La route est toujours propice à de merveilleux courts et éphémères instants de vie...

C'est en ce début de mois de juin 2022, lors d'une semaine de vacance bien méritée, après mon anniversaire, où faute de thune je suis resté à domicile, où faute de réelles propositions vivifiantes je me suis attaqué à mon bas de catalogue, où faute d'informations redondantes j'ai souhaité rester hors de l'actualité, où faute de famille proche j'ai du me mettre un peu à l'écart, donc un tout pas top mais qui m'a furieusement donner l'envie de m'oxygener l'esprit, de changer d'atmosphère, de voyager à pas cher, de varié mes plaisirs, de faire de nouvelles rencontres, de m'engager pleinement dans une aventure numérique et cartathique...et puis voilà, je tombe sur "Road 96", sortie en 2021, sur PC, développé par DigixArt, dont le travail mettait inconnu, mais que j'avais préalablement téléchargé, tenté mais san plus, uniquement curieux par son titre evocateur, sa proposition vidéoludique, sa vision artistique, sa démarche narrative...nous offrir visiblement un road-trip evolutif, une fugue sans retour dans l'ouest américain, une perenigration périlleuse dans une dystopie comme un éphémère instant loin de chez nous...comme hors du temps et de l'espace...

Tout d'abord par sa direction visuelle, qui dès son écran titre, sous la forme d'un bon vieil écran d'ordinateur, un bon vieux Hewlett Packard des familles, ce genre d'antiquité qui trônait sur le bureau de papa, nous plonge immédiatement dans une immersion totale dans une Amérique champêtre typique des années 90, avec ses "dinner's", ses "gas station", ses "motel's", ses park à mobile home, ses puits de pétrole, ses petites communautés, telle que l'on la fantasmé quand nous étions adolescents, à travers nos chers séries télévisuelles ou films de l'époque par ces graphismes se rapprochant du Low-poly, du cell-shading, un peu cheaps, un peu simplistes, pas toujours égales donc imparfaits certes mais offrant par instant notamment de nuit, de sublimes panoramas, des enchanteurs instants de contemplation, des jeux de couleurs chatoyants, des textures cartoonesques, des personnages volontairement disproportionnés, offrant de belles références culturelles, des hommages vibrants à nos codes identitaires...offrant une diversité d'environnement, des lieux singuliers, des repères essentiels, une affordance bienvenue, une identification rapide des éléments clés...mis en lumière par sa sélection musicale, diversifié bien qu'ancrer dans les années 90, entre Electro/Folk/Rock/Hip-Hop/POP...offrant à toute une génération se retrouver des ambiances, des sons, des genres, des artistes qui lui sont chers mais ici interprètée par des musiciens d'aujourd'hui et bien connus...ses sonorités environnementales naturelles, toujours en lien avec la zone dans laquelle on évolue...un tout réconfortant, douillet, chaleureux mais mais qui par une volonté de nous présenter aussi une dystopie, une allégorie des dérives politiques, économiques et sociales arrive intelligemment à changer, transformer, bousculer...par petite touche, avec parcimonie, ces acquis, ces certitudes, cette ambiance, cette atmosphère, cette récréation pour nous immerger dans son antithèse, son contraire, son versant, pour le coup bien plus anxiogène, malaisant, stressant, nous dirigeant vers une Amérique rurale appauvri, celle des oubliés, des rébuts, des laissé pour compte, des redneck, se rapprochant davantage des productions plus adultes et contemporaines...une dichotomie artistique jouant avec nôtre ouïe, nôtre vue au final nos sens, nos émotions, nos sentiments, nos ressentis...evocateur de nôtre passé, de nôtre présent voir de nôtre futur...à la fois personnel et universel...lors de courts et éphémères instants qui nous sont propres, s'adaptant à nous et évoluant selon nos actions, nous remettant constamment en question...

Puis par sa proposition ludique, qui dès son écran titre interactif, a peine une touche appuyé sur le clavier disposé devant lui...nous revoilà plongé dans les années 90, dans notre passé vidéo-ludique, nos illustres icônes du média, nos bons vieux jeux de voyage, nos anciens amusements à travers de multiples interactions avec l'environnement, de diverses situations...retraçant intelligemment et efficacement toute l'histoire du jeu dans sa globalité...faisant de touchante références...apportant son lot de nostalgie...transcandant sa proposition initiale, le walking simulator pour nous offrir un titre bien plus varié, diversifié...inegale certes mais sans renié son genre, apportant ainsi un aspect point'n'cliquer, jeux d'enquêtes, jeux narratifs, jeux d'arcades, jeux de rythme, racing-game, RPG et FPS...et j'en passe, tels que nous les aimions étant adolescents, lors de nos sessions sur l'ordinateur un peu vétuste de la famille ou notre console 16bits bien rangée la semaine et que l'on sortait uniquement le week-end...bien aidé par sa maniabilité accessible, son menu digeste, son level-design logique, sa physique cohérente, son gameplay simple et sa vue immersive...un retour dans notre passé, notre adolescence, où tout semblait facile, léger et simple, nous laissant rêveur, enthousiaste et plein d'imagination, extrêmement récréatif, réconfortant et oxygénant mais qui encore une fois par cette vision dichotomique et bi-polaire, voulue les développeurs...se voit a certains instants clés volontairement limités, restrictifs, pesant, stressant et lourds de sens afin de nous immerger dans la face caché de cet iceberg émotionnel...ce côté obscure de la force sensoriel...ce terrible retour à la réalité, à la difficulté inhérente a cette dystopie, à la rudesse de l'âge adulte, à la complexité du présent, où tout est affaire de survie, où tout se monnaye, où tout à de la valeur et un coût, où tout geste, même anodin, est bienvenu, voire aussi un potentiel futur, au vu de certains événements que l'on vit actuellement...jouant la aussi avec nos acquis, nos certitudes, nos sens par le game-design, s'adaptant toujours à nous et évoluant vis-à-vis de notre parcours lors de courts et éphémères instants, nous remettant toujours en question...

