NieR: Automata
8.1
NieR: Automata

Jeu de Platinum Games, Yoko Taro et Square Enix (2017PlayStation 4)

Je ne sais pas ce que vous faites ici, je ne sais pas pourquoi vous lisez des critiques et pourquoi j'en écris. Tout ceci n'a aucun sens, nos opinions n'atteindront personne, nos analyses ne profiteront pas aux créateurs que nous admirons tant, le patrimoine et les œuvres que nous mettons en avant ne seront pas découverts en dehors de notre petite bulle. Est-ce que cela en vaut vraiment la peine ?


Vous le saurez en jouant à Nier : Automata, le dernier jeu de Yoko Taro développé par Platinuum Games. 
Si, si.
Bon, j'exagère pour le style, mais en jouant à ce jeu on se retrouve à se poser ce genre de question et à avoir un début de réflexion et de réponse

Je vais être relativement concis sur cette introduction. Je souhaiterais beaucoup vous parler de l'histoire du Nier : Automata, du Narrative Design, des propos abordés dans le jeu sur la condition humaine et la culture, de ce que j'ai ressenti en tant que joueur. Je ne le ferais pas. Le jeu n'est sorti que cette année, ce serait injuste de vous gâcher sa découverte et ses surprises. Si vous comptez y jouer pour sa direction artistique et/ou son histoire coupez-vous de toutes les informations, les bande-annonces, les vidéos et les critiques. Préservez-vous jusqu'au jour où vous pourrez vous procurer le jeu. Je préfère écrire une critique partielle que de me dire que je gâcherai l'expérience de certaines personnes.


D'ailleurs, Senscritique est génial pour croiser les avis et les analyses des joueurs ou des lecteurs, donc je n'offrirai qu'une analyse partielle. Il y a tellement de meilleurs critiques qui parlent de l'histoire et de ses défauts, de d'autres détails et qui ne se préoccupent pas du spoiler. Ici, on n'abordera que la partie de Nier : Automata que je trouve perfectible et qui m'exaspère, le système de jeu et le système de combat.


Un bon jeu, dans le sens mécanique du terme, est selon Sid Meier « une suite de choix intéressants ». Il ne doit pas y avoir une option clairement meilleure que les autres (sinon le choix est facile à faire), mais les options ne doivent pas être toutes également satisfaisantes (sinon le choix est ennuyeux), et le joueur doit pouvoir effectuer son choix en connaissance de cause (...). cf. Merlanfrit


Sur un jeu qui repose sur un système de combat, on peut parler de deux grandes dimensions : la complexité et la profondeur. La complexité du système de combat dépend du nombre d'outils que le joueur aura à sa disposition pour résoudre ses problèmes. La complexité dans Nier : Automata se retrouve dans les nombres types d'attaques disponibles, qu'elles soient au corps-à-corps ou à distance, le nombre d'armes disponibles et les différents combos à apprendre. Certains pans de la complexité du système de combat de Nier : Automata peuvent être ratés par le joueur pressé. La profondeur du système combat est le nombre de variable à prendre en compte pour savoir à quel moment quelle action effectuée. Plus un système de combat est profond, plus il peut offrir de choix nuancés et significatifs aux joueurs, car si toutes les possibilités ne se valent pas. La profondeur du système de combat désigne les relations entre les possibilités du joueur, sa palette d'outils, et le problème à résoudre ; le ou les ennemis à affronter, en incluant lors de certaines occasions l'influence de l'environnement. Comment on se bat, contre qui on se bat et où on se bat, en d'autres mots. Dans Nier : Automata, le joueur sait qu'il peut utiliser son attaque à distance ou sauter et frapper s'il se retrouve face à un ennemi aérien. Dans la première situation il mettra du temps à éliminer son ennemi, alors que dans la seconde il pourra en finir plus vite, mais sera exposé aux attaques lors de son passage dans les airs. Il y a un bien une notion de risque et d'efficacité entre ces choix qui ne se valent pas exactement.


