L'histoire est sans chichis, l'immersion immédiate. Un début à la Bioshok, pas de voix off, pas de longue cinématique impressionnante, pas d'explications à priori. Quelque part loin dans le futur, vous êtes le passager d'un gigantesque vaisseau spatial qui vient de s'écraser sur une planète-océan inconnue. Vous émergez de votre capsule de survie, votre radio fonctionne à peine, les secours vont mettre un sacré moment pour vous trouver, et il va bien falloir vous occuper d'ici là. Le coeur du gameplay tourne autour de bases très simples. Outre quelques rations de survie, vous disposez dans votre capsule d'un Fabricateur, sorte d'imprimante 3D du turfu permettant de créer de tout et n'importe quoi à partir d'ingrédients trouvés dans la nature, ainsi que d'un scanner portatif qui vous sert à collecter des données sur toute la faune, flore et géologie environnante, débloquant ainsi de nouveaux shémas et recettes pour le Fabricateur. Un peu de cuivre, de calcaire, quelques coraux plats et plantes acides et hop, vous créez des piles, des batteries, des circuits intégrés, du câblage. Du plomb, du lithium, des graines d'algues, des dents de requin et vous obtenez du matos anti-radiation, du benzène, un bioréacteur, un découpeur laser, et j'en passe. Avec pour seule compagnie un ordinateur IA, archétype du comic-relief de SF dont la voix robotique se fout un peu de votre gueule à intervalles réguliers ("vos chances de survie vienennt de passer de impossibles à très improbables"), le jeu vous incite ainsi à explorer toujours plus loin et toujours plus profondément ce monde sous-marin d'une beauté et d'une richesse envoûtante, à mi-chemin entre les profondeurs bleutées d'un Abyss, le merveilleux d'un Voyage au centre de la Terre, la majesté immémorielle d'un Chateau dans le Ciel, et les monstruosités indicibles de Lovecraft.


Bien entendu, vous commencez le jeu quasiment à poil, et bien vite vos premières plongées vous permetteront de réunir de quoi fabriquer un petit matériel de survie: bouteilles d'oxygène, palmes... Mais aussi rapidement quelques véhicules, à commencer par un Seaglide, sorte de propulseur individuel. Vous disposerez aussi d'un Seamoth, petit submersible maniable, d'un Prawn, sorte de méca pour aller miner dans les abysses et les milieux les plus hostiles... et enfin le Cyclop, immense sous-marin jouissif à conduire, véritable bâtiment à lui seul, pour les plus longues expéditions. Non seulement le jeu vous incite à explorer toujours plus loin pour subvenir à vos besoins, mais il réussit à chaque fois à se renouveller, à continuer de vous épater. L'univers dépeint, d'une beauté incroyable et aux jeux de lumières renversants, est découpé en une succession de biomes distincts: hauts-fonds de coraux géants peuplés de poissons phosphorescents, forêts d'algues de 20m de haut, étroits canyons sans fond, morceaux d'épave et alentours irradiés du crash, îles sous-marines tout droit sorties d'Avatar, immenses champignons grands comme des immeubles et j'en passe. Vous nagez tranquillement en surface et pensez avoir d'un coup pied sur un rocher? Plongez-donc et vous verrez en fait que vous étiez en train de marcher sur le dos d'un genre de paisible croisement entre un calamar géant et une baleine à bosse, grand comme une petite île. Vos premières escapades intimidantes en apnée à 50 mètres ne seront rapidement plus qu'un souvenir lorsque vous irez vous perdre dans un dédale obscur de conduits sous-marins débouchant à 500m de profondeur sur une immense cave, plus vaste que la basilique Saint-Pierre et peuplée de murènes de 10m de long nichées dans des d'anémones grandes comme une maison.


