Resident Evil: Director's Cut
8.3
Resident Evil: Director's Cut

Jeu de Capcom et Virgin Interactive (1997PlayStation)

En 1993, avec l’arrivée des premières machines 32 bits, Capcom cherche à innover, en… comment ? Non, je déconne même pas, j’ai bien lié le mot innovation à Capcom, aussi improbable que cela puisse paraître aujourd’hui ! Bon, je reprends…


En 1993 donc, Capcom entreprend de sortir de ses genres de prédilection que sont le VS Fighting (Street Fighter II), le beat’em up (Final Fight…) ou la plateforme (Mega Man…), et confie à un jeune talent prometteur du nom de Mikami Shinji (Aladdin -version snes-, Goof Troop) le soin de développer un jeu basé sur la peur, émotion relativement inédite dans un jeu vidéo à cette époque. Les pleins-pouvoirs et un budget tout juste honnête lui sont laissés, Capcom ne plaçant pas d’espoirs particuliers sur ce futur jeu, cherchant juste à "explorer de nouvelles voies"… Au bout de trois ans d’un travail acharné, Bio Hazard était né…


Tout d’abord, petit aparté concernant le changement de titre chez nous. Pour ceux qui ne le sauraient pas (il y en a encore?), si le jeu s’appelle Resident Evil hors de l’archipel, c’est à cause d’un groupe de metalcore américain au talent douteux déjà bâptisé Bio Hazard, qui détient les droits du nom en Occident… Le titre de remplacement n’est au final pas si mal choisi, surtout si on prend la peine de le traduire correctement, par exemple en "mal résidant", et non pas en "résidence du mal" ou une autre connerie du genre, une mauvaise traduction tenace aujourd’hui encore, mais pardonnable, car bien aidée par ce premier opus se déroulant en très grande partie dans une "résidence"…


Ensuite, débarrassons-nous de la fausse polémique sur le pseudo-plagiat d’Alone in the Dark. Oui, il y a beaucoup de similitudes dans les deux jeux : le choix d’incarner un homme ou une femme, les emplacements de caméra fixes, le mélange savamment dosé exploration / combats dans un manoir flippant peuplé de créatures qui veulent faire de nous leur petit dèj’… Mais il y a aussi pas mal de différences, au niveau scénaristique, en terme de gameplay, à la manière de distiller la peur… De plus, Resident Evil devait à l’origine arborer une vue subjective (bouh, le plagiat de Doom!), mais des contraintes techniques le firent muter en TPS (et j’en suis le premier content). Il fut même envisagé un temps que les protagonistes aient une apparence manga mais, pour des questions d’exportation à l’international, Capcom décida de garder des persos "réalistes" susceptibles de plaire au plus grand nombre… Donc non, ces accusations de plagiat sont ridicules.


D’ailleurs, par rapport à Alone in the Dark, le point de départ de Resident Evil paraît presque simpliste. Alors que l’aîné a pour base un détective se rendant sciemment dans un manoir pour enquêter sur un meurtre étrange sur fond de paranormal / fantastique, le cadet nous met aux commandes d’un soldat d’une escouade d’élite, se retrouvant coincée bien malgré elle dans une demeure peuplée de monstruosités génétiquement modifiées par un virus, soit une menace plus "rationnelle", plus "palpable". Si le propos est basique, la manière de le raconter l’est beaucoup moins, se faisant principalement par l’intermédiaire de petites notes disséminées ici et là, comme des coupures de journaux, des bouts de papiers griffonnés, ou des journaux de bord, qui mis bout à bout relatent comment toutes ces expériences de la pas très nette multinationale Umbrella sont parties en sucette, puis par la rencontre des-dites expériences… Le processus se répète ainsi indéfiniment, et le pire, c’est que ça marche !


Resident Evil est un TPS. Contrairement à Alone in the Dark qui dispose d’une interface directement héritée du point & click, le gameplay ici est beaucoup plus direct. Rigide, mais direct. Les personnages sont lourds (faire demi-tour est juste une horreur) et lents ; pour avancer, il faut pivoter dans la direction souhaitée, puis appuyer sur haut pour se déplacer, ce qui n'est ni réactif, ni intuitif (surtout à côté des gameplay d'aujourd'hui)... Mais les ennemis ne sont heureusement pas spécialement beaucoup plus véloces, à quelques exceptions près. Resident Evil, c’est aussi des énigmes tarabiscotées aussi logiques que le disque-monde qui entrecoupent les phases d’action, baissant la défense du joueur par cette relative accalmie pour mieux le surprendre plus tard