Pourtant, le titre de Yoko Taro ne brille pas sur le second point. Le système de combat n'est pas particulièrement profond compte tenu de sa complexité. Tout d'abord, le système de combinaison d'attaques qui repose sur les coups légers et les coups lourds n'est jamais exploité entièrement. Le joueur a la possibilité de sortir un très grand nombre de coups en variant ses frappes ou en maintenant appuyé un bouton, mais cette longueur n'est pas encouragée puisqu'un coup n'arrête pas forcément l'animation d'attaques ou l'élan d'un ennemi. Cette dernière variable prend en compte la différence entre le niveau du personnage et le niveau de l'adversaire touché. Un joueur risque donc d'être exposé aux coups de son adversaire même s'il maîtrise le système de combos. Ensuite, les ennemis ne possèdent pas de faiblesses à des armes spécifiques : la richesse du système d'arme et des possibilités de jeu ne servent donc à rien dans le game design. Une arme, qu'importe son type ou sa catégorie, ne sera appréhendée que selon sa puissance d'attaque et le nombre de coups qu'elle peut porter selon son port (léger ou lourde). Le système d'esquive et de contre vient apporter une nuance à ce point puisqu'une contre-attaque dans Nier : Automata est différente selon l'arme utilisée. Un contre léger avec une épée propulsera un ennemi dans les airs pour que vous puissiez l'asséner de coups tandis qu'un contre léger avec une lance permettra d'éloigner les ennemis autour de vous par une attaque rotative. Le problème de la différence de niveau revient dans ce cas aussi puisqu'un contre peut être sans effet sur l'animation d'un ennemi s'il est d'un niveau supérieur au vôtre. Un énorme défaut pour un jeu d'action puisque vous ne pourrez pas compenser votre faible niveau par une maîtrise du système de combat. Enfin, Nier : Automata est un jeu plat dans ses combats, car le bestiaire restreint s'affronte toujours de la même façon et les lieux de rencontre ne changent pas foncièrement la manière d'appréhender les affrontements.


En cela la complexité de Nier : Automata relève du gâchis. Qu'importe qu'il y ait trois variation d'attaque avec l'arme lourde juste en pressant plus ou moins longtemps la touche, que je puisse changer de sets d'arme en pleine mêlée ; je ne vois pas de différence à utiliser un coup léger ou un coup fort, je ne vois pas d'intérêt entre frapper en premier le grand robot qui me fonce dessus ou le petit qui tourne ses bras avec ses yeux rouges. Il y a un bien plaisir esthétique et/ou un plaisir d'expression (disons même de role-play) à voir 2B faire du pole-danse en attaquant avec sa lance ou à n'utiliser que des katanas comme un personnage d'animé. L'animation générale et la customisation du physique de notre personnage à travers ses armes est un plaisir visuel. Mais, en terme de mécanique, ce système de combat, comme ceux de la plupart des Beat'em up, m'ennuie à la différence d'un système d'un Batman Arkham ou d'un Dark Souls.


Les combats de Nier : Automata sont aussi gâchés par des problèmes techniques et des choix de design fait en amont dans le processus créatif. La question du monde ouvert et de ses vastes environnements : si vous comparez le premier passage du jeu, celui de la démo, aux combats des premières heures du jeu, vous verrez où je veux en venir. Les environnements éclatés empêchent une disposition claire des ennemis. On se retrouve à recevoir une attaque furtive ou un projectile d'un ennemi en se promenant sur la carte parce qu'il était dans notre angle mort. La lisibilité du jeu est de plus entachée par les animations des attaques ennemis peu lisibles, les effets de lumière lors des impacts des coups et les dégâts affichés par l'ATH. La présence d'un second personnage à l'écran partageant les mêmes couleurs que le personnage qu'on joue renforce ce manque de lisibilité. Le jeu compense ses faiblesses mineures par une esquive très permissive, une caméra qui sait se montrer fixe par moment et l'invulnérabilité du second personnage qui nous accompagne. Aucun jeu n'est pas parfait sur le plan technique, mais il est bon de rappeler que Nier : Automata est aussi esthétiquement éblouissant qu'émétique selon le nombre d'éléments à l'écran. Juste quelques défauts objectifs liés à des choix créatifs que je comprends. 

Par contre, le choix créatif que je n'approuve absolument pas c'est la liberté de choisir son mode de difficulté. Par principe, je n'apprécie pas cette liberté puisqu'un jeu est une expérience offerte par une équipe créatif avec une vision sur un genre, sur son média ou même le monde. La difficulté sert cette vision. Nous ne sommes plus à l'âge d'arcade où elle devait servir un objectif mercantile. Elle devrait appartenir uniquement aux créateurs. D'une part, la difficulté influence sur le ressenti d'une expérience de jeu : les émotions de peur et d'inquiétude que je ressens dans Silent Hill sont catalysés par la résistance des monstres que je dois mieux fuir plutôt que combattre, la facilité que Nathan Drake a enchaîné les militaires dans Uncharted 2 alimente cette impression de jouer à un divertissement grand spectacle sans trop de gravité, la résistance de l'Homme-Araignée dans Spider-Man Dimensions participe aux sentiments de puissance de super-héros quand la fragilité de Lester Knight accentue son humanité dans Another World. Toucher à la difficulté se révèle être délicat pour la cohérence générale. D'autre part, ces modes de difficulté manquent leur objectif selon moi. Si le but des développeurs est de proposer une expérience qui contentera le plus de personnes, alors ils doivent créer une courbe d'apprentissage et de difficulté croissante pour tous. Comme l'ont fait The Witness ou Portal, ces jeux considèrent que tous les joueurs commencent à partir de rien. Ce qui est très difficile à faire au regard de la complexité des périphériques et des jeux d'aujourd'hui. Changer la difficulté du jeu ne changera pas son usabilité, la portion de joueurs touchés en plus sera minime à mon avis. Un Bioshock avec un mode facile ou un Nier : Automata avec un mode facile resteront les mêmes jeux avec les mêmes contrôles complexes. Vos ne pourrez pas amener un plus grand public en proposant plusieurs modalités différentes dont la nuance ne sera perçu que par une faible tranche de joueurs.


