dégâts, améliorer vos capacités de méditation ou les soins accordés par les plantes que vous ingérez. Chaque jauge peut être rétablie par ces consommations comme la lavande pour le mental, et chacune des plantes est associée à une des touches du pad pour une exécution rapide. Même s’il vaut mieux rester éloigné des ennemis puisque Jess doit avoir le temps de déguster le consommable.


Les jauges peuvent être aussi améliorées par le biais des choix de dialogues. Parfois, un protagoniste va questionner Jess, lui demander un avis et vous aurez trois options, chacune liée au fameux trio mental, santé et spiritualité. Ces options influencent aussi sur la fin de l’histoire. Un petit aspect narratif qui aurait mérité aussi d’être davantage creusé. Hormis à deux occasions, quoi que je réponde avec Jess, le personnage réagit de la même manière en face, ce qui efface toute idée d’implication du joueur dans l’intrigue. Les différents épilogues restent d’ailleurs très nébuleux comme si le studio ne savait pas comment conclure, ou voulait rester volontairement évasif afin de pouvoir proposer un nouvel opus dans le même univers.


Quelques boss viennent émailler la progression mais leur nombre se compte sur les doigts d’une main, et les vaincre repose sur une mécanique qu’on a vite appris après s’être habitué à la lourdeur de Jess. On frappe avec les fouets de plante, on lance parfois une concoction pour affaiblir et on esquive pour éviter les coups qui nous sont portés. Prenez d’ailleurs garde à l’esquive : Jess se contente de courir accroupi, ou de se baisser, alors prévoyez assez large pour ne pas être brisé par l’adversaire. Le mieux étant d’appuyer au préalable sur R3 pour que Jess trotte continuellement, ce qui lui confère un brin de vitesse. D’ailleurs, cette association de touche m’a arraché quelques grincements de dents. Il arrive que, en plein combat, j’ai appuyé par mégarde sur le joystick, amenant Jess à marcher et non trotter (elle ne court que lorsque le scénario le décide) ce qui m’a valu quelques défaites. Les gâchettes étant associées à la roue des armes, je comprends l’idée mais en pratique ce n’est guère facile à manier.


Pour autant The Chant n’est pas dur, même en difficulté maximale. En connaissant le jeu, nombre de combats peuvent être évités en traversant la salle ou en se contentant de ramasser l’objet convoité avant de quitter les lieux. Les énigmes sont d’ailleurs peu nombreuses et se concentrent surtout sur l’avant-dernier chapitre. Pour le reste, il suffit de fouiller les salles accessibles, trouver des clés, dénicher des éléments à combiner entre eux pour pouvoir avancer. Un schéma qui se répète trop souvent. Reste à saluer l’énigme du phare qui permet de traverser l’ensemble de la carte de la zone tout en ayant un véritable sentiment de progression.


Quant à l’aspect nouvelle génération du titre, si The Chant demeure très propre visuellement, il n’utilise pas les capacités de la Dual Sense ou si peu qu’elles m’ont absolument pas marquées. Il y aurait eu pourtant de quoi faire entre le micro de la manette ou les sensations de vibration afin d’accentuer l’angoisse du titre. A mon sens, The Chant aurait pu être tout aussi bien sur PS4 et XBox One.


Aparté sur les trophées

Lors de votre première partie découverte, nombre de trophées vont être acquis naturellement que ce soit en avançant simplement dans l’intrigue qu’en réalisant des actions anodines tels que tuer certains ennemis, utiliser les capacités des prismes, confectionner votre première arme… Le jeu possédant trois fins, il vous faudra toutes les visualiser alors autant joindre l’utile à l’agréable en remplissant d’autres objectifs requis par les trophées comme conclure une partie en difficulté maximale, en moins de 4 heures ou encore en ne tuant aucun Adepte. Le speedrun vous laisse une large marge d’erreur. J’ai réussi ma seconde partie en 3 heures (en difficulté la plus basse pour limiter ma jauge de stress, je vous l’accorde). Quant à ne pas tuer d’Adepte, il faut surtout prendre garde au combat de boss du chapitre 5 et laisser votre adversaire tuer ses subalternes.


Les trophées les plus pointilleux consistent à trouver tous les documents présents dans le jeu, ainsi qu’un boss caché. Je n’ai réussi ni l’un, ni l’autre à l’heure actuelle. Le jeu disposant de points de voyages rapides afin de fouiller la carte, il est fort possible de les obtenir avant de se lancer dans le combat final.


Si The Chant propose un suivi des trophées que ce soit pour les collectibles ou les actions à mener, ces derniers ne s’expriment qu’en pourcentage brut, là où d’autres vous détaillent le nombre d’objets acquis sur ceux réclamés. Dommage de ne pas avoir apporté cette précision. On s’aidera des statistiques donnés dans le menu concerné présent dans le jeu. D’ailleurs les actions ne se cumulent pas d’une partie à une autre ce qui est pourtant souvent la norme pour encourager la rejouabilité.


En conclusion

Brass Token a tenté de proposer une aventure originale en mêlant horreur lovecraftienne et secte New Age, ce qui est à saluer. Malheureusement, le jeu peine à laisser une empreinte durable du fait de son gameplay lourd, d’énigmes répétitives et d’une intrigue qui ne prend pas le temps de se développer. Mais qu’on ne s’y trompe pas : le studio recèle de talent et The Chant démontre une volonté de créer quelque chose sortant de l’ordinaire. Il faut juste que Brass Token n’hésite pas à prendre le temps de peaufiner son prochain jeu.

So-chan
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le 4 févr. 2023

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