Et puis, il y a toutes ces bonnes idées de gameplay, qui renforcent l’oppression. La plus évidente et connue, c’est l’animation de la porte qui grince et met trois plombes à s’ouvrir, masquant astucieusement les temps de chargements quelque peu longuets. Citons également la pénurie de munitions, qu’il faut apprendre à économiser, un réflexe pas forcément évident à prendre (surtout à l’époque). Rares aussi sont les rubans encreurs, servant à sauvegarder la partie, qui en plus de prendre une précieuse place dans l’inventaire (surtout celui de Chris), ne sont qu’au nombre de 24…de TOUT le jeu. L’inventaire justement, est lui aussi très limité, nous obligeant souvent à faire des choix cornéliens : 6 emplacements pour Chris, 8 pour Jill, correspondant en fait aux niveaux "normal" et "easy" du soft. Le cheminement est d’ailleurs légèrement différent selon la difficulté ; par exemple, lorsqu’on doit à un moment ouvrir une porte en jouant un air de piano (disque-monde, tout ça…), Jill SAIT jouer du piano et peut donc progresser instantanément, alors que Chris est un metalleux extrême ne jurant que par les guitares saturées et doit aller quérir de l’aide…


Niveau plastique, Resident Evil s’en sort avec les honneurs, même si cette version Director’s Cut, sortie en 1997, commence un peu à accuser le coup, l’opus original ayant déjà 18 mois. Les angles de caméra fixes permettent de proposer moults environnements en 2D précalculée d’une finesse incroyable, dans lesquels évoluent de concert les personnages et leurs némésis en 3D. On traverse tour à tour des lieux qui respirent la joie de vivre, comme une grotte, un laboratoire souterrain, et bien sûr le désormais célèbre manoir et ses tapisseries crasseuses, ses tableaux glauques et ses armures anciennes. Le bestiaire quant à lui puise largement dans le cinéma d’horreur occidental, puisque s’invitent à la fête des zombis, des chauve-souris, des chiens décharnés, des serpents ou des araignées géantes… Le must étant sans doute le hunter, sorte de lézard bipède mutant à la force de gorille, apparaissant en seconde partie de jeu…


Du côté de l’ambiance sonore, Capcom semble avoir déjà tout compris. Si on peut émettre quelques réserves sur le jeu d’acteur assez risible (en tout cas pour la version occidentale), le reste est d’excellente facture. À l’instar d’un Tomb Raider sorti la même année, le jeu sait distiller une atmosphère efficace en alternant intelligemment moments de silence et musiques d’ambiance qui foutent bien la pression, jusqu’à nous rendre complètement paranoïaque lorsqu’on entend un râle de zombi ou des bruits de pas suspects dont l’origine géographique n’est pas clairement identifiable, notamment quand le jeu a la "bonne idée" d’adopter un angle de vue qui se fixe sur le protagoniste, et non sur la menace potentielle…


Avant de conclure, il est temps d’aborder ce qu’apporte cette version Director’s Cut à l’originale. L’intro du jeu, en couleur dorénavant, est "moins censurée que celle de la version PAL originale mais toujours un peu quand même" : les adeptes d’hémoglobine pourront donc être un peu déçus… L’ajout le plus conséquent est sans doute la présence de deux "modes de jeu" en plus de l’aventure originale : le mode "beginner" contentera les moins doués / plus trouillards en doublant la quantité des rubans, munitions et objets de soin, et en ajoutant une visée automatique bien pratique, tandis que le mode "arrange" s’amuse à déboussoler ceux qui connaissent le jeu par cœur, en changeant les angles de caméra, le placement des objets ou certains éléments du décor. Le protagoniste est également plus fragile et les ennemis plus nombreux ; un nouvel ennemi fait même son apparition : l’hyper zombi, plus résistant et véloce que ses congénères. Mais en contrepartie, le beretta de base est remplacé par une version chromée, qui a 10 % de chance à chaque balle de one shot l’ennemi. Sauf les boss évidemment…


Bref, Resident Evil est un excellent opus fondateur, une pierre angulaire du survival-horror qu’il faut à tout prix avoir joué lorsqu’on se dit fan du genre. Après, je suis conscient que la 3D PS1, c’est un peu comme la 2D atari 2600, ça pique les yeux et c’est rebutant, surtout quand on ne l’a pas connue à l’époque ou que le retrogaming nous passe complètement au dessus… C’est pour ça qu’il existe une excellente version gamecube, sans doute même un poil meilleure, qui a de plus été récemment HD-ifiée, histoire que vous n’ayez plus aucune excuse…


Petit cadeau pour m'avoir lu jusqu'au bout.

Wyzargo
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le 25 nov. 2016

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