Pokémon Écarlate
6.3
Pokémon Écarlate

Jeu de Game Freak, The Pokémon Company et Nintendo (2022Nintendo Switch)

Un vent de renouveau, mais à quel prix ?

Couvrez ce framerate que je ne saurais voir !

Ne perdons pas de temps et attaquons-nous de suite à ce qui saute aux yeux : les graphismes. On était évidemment au courant dès le premier trailer que ce nouveau Pokémon ne serait pas un étalon graphique, mais c'est finalement bien pire qu'anticipé et c'est également un festival de bugs. Bref, indigne de la puissance (relative, certes) de la Switch, surtout quand Breath of the Wild et la trilogie Xenoblade sont passés par là plus tôt. Néanmoins, les 400 pokémon paraissent bien modélisés (si la caméra, assez pénible au demeurant, ne s'approche pas trop près) et surtout, bénéficient de textures discrètes, à l'instar des vêtements des personnages. Oui, ça paraît très anecdotique dit comme ça, mais dites-vous qu'avant Légendes Pokémon Arceus en 2022, ça n'existait pas dans les jeux Pokémon de la branche principale.


Au-delà de cette catastrophe technique, on trouve pour la première fois un monde ouvert dans la saga. Vous ne pouvez pas exactement aller partout dès le départ bien qu'une grande partie de la carte soit accessible d'office. Le pokémon légendaire rencontré en début de partie vous servira de monture pour améliorer votre mobilité et facilité d'accès à tous les recoins de la région de Paldea. Sprint, saut, escalade, surf, l'essentiel est là. Mais en plus d'un aliasing aigu et d'un framerate sous assistance respiratoire qui écorcheront plus ou moins votre expérience de jeu selon votre tolérance, ce monde ouvert amène d'autres problèmes.


Enlarge your open world

Il est grand. Très grand. Trop grand, peut-être. La carte serait générée aléatoirement que ça ne me choquerait pas de l'apprendre, sa construction ayant peu de cohérence, notamment en raison d'une complexité régulièrement inutile. En conséquence, l'exploration n'a, elle non plus, pas beaucoup de sens. On se sent constamment aguiché à gauche à droite par les innombrables créatures et objets disséminés tous les quinze mètres. Une solution de remplissage assez addictive dans les faits, mais banale au possible du point de vue game design. De temps en temps, on croisera le chemin de dresseurs, dont la moitié a manifestement quatre ans et demi, et dont l'immense majorité ne possède qu'un seul bestiau. Quel intérêt ? Quel enjeu ? Quelle différence entre se battre contre un pokémon sauvage et un dresseur possédant un seul et unique monstre dans son équipe, possibilité de capture mise à part ?


La profusion d'objets et d'espèces différentes au mètre carré, le level design alambiqué et la persistante absence d'option pour accélérer les combats deviennent responsable d'un rythme de jeu assez mou. Par ailleurs, avec si peu de directives données par le jeu, mieux vaut apprécier se perdre dans un monde virtuel (ce n'est pas trop mon cas, mais je compose volontiers avec si le reste me plaît). D'autant plus qu'il n'existe pas d'option pour locker la mini-map. De quoi rendre l'orientation par la carte en plein écran quasi indispensable et, fatalement, moins fluide.


Autre point qui vient flanquer un gros coup à la logique d'exploration : l'absence de level scaling. Non, le monde ouvert ne s'adapte pas au niveau du joueur, quand bien même lui est confiée l'opportunité de passer ses dix-huit épreuves dans l'ordre de son choix. S'il existe un ordre "idéal" établi par différents sites web, il nécessite de fréquemment se téléporter aux quatre coins de la région. Cela rend l'exploration bien moins organique, où l'instinct et l'envie du joueur sont mis de côté. Dans le cas où vous préféreriez vous diriger là où le vent vous porte, comme le jeu vous invite à le faire, vous vous retrouverez nez à nez avec des bêtes de vingt niveaux de plus que vous et, à d'autres occasions, à one-shot tout ce qui bouge. Il est quand même décevant de finir par raser les teams des champions d'arènes ou les dominants avec tant de facilité.


Faiblesse technique n'aidant pas, Paldea manque cruellement de zones mémorables. Des étendues herbues, d'accord, des déserts... et bien... particulièrement déserts (ça compte comme un point positif ?), une zone glacée classique, quelques îlots, ah on note tout de même une aire avec des bambous plutôt bienvenue, mais voilà, on est franchement pas dépaysé et la simplicité des textures n'aide absolument pas à donner de la gueule à l'ensemble. Accessoirement, on ne trouvera ni donjon, ni puzzle comme dans les anciens jeux de la licence.


Les villes sont toujours de la partie (ouf !) mais là encore, rien de bien glorieux. Elles semblent peu animées et surtout totalement paumées au milieu de nul part, étant donné qu'il n'y a rien autour à part de l'herbe, de la neige ou du sable.

Et ce n'est pas beaucoup mieux DANS les villes. Hormis de rares exceptions, on ne peut fureter à l'intérieur des bâtiments et concernant les boutiques, il faut se contenter d'un simple menu d'achat / vente.

