Deuxième jeu de la série Shining sorti après Shining in the Darkness, Shining Force est un tactical RPG heroic-fantasy (avec quelques petits bouts de SF) qui passe, avec sa suite, pour l'un des plus grands classiques de la Mega Drive. Au long de huit chapitres, le jeu alterne batailles sur un terrain tactique ou stratégique en damier et intermèdes dans les villes afin de faire avancer le scénario, de composer son équipe (de 11 combattant(e)s plus le personnage principal) et de la préparer au combat.
L'histoire n'est d'ailleurs qu'un prétexte à enchaîner cette suite de combats. Elle est complètement inintéressante et même incompréhensible avec ses clichés et son jargon fantasy. Il suffit de retenir qu'on est le Bien et qu'on combat le Mal. A cette époque, on pouvait l'écrire complètement au premier degré.


Ce qui m'a frappé en premier dans Shining Force, c'est sa facilité. C'est peut-être le jeu Mega Drive le plus facile auquel j'ai jamais joué. Je n'ai jamais eu besoin de plus de deux essais pour chaque mission, même pour les boss. Un dilettante comme moi ne s'en plaindra pas, mais du coup le gameplay n'est pas vraiment exploité: je n'ai pratiquement jamais utilisé les consommables sauf à la fin; l'empoisonnement et sa guérison sont anecdotiques; je n'ai pas eu à me soucier des armes et des objets maudits qu'on croise parfois; l'argent s'est accumulé tout seul...
Cette facilité est encore aggravée par le game design lui-même. En effet, au long de la partie, vos personnages gagnent en expérience et en niveau, donc en puissance; mais même si votre combat est un échec et que vous quittez le champ de bataille, soit volontairement (via un sort du héros), soit par un game over du héros, vous conservez l'expérience emmagasinée ! La seule pénalité est une division par deux de votre or en cas de game over. Comme le niveau des ennemis est fixe, autant dire que votre montée en puissance est automatique et la progression mécaniquement assurée. C'est une mécanique qui était déjà présente dans Shining in the Darkness (et qu'on retrouvera dans certains jeux comme Rogue Legacy, qui m'a fait qualifier ce game design de "tapis roulant") mais ce précédent jeu souffrait de ses runs et de ses combats terriblement longs, ennuyeux et répétitifs.


Ce n'est pas que l'aspect stratégique de Shining Force soit lui-même extraordinaire. On a affaire à un jeu tactique plutôt léger, où les bonnes décisions sont assez évidentes à prendre. Les mécaniques sont assez peu nombreuses, les types d'unités aussi, l'utilisation du terrain est également faible. Cela rend certaines unités peu utiles, notamment les unités aériennes (griffons, dragons) qui n'ont pour seul avantage que de ne pas être pénalisées par le terrain: elles sont fragiles, or lorsqu'elles attaquent elles sont contraintes de rester ensuite à proximité de l'ennemi puisque cela termine leur tour, et il n'y a en fait pas de notion de combat sol-air, n'importe quel ennemi peut attaquer votre griffon qui se trouve donc trop vulnérable. Et comme le jeu ne compte pratiquement pas d'unité "artillerie" (tous les combats se font à trois cases de distance maximum), avoir une unité fragile de longue portée ne sert à rien. Voilà à titre de démonstration.


Cette faible profondeur se retrouve aussi dans le nombre de sorts limités et l'équipement qui se limite à des armes (cinq différentes) et quelques anneaux. Aucune pièce d'armure, aucun bouclier, aucun objet particulier. Même les potions sont des items uniques rares. A la limite tant mieux vu comme l'interface est pénible à utiliser (comme dans Shining in the Darkness). La moindre opération (comme transférer un objet) requiert de multiples manipulations. Impossible d'avoir rapidement et facilement un éventail de statistiques sous les yeux, mais une fois de plus on n'a pas besoin de tout ça puisque le jeu va se traverser en un éclair. Le défaut se fait surtout ressentir dans la gestion des batailles par le processeur ; les unités des deux camps jouent chacune à leur tour en fonction de leur initiative déterminée par une statistique cachée de Vitesse. Graphiquement, cela veut dire que le point de vue (le curseur) en bataille ne cesse de se déplacer d'unité en unité pour gérer chacune d'elle. Cela rend les rounds très longs en début de bataille, puis de plus en plus rapides à mesure que les ennemis sont éliminés.


Pour terminer cette litanie, un mot sur l'équilibrage et l'IA. Le premier est correct, mais en fin de jeu vous allez tomber sur des chimères et quelques autres joyeusetés qui ont des statistiques d'agilité indécentes (ou cheatées) et qui vont esquiver cinq ou six attaques consécutives. L'IA de son côté hésite entre grosses facilités et petites tricheries. Elle fonctionne par petits groupes d'ennemis statiques qui vont rester dans leur petite zone sagement jusqu'à se faire aggro. Parfois elle va passer tout simplement le tour de l'unité qu'elle gère pourtant en première ligne, parfois prendre une décision aberrante pour elle (comme soigner un copain qui va de toute façon claquer). Parfois aussi elle va laisser délibérément 1 PV à l'unité que vous auriez dû tuer afin de lui laisser une dernière action.


En étalant les défauts du jeu j'ai fini par donner l'impression qu'il n'avait, en somme, aucun intérêt. Ce n'est pas le cas ! Le jeu reste agréable à parcourir, avec ses décors colorés, son character design pas vilain - les premiers Shining avaient un look cartoon hélas abandonné par la suite -, son aventure en ligne droite, son absence de frustration compensant sa légèreté. J'ai cité toutes les caractéristiques qui lui manquent pour être vraiment bon, sans pour autant faire la liste de ce qu'il a pour lui, en terme de positionnement tactique, de gestion de la mana, de choix des personnages, et bien sûr des quelques idées que le jeu possède en propre.
La principale est l'upgrade des personnages. A partir du niveau 10, le personnage peut passer à la classe supérieure (le chevalier devient paladin, par exemple), au prix du sacrifice d'une partie de ses stats (il revient alors au niveau 1). Mais cette évolution est nécessaire, car elle lui permet de monter en expérience plus rapidement par la suite et surtout d'utiliser les armes plus puissantes. Mais pour que cette montée en puissance soit optimale, il vaut mieux savoir qu'il n'est pas forcément judicieux de faire évoluer Carabaffe en Tortank dès le niveau 10: attendre un peu se révélera utile...


Curieusement, le jeu auquel j'ai le plus pensé en jouant à Shining Force n'est ni un RPG, ni japonais. C'est un wargame occidental pur et dur, Panzer General (1994), qui est historiquement LA déclinaison grand public (intuitif, facile à prendre en main) de ce genre voué à une niche de nerds militaristes. Je n'ai pas arrêté de le prendre en référence en me disant que Panzer General, qui ressemble en fait beaucoup à Shining, faisait tout mieux tout en restant hyper abordable, que ce soit en terme de variété d'unités, de personnalisation, de challenge, de prise en compte du terrain, de profondeur tactique...


Shining Force est quand même un bon petit jeu. C'est loin d'être un chef-d'oeuvre, il ne faut pas se laisser prendre par les souvenirs d'enfance. Mais au moins il n'est pas désagréable ou horrible à parcourir tout du long contrairement à tant de jeux rétro. Et rien que ça joue en sa faveur.

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le 14 août 2020

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Catel_

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