Le pire, c'est qu’au-delà mon pinaillage et ma divergence d'opinion, les modes de difficulté de Automata sont mal faits. Le changement est artificiel. On peut séparer les trois premières modes de difficulté (Facile, Normal, Difficile) et le dernier (Extrême). Les premiers modes rendent le système de combat peu engageants. Comme on l'a écrit précédemment ils ne rendront pas nos choix significatifs puisque des solutions simples et rapidement identifiables s'offriront à nous. Une solution au hasard : la possibilité de posséder autant d'objet de guérison qu'on le souhaite et la possibilité de les utiliser en plein combat juste après avoir reçu un coup non-mortel. Comme ces objets ne sont pas bien chers, on s'en retrouve avec énormément dès le début. Je vous assure qu'elles annihilent l’intérêt du système du jeu. En normal ou en difficile, on roule ni plus ni moins sur le titre passé le troisième boss de l'histoire. Le sentiment d'implication, de valorisation et le plaisir d'apprendre à maîtriser le jeu en prennent un sacré coup. Le dernier mode (Extrême) lui est plutôt une mauvaise blague des développeurs. Il rend chaque attaque ennemie - qu'importe sa puissance - mortelle.... Une telle règle « appauvrit » dans les faits le système de combat. Énormément d'éléments du jeu ne sont plus utilisables en difficile. Le système de combat qui n'était pas très profond devient moins complexe par dessus puisque les objets de soin, les améliorations défensives et les améliorations bonus comme la possibilité d'absorber la vie de ses ennemis ou les secondes d'invulnérabilité après avoir reçu un coup deviennent obsolètes. Les défauts précédemment cités sont amplifiés quand on passe dans ce mode de difficulté. Une mauvaise blague. Ce qui me fait dire que cette liberté de départ était un très mauvais choix de la part des développeurs.


"Un manque de profondeur, une technique venant nuire à la lisibilité des affrontements et un choix de difficulté artificielle qui impacte négativement la complexité du titre, ce sont les principaux écueils du système de combat de Nier : Automata." On aurait pu se contenter de cette phrase dans un texte plus grand, mais selon moi, il aurait été dommage de s'arrêter à ce niveau d'analyse comme le font énormément de critiques et tests. Actuellement, on insiste beaucoup sur les intentions d'auteurs, la direction artistique, l'histoire ou l'intertextualité des jeux dans les critiques actuelles, et c'est très bien, le jeu vidéo mérite plusieurs d'angles approches. Mais peu à peu on commence à occulter tout commentaire sur le système de jeu pour rester dans le descriptif pur et les raccourcis éculés. Comme si certaines choses allaient de soi ou que ce système s'avérait être secondaire.


Et sans trop flirter avec les spoilers, Nier : Automata de par sa direction artistique et sa progression transcende les défauts et les qualités de son système de jeu. Comme tous les jeux à l'esthétique recherchée, cette direction artistique sublime le jeu notamment grâce à ses musiques puissantes et son sound design parfait. Des fois, il passe à côté de son expérience, en se fichant bien du joueur au détour d'un combat de boss scripté qui se terminera à la fin d'un dialogue entre les protagonistes et leurs adversaires ou à travers des quêtes secondaires sans intérêt. Mais à quelques moments, ce système au sein d'un système plus grand se vit différemment. La première heure du jeu en donne un avant-goût : on commence dans notre vaisseau avec un scrolling vertical quand la caméra et les possibilités de jeu se muent directement devant nous avec des transitions fluides à en faire pâlir les plus beaux plan-séquences du cinéma. Une fois à terre, cette progression souple continue. On arpente une forteresse ennemie avec une caméra 3D, puis 2D de côté, une caméra vue du dessus pour terminer avec un affrontement de boss à l'issue dramatique. Ce passage bien que linéaire contrairement au reste du titre est bien un passage où le système est transcendé, où le tout parvient faiblement à être sublimé, où le système de jeu avec ses défauts et ses qualités s'oublie sans pour autant disparaître ou déresponsabiliser le joueur en lui ôtant le contrôle. On est transporté.


Je pinaille, je pinaille, mais quand on est objectif, les affrontements sont clairement plus des deux tiers de l'expérience que le joueur vit, il serait donc illogique de les passer sous silence. Heureusement Nier : Automata, c'est un jeu qui transcende son système de jeu de par son enrobage artistiques et de par ses choix de progression, sa façon de jouer avec les codes et la narration des jeux vidéo.


Mais on reparlera publiquement d'ici un an ou deux. Et pour ceux qui ne m'ont pas écouté au début du commentaire et qui se sont mis à lire alors qu'ils n'ont pