Super Mario RPG: Legend of the Seven Stars
7.5
Super Mario RPG: Legend of the Seven Stars

Jeu de SquareSoft et Nintendo (1996Super Nintendo)

La fin de l’époque Nintendo & Squaresoft, le début de l’aventure de Mario RPG

Si la saga Mario s’est diversifiée dans les genres qu’elle a exploré au début des années 1990, avec notamment Super Mario Kart mais pas seulement, l’arrivée d’un jeu de rôle était plus qu’improbable et pourtant c’est bien ce qui se dessine en 1996 avec Super Mario RPG : Legend of the Seven Stars. Et Nintendo affiche des ambitions qui font rêver en collaborant étroitement avec Squaresoft qui enchaînait les JRPG les plus légendaires des machines de l’éditeur constructeur depuis presque 10 ans et qui était en quête d’une licence capable de les aider à percer davantage en occident après plusieurs tentatives infructueuses.


L’histoire en a aussi fait la dernière collaboration majeure entre Nintendo et Square avant le divorce Final Fantasy VII, mais au moment du développement le partenariat était au beau fixe. Les rennes du curieux mais ambitieux projet sont confiés à Chihiro Fujioka et à Yoshihiko Maekawa, qui avaient notamment travaillé sur Seiken Densetsu premier du nom, l’une de ces tentatives décevantes de conquérir les Etats-Unis, ce qui n’est peut-être pas des plus prestigieux mais tout de même plutôt rassurant étant donné la qualité du titre. Alors voyons ci le jeu de rôle Mario, dont l’Europe a été privé pendant plus de 10 ans, est au RPG ce que Mario Kart devenu au jeu de course ou s’il rejoindrait plutôt cette multitude de spin-offs Mario quelques peu oubliés.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆


Entre le partenariat des 2 géants japonais et les capacités de la Super Nintendo à leur summum en 1996, quelques mois avant la sortie de la Nintendo 64, la réalisation de Super Mario RPG se doit d’être parmi les plus grandes de la console. Et il faut tout d’abord noter un choix surprenant, plutôt que de reposer sur une traditionnelle vue de dessus avec une réalisation en 2D plus que maîtrisée, Square opte pour une vue isométrique et des graphismes pré-rendus. Cela permet d’éviter habilement au jeu dès ses premiers visuels l’apparence d’un RPG classique de Square auquel on aurait appliqué des skins de l’univers de Mario, ce qui est plutôt bien vu dans l’idée.


Dans l’exécution, si l’on peut voir des décors intérieurs assez bien travaillés par moment avec la lumière semblant transpercer les fenêtres du château de Peach, des animations d’attaque assez élaborées et différentes selon l’équipement, des skins étonnamment expressifs pour un rendu 16-Bits… On a aussi des décors extérieurs parfois très austères avec des couleurs criardes unies à peine dignes du début de vie de la console alors qu’on en est à la fin, Landstalker avait placé la barre assez haut chez Sega quelques années plus tôt pour ce type de réalisation et Mario RPG est quelques crans en dessous à mes yeux. Pour moi, la qualité finale de cette réalisation est mitigée même si je suis bien conscient qu’elle a trouvé preneur en raison de son originalité et de l’aspect chaleureux qui s’en dégage.


L’univers visuel de Mario n’étant pas encore développé suffisamment pour multiplier les designs de personnage sans se répéter ou se perdre en une infinités de déclinaisons, pas mal de personnages avec des designs inédits ont été créés spécifiquement pour cet épisode mais y resteront également cantonnés. Si l’on prend l’exemple des sympathiques Nimbus, petits hommes-nuages tout mignons, avec en porte-étendard Mallow qui est tout de même notre premier personnage recrutable et qui prend une place considérable dans l’intrigue, nous ne le reverrons plus jamais dans une autre production de Nintendo jusqu’à une apparition en tant qu’esprit dans Smash Bros Ultimate plus de 20 ans plus tard.


C’est assez symptomatique de ce Super Mario RPG qui ne peut se reposer sur un univers visuel établi suffisamment dense à travers les autres jeux de la franchise et qui doit donc développer son propre univers visuel tout en faisant constamment référence aux fondamentaux. C’est clairement sur ce dernier aspect que le jeu marchera le plus selon moi, comme avec l’ascension vers les nuages par une plante grimpante par exemple. Et ça a marché aussi pour moi quand le jeu se permettra un rapide croisement avec l’univers Final Fantasy le temps d’une quête annexe, mais c’est vraiment anecdotique.


