Juste un joli grain de sable dans une dune

Sable c'était un peu mon arlésienne indépendante de ces dernières années. On voyait le jeu à chaque conférence de jeu vidéo depuis 2017, sans avoir plus de détails qu'une direction artistique qui ne passait pas inaperçue. J'ai vite eu assez peur que le titre ne se repose que sur cette composante visuelle atypique et ne délaisse le reste : en somme une démo technique qui ne sortirait jamais. C'est donc avec un regard curieux que j'ai suivi son évolution jusqu'à sa sortie en septembre 2021... et je dois avouer mon agréable surprise !

Pour faire sortir tout de suite l'éléphant de la pièce : oui, Sable est fortement inspiré par toute une palette d'éléments culturels. Dès les premières bande-annonces, la ressemblance avec les dessins de Moebius fut remarquée par tous. En effet, les aplats de couleur qui rendent le jeu si reconnaissable ne sont pas sans rappeler les dessins de Edena ou de l'Incal. Par extension, les références de Moebius (ainsi que les oeuvres qu'il a inspirées) semblent également se retrouver dans Sable. En vrac, je pourrais citer Nausicaä, Panzer Dragoon ou Jodorowsky. Quant au gameplay, difficile de ne pas avoir le titre de Zelda : Breath of the Wild à la bouche. Sable reprend l'idée d'un monde ouvert où une quête principale s'entremêle de petites missions, de découverte de nouvelles zones que l'on explore avec un système d'escalade à endurance. La connexion semble toute faite tant les deux titres semblent partager cette philosophie d'un univers non-dirigiste que vous explorerez à votre rythme. Là encore, Sable a réussi à extraire de Breath of the Wild ses références vidéoludiques, architecturales et artistiques. À mon sens, l'exploration de ce désert délabré rappelera donc également le monde en ruines des jeux de Fumito Ueda, lequel empruntait volontiers à Giorgio de Chirico.
Et pourtant, Sable ne parait pas réchauffé, et ne fait que titiller le joueur par quelques déjà vus plus ou moins étonnants. Si l'on a toujours l'impression d'avoir aperçu ailleurs la plupart des éléments du jeu, le développement de l'univers (par les personnages, les villes, l'histoire de la planète) permet de créer une identité propre. Certes, le tout se fait sans prétention mais l'on se surprend fréquemment à s'investir dans les petites quêtes dont le jeu est parsemé.
La structure toute entière de Sable repose sur cette idée d'un open-world reposant et contemplatif, où le joueur ne combattra pas. Ce monde ouvert ne pousse cependant pas le minimalisme trop loin : les secrets sont nombreux, et l'on n'est rarement à court d'énigmes à résoudre, de monuments impressionants à escalader ou de PNJ perdus avec qui dialoguer. On est bien loin de l'AAA typique, vu que le jeu se complète en une vingtaine d'heures maximum pour le 100%.

Le point noir de Sable risque toutefois d'en embêter plus d'un : l'aspect technique du jeu laisse franchement à désirer, si bien que cela puisse entâcher l'expérience de façon très modeste. Je conseillerais ainsi de regarder quelques secondes de gameplay avant de jouer au jeu afin de constater l'animation assez saccadée du personnage principal qui pourrait donner la migraine à qui ne parviendrait pas à voir ça comme un choix artistique. Difficile de passer sous silence les PNJ qui disparaissent, le clipping, les bugs audio, le pathfinding de la moto... Pour le coup autant de petits problèmes qui devraient être corrigés dans les mois qui suivent la sortie de Sable. Le jeu est bien évidemment jouable dans l'état, mais attendez-vous à quelques inconforts.

Malgré ce petit bémol technique, je dois avouer avoir été complètement charmée par Sable. Il ne fait rien de particulièrement ambitieux mais la promesse d'un voyage reposant et excitant dans une contrée inconnue est remplie. Pour moi, Sable fait partie de ces jeux un peu hypnotisants, qui nous portent à gauche et à droite au gré du vent, nous rappellent de bons souvenirs et nous en créent quelques nouveaux...