Evidemment, votre petite capsule de survie de départ et votre inventaire limité accusent vite leurs limites face à l'ampleur de la tâche, vous finirez donc par devoir construire votre propre base sous-marine, permettant d'accumuler des stocks de nourriture et de matériaux, de servir de point de chute grâce à une salle de scanner, un compartiment pour garer vos véhicules, un autre pour faire des expériences de laboratoire et j'en passe. Et aussi un petit peu pour l'orgueil de se dire qu'on s'est créé son petit cocon meublé, là, par 300m de fond, alimenté par la chaleur d'un volcan sous-marin opportun. De même, le problème initial de la nourriture et de l'hydratation sont des étapes qui sont vite redondantes au début, mais cela est réglé au fur à mesure de l'avancement du joueur qui pourra accéder à des technologies telles que des cultivateurs, aquariums, appareil à filtrer l'eau de mer, piège pour la chasse, etc.


La faune est souvent hostile dans Subnautica, la sensation oppressante d'être observé par un énorme truc qui veut vous bouffer est assez constante, et vous êtes à peu près démuni contre ça. Subnautica est un jeu gentil et écolo, si vous devez tuer des poissons c'est uniquement parce qu'il faut bien manger quelque chose. Il faudra souvent se la jouer infiltration puisque votre couteau de survie, des fusées de flare et votre vitesse seront à peu près vos seules défense contre les Léviathans et autres horreurs grandes comme des autobus qui peuplent les fonds. Au mieux vous pourrez fabriquer (une à une je précise) des torpilles qui ne sont qu'incapacitantes, servant à stun quelques instants les créatures qui se jettent sur vous. Le jeu prend à ce propos toute son ampleur lorsque joué avec le réglage graphique "étalonnage cinématique" qui accentue les contrastes: ainsi la nuit et/ou dans les profondeurs, vous n'y verrez tout simplement rien, même avec une lampe torche ou vos projecteurs qui n'auront le temps que d'éclairer le prédateur effrayant que vous veniez d'entendre mugir pas loin, une fraction de seconde avant qu'il n'ait encorné votre sous-marin. Mais rassurez-vous, Subnautica n'est pas un bête survival ponctué de jumpscares faciles. Le travail sur le sound design, les ambiances et tout simplement l'architecture des lieux explorés est remarquable: si vous vous retrouvez dans une fâcheuse posture, c'est que vous l'avez bien cherché ou que vous avez joué avec le feu, dans un véhicule pas encore assez stuffé pour se confronter à plus grand que soi. Quand vous êtes en train de descendre un talus à la recherche de minéraux et qu'au bout de celui-ci vous vous retrouvez au bord d'un abîme qui plonge verticalement dans des profondeurs insondables alors que vous êtes déjà autour des 600m de profondeur, qu'on n'y voit goutte et qu'en plus votre compagnon IA s'alarme en disant qu'il n'y a aucune vie pacifique à l'horizon, est-ce bien raisonnable de rester dans le coin?


Vous êtes ainsi libre de votre progression, mais sachant que le but n'est pas non plus de rester paître ici ad vitam eternam, le jeu propose quand même par petites touches un scénario qui se dévoile petit à petit. D'abord de façon assez bateau, par une succession de signals d'alarme provenant d'autres capsules de survie. En fait, ce ne sont que des prétextes à vous faire découvrir d'autres lieux et objets abandonnés, puisque lorsque vous arrivez sur place, les capsules ont été systématiquement éventrées par un prédateur et ses occupants copieusement dévorés. Mais petit à petit, vous explorez de nouvelles épaves, découvrez des blocs-notes et données d'équipage abandonnées, qui vous permettent de mieux comprendre ce qu'il s'est passé et comment vous allez vous en sortir. Petit à petit, un véritable univers et son histoire vous sont contées, et ce alors que vous êtes désespérément seul.


Le plus surprenant peut-être avec Subnautica est qu'il garde sa capacité à émerveiller, alors qu'il est loin d'être parfait techniquement. Studio indépendant et équipe restreinte oblige, la qualité des détails et textures est loin des standards actuels, l'optimisation est mauvaise, le clipping omniprésent, et il y a quelques bugs graphiques peu élégants. Et pourtant, on oublie toutes ces grosses coutures devant la richesse, la pâte graphique et artistique du jeu qui le rend inoubliable. La marque des grands.

Biggus-Dickus
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le 14 mars 2019

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