En effet, l’essentiel de l’univers c’est celui de Mario et ne laisser Mario combattre que par des attaques bien connues comme le saut, le marteau ou encore la boule de feu, reprendre des items et ennemis communs comme armes comme avec Bowser utilisant Chomp tel un fléau d’armes... en témoignent bien. C’était d’ailleurs une exigence de Miyamoto en personne dès les premières discussions autour du projet que de respecter les codes visuels de l’univers ainsi et c’est une excellente chose que Squaresoft ait joué le jeu tout en se gardant la liberté suffisante d’y faire quelques rares entorses.


L’OST, composée par Yoko Shimomura, s’inscrit dans un registre majoritairement enjoué, même en combat de boss, c’est parfaitement dans le ton du jeu, c’est réussi dans le genre mais bien évidemment ça ne tient pas la comparaison avec les meilleures OST de RPG de la génération, c’était quasiment couru d’avance. Les reprises des thèmes emblématiques sont tout de même réussies et il n’y a pas eu d’abus à ce niveau-là avec une vraie composition originale à côté de reprises bien travaillées. La réalisation et l’esthétisme de Super Mario RPG sont donc tout à fait satisfaisants pour moi dans l’ensemble sans que je ne les ai trouvé particulièrement exceptionnel, et il en va de même pour le reste en fait.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆


Plutôt que de reprendre une intrigue existante dans la saga et de la densifier, le choix est fait de développer une intrigue propre à cet épisode qui se permet de s’émanciper très rapidement de la quête de Mario à la rescousse de Peach des griffes du terrible Bowser, une fois son rapide prologue passé, un choix tout à fait judicieux à mon sens. Et très vite le ton est donné : le burlesque. Pas question de narrer une aventure dramatique ou épique, ce n’est pas le propos qu’on attend d’un jeu Mario et Super Mario RPG embrasse pleinement cet état d’esprit, ce qui me va très bien.


Le jeu ira même jusqu’à donner des rôles surprenants à ces différents personnages emblématiques, à la fois différents des autres productions de la saga et en même temps assez cohérentes avec le récit propre à cet épisode comme avec l’univers. Ça fait du bien d’avoir ce nouveau regard sur le Royaume Champignon dont les aventures en plates-formes pouvaient commencer à lasser en répétant un peu toujours le même schéma même si l’univers changeait régulièrement. C’est aussi l’occasion de développer une vraie personnalité pour des personnages jusqu’ici très muets et encore une fois ça colle très bien avec la vision que l’on pouvait avoir de cet univers.


S’amusant des clichés des intrigues des jeux de la saga Super Mario Bros, Bowser s’énervant de constamment perdre ou étant déprimé après une défaite mais se ressaisissant pour qu’on continue de le croire impitoyable, Mario étant moqué pour son aspect quelques peu atypique pour un héros… Super Mario RPG est d’une auto-dérision permanente qui rend le scénario un petit peu subversif mais surtout tout à fait plaisant à suivre, sans jamais être trop verbeux ou prétentieux. Il est même un peu graveleux dans quelques sous-entendus.


Si la plupart des personnages de Nintendo impliqués dans le récit s’expriment majoritairement par des dialogues écrits, il est amusant de noter que Mario s’exprime plutôt par gags physiques, ce qui est une bonne idée pour lui octroyer un traitement spécifique et ne pas prendre le risque de se planter sur le personnage le plus important. De la même manière, si Mario est considéré comme une célébrité dans l’univers du jeu, c’est en raison de ses sauts, un hommage constant aux fondamentaux de la licence, ce que je trouve très bien vu.


Il n’y a donc pas de grandes ambitions pour ces questions scénaristiques et narratives, pas de moment chargé en émotions fortes, pas de retournement de situation surprenant, pas d’envolée épique avec le sentiment de vivre une grande aventure… Ce n’était tout simplement pas le sujet et l’exercice a le mérite d’être cohérent et maîtrisé, ce qui n’était pas gagné d’avance étant donné que cet univers n’a jamais été pensé à l’origine pour qu’on y intègre une histoire aussi développée. Voyons ce que ça donne pour son gameplay désormais.