Mention spéciale à l'immeuble de quatre étages qui a pour seule (et UNIQUE) fonction de s'inscrire à l'épreuve de passage de l'arène de la ville, puis de lancer le combat une fois celle-ci réussie. Mais vous ne combattrez pas dedans. Il faudra ce satisfaire du court de tennis de Cergy-Pontoise improvisé en terrain de combat pokémon pour l'occasion, avec quelques PNJ curieux qui viendront observer vos exploits.

En solo, la téracristallisation souffre du même problème que le dynamax : les champion.ne.s l'utilisent systématiquement sur leur dernier pokémon, donc la mécanique est prévisible à souhait et ne change rien à l'issue des affrontements. Elle se montre pourtant plus attrayante et surprenante en compétitif.


Tant qu'on y est, les épreuves de passage, parlons-en. En résumé : on dort. La plupart sont triviales et inintéressantes. Il y en a quand même trois qui retiennent davantage l'attention :

- L'épreuve et le combat contre Laïm proposent des combats duo et c'est le seul endroit du jeu, hors multijoueur, qui en propose.

- L'épreuve de Mashynn, pas pour son gameplay, mais parce que les dialogues étaient funs.

- L'épreuve d'Okuba (meilleur personnage du jeu bien sûr), une petite énigme très appréciable.


L'écriture et la musique à la rescousse

Sur le plan des réussites, la bande-son se situe sur le podium. Certaines musiques sont tout simplement excellentes et se montrent dignes du haut du panier de la licence. La 8G, encore une fois, avait fortement déçu sur ce plan.


En terme d'écriture et de scénario, la 9G fait bien mieux que Sword / Shield, mais ce n'était pas bien compliqué. Le boulot de traduction et d'adaptation est par ailleurs très bon et donne lieu à quelques rigolotes surprises.

On a enfin une team dont le but repose sur autre chose que de jouer du vuvuzela pour encourager Rosemary dans ses combats. Les liens unissant les membres principaux de la Team Star permettent de glisser un message intéressant, notamment pour les plus jeunes, même si son traitement méritait d'être plus travaillé. Accessoirement, leurs épreuves sont simples tant en terme de gameplay que de difficulté, mais elles viennent ajouter un peu de diversité au jeu.


Le personnage de Pepper et l'histoire qui l'entoure constituent à mes yeux le morceau le plus intéressant du scénario. Je ne me risquerai pas à vous en dire plus ici de peur de vous spoiler. Le protagoniste vous donnera également un coup de main pour trouver et abattre les cinq pokémon dominants, plus costauds que les créatures habituelles. Encore une fois, ça permet de varier un peu les plaisirs, sans que la mécanique ne crève le plafond.


Enfin, la quête des badges est associée à des rencontres régulières avec Menzi. De nature joviale, sympathique et... particulièrement motivée à combattre, on ignore cependant tout - ou presque - d'elle, le dernier segment du jeu n'apportant que de maigres précisions.

Et ce dernier segment est réellement soigné. Non content d'apporter une conclusion satisfaisante, il se permet aussi :

- Un ton plus mature,

- Un twist bienvenu,

- Une salve de lore qui laisse espérer un approfondissement dans un potentiel DLC,

- L'un des meilleurs combats du jeu,

- Des pokémon surprises.


Il est également possible de suivre des cours à l'académie. Ceux-ci contiennent des informations utiles pour les néophytes à propos des rouages de la licence (capture, combat, shinys...) et sont ponctués par deux séquences d'examens qui mettront votre savoir à l'épreuve. Entre les leçons, on a droit à quelques séquences plus personnelles avec les professeurs ainsi qu'à 2-3 quêtes annexes supplémentaires. Si dans la forme, l'idée est intéressante et peut évoquer l'aspect life sim de Persona 5, on en est toutefois très loin en terme d'intérêt et d'amusement.


Enfin, il me paraît important de souligner que tous ces efforts scénaristiques et d'écriture appuient le manque toujours plus pesant de doublages dans la licence.


Et le postgame ?

On va commencer par la mauvaise nouvelle : il n'y a pas de tour de combat ou d'équivalent. Il faudra ce contenter d'un tournoi des élèves et professeurs de l'académie appréciable, mais qui ne permet aucunement de faire de la stratégie.


La complétion du Pokédex est satisfaisante tout le long du jeu, avec des récompenses à la clé toutes les dix nouvelles bestioles capturées.


Enfin, les raids demeurent agréables et offrent du challenge à partir de la difficulté 5*. Leur farm est rendu utile pour obtenir certains objets permettant notamment de changer le type de téracristal.


En bref :

Qu'est-ce que je retiens de ce nouveau Pokémon ? Un rythme assez mou, une exploration bancale, une région esthétiquement oubliable et un post-game qui me laisse sur ma faim, mais une formule qui évolue vers une bonne direction. Un monde ouvert pour Pokémon est une bonne idée, mais en l'état, il n'est pas convaincant à mes yeux. Une meilleure technique permettrait, entre autre, une répartition plus logique de la biodiversité pokémon ainsi qu'une panoplie d'animations plus étendue afin d'avoir la sensation d'explorer un véritable écosystème. Sur Switch 2, peut-être ?

Epsil0n
6
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le 30 déc. 2022

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Ɛpsilon

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