Et finalement par sa démarche narrative, qui encore une fois, via ce bon PC des familles, présentant intelligemment notre parcours, nos acquis, nos réussites et nos échecs, ainsi que le découpage en plusieurs chapitres de l'aventure, nous faisant rencontrer sept incarnations, sept personnalités, sept allégories, allant du "papa ours aimant trop la picole...aux deux cousins un peu couillons trop friands de série policière", tous volontairement caricaturales mais au combien attachant, matérialisation grotesque de nos familles réelles, offrant sept récits, sept scénarios là aussi caricaturales et fantaisistes mais au combien engageant, matérialisation la littérature ou la bande dessinée très de nôtre adolescence, un retour narratif donc salvateur, nostalgique et oxygénant dans une période chère de nôtre passé...mais qui a travers notre incarnation, un adolescent sans nom, sans visage, sans identité, sans voix, juste déterminé à fuir cette univers hostile...matérialisation de ces migrants, de ces clandestins, de ces sans domicile fixe...fantôme anonyme de notre présent et de notre quotidien, offrant pour le coup une plongée, une immersion très dure et impactante, notamment à certains instants clés dont je vous laisse la découverte, dans une réalité bien plus sombre et peu mise en avant, telle que seul quelques journaux d'investigations arrive a retranscrire avec fidélité, sans tomber dans le pathos...deux versants, deux visions, deux visages opposés mais intrinsèquement relié par cette dystopie autour d'une république ayant basculée vers une dictature, en pleine ébullition, au bord de l'implosion, où trois identités s'opposent, dont les inspirations sont claires et facilement identifiables...offrant pour le coup une lecture intéressante du potentiel futur, telle que la littérature d'anticipation fait merveilleusement bien...un trio, où rien n'est tout blanc ou tout noir, où rien n'est bien ou mal, où vérité et mensonge ne font qu'un, jouant constamment avec nos ressentis, nos émotions, notre réflexion, notre compréhension, s'adaptant et évoluant encore et toujours à nos choix et à nos actions lors de courts et éphémères instants, nous remettant constamment en question....

C'est donc après plusieurs voyages, plusieurs parcours, plusieurs trajets, dont un premier très traumatisant, parfois à pied, parfois véhiculé, parfois l'arraché, parfois dans l'opulence, ayant toujours la même destination, le même désir mais pas la même finalité, que je quitte se monde, cet univers, les mains tremblantes, le cœur serré...amusé par ce retour dans mon adolescence, moi qui suis né un certain mois de juin 1987...touché par cette ribambelle de protagonistes m'ayant fait voir de toute les couleurs, moi qui me sentait un peu seul...troublé par ces différents incarnants fantômes et ce qu'ils évoquent, moi qui suis issu d'une famille d'immigrés...satisfait d'avoir eu mon road-trip américain, moi qui le fantasme depuis longtemps...enivré par ces éphémères et courts instants au final très usuels, où l'on parle de tout et de rien, où l'on s'amuse avec peu et on s'emmerde avec beaucoup, où l'on rigole autant que l'on pleure, où l'on s'aime autant que l'on se déteste, où tout sembler parfait et partir en couille en une seconde, où sérieux et couillon peuvent coexister, où la surprise et le déjà vu font corps, où l'aléatoire et la chance sont source de questionnements...bref le quotidien, la vie normale, le monde réel...couillon moi qui voulait m'en échapper...éreinté émotionnellement et usé mentalement d'avoir tant tenté de survivre et de sauver au mieux, ce qui est con pour des vacances mais repus et aimant de cette délicate et fragile définition du voyage où seul le parcours, réussi ou non est attachant et marquant...bref un coup cœur, preuve de la richesse et du talent de la scène indépendante, maîtrisant son sujet, sûr de ses idées, conscient de ses limites, où gameplay, art et narration font front commun pour nous faire vivre des sensations uniques, se permettant même de laisser libre le joueur de ne pas tout explorer, sans lui reprocher ceci et hâte de revoir ces mêmes devs sur d'autres projets......

AlMomoSan87

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