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆


Si le système de combat se présente au tour par tour de manière très classique de prime abord, il présente un certain dynamisme avec des actions en temps réel à réaliser lors des animations d’attaques pour obtenir de précieux bonus offensifs et défensifs. Ce n’est pas grand-chose en soi mais c’est un ajout assez appréciable qui était plutôt innovant pour l’époque et dont on peut regretter l’absence pour les plus illustres représentants du genre sur la même génération qui pouvaient comporter des phases de combat un peu monotones, notamment lors de leurs phases de grinding pourtant impératives.


La possibilité d’orienter les améliorations statistiques lors des passages de niveau permet de personnaliser un petit peu la progression des personnages même si ça reste anecdotique tant le jeu est relativement facile et ne requiert pas une optimisation très réfléchie, tout juste de s’équiper des accessoires permettant d’être immunisés aux altérations d’état récurrentes d’une zone ou d’un boss précis. Ça justifie d’autant plus la possibilité toujours appréciable d’éviter les combats avec l’absence de combats aléatoires et ça se vérifie constamment avec les points de sauvegarde très fréquents, l’argent très généreusement distribué, l’expérience partagée avec les personnages jouables non combattants, la guérison des statuts et la résurrection gratuites à la fin du combat, la progression point par point sur la carte pour faciliter l’exploration du monde…


L’équipe finale de ces personnages jouables est assez bien équilibrée en offrant 2 grands types d’équipes à mon sens, une pour abréger les combats les plus faciles et une pour mener les combats les plus difficiles, notamment de boss, avec toujours des petites variations en donnant un avantage spécifique à un combattant pouvant exploiter facilement une faiblesse adverse. Ce n’est clairement pas ce qu’il y a de plus complet ou d’ambitieux sur cette génération mais ça fait très bien le travail avec pour seul défaut un personnage que je trouve un peu moins utile que les autres en fin de jeu mais comme il a plus apporté en début de partie, ça s’entend.


Une tonne de mini-jeux d’adresse et de réflexion en tout genre et très sympathiques rythmeront l’aventure et ceux-ci sont à la fois assez faciles à passer pour ne pas bloquer la progression mais également réellement intéressants à refaire pour un meilleur score et de meilleures récompenses même si parfois certaines mécaniques exigeront un haut degré de précision dans le timing alors que celui-ci n’est pas très bien indiqué à l’écran, dans la plate-forme alors que la 3D isométrique ne s’y prête pas... Ça devient un problème si l’on se met en tête de finir le jeu à 100 % mais à part quelques passages un peu ardus lors du dernier donjon, ce qui est assez logique, ça se passe très bien.


Ce qui me gênerait peut-être un peu plus c’est qu’il y a pas mal de secrets excessivement planqués, et nous parlons-là de zones de jeu entières, des meilleurs équipements, des accessoires pour un bien meilleur confort de jeu… qui ne sont réservés qu’à la condition de suivre une solution pas-à-pas. Si tu sautes sur place à chaque emplacement de toutes les zones tu louperas le bloc invisible à faire apparaître car il fallait y sauter à mi-hauteur, si tu réussis dans des conditions parfaites toutes les épreuves du jeu tu risques de te bloquer l’accès aux épreuves qui donnent les meilleures récompenses, si tu réussis chaque phase de plates-formes tu manqueras la zone cachée dans l’un de ses trous qui 99% du temps est à éviter… un peu dommage.


CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆


Ce curieux projet d’un Mario RPG est devenu un JRPG classique de la Super Nintendo juste derrière les plus grands mastodontes de Square de l’époque, et je comprends très bien pourquoi avec son ambiance chaleureuse, son histoire divertissante et son gameplay plaisant. C’est aussi pour toutes ses raisons que je vois beaucoup de limites intrinsèques au concept avec un manque de challenge, une réalisation inaboutie, un manque d’émotions fortes… mais il fut clairement un vrai petit plaisir à traverser et je le remercie d’avoir ouvert la voie à ses suites spirituelles entre Paper Mario et Mario & Luigi.

damon8671
7
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le 6 févr. 2023

Critique lue 6 fois

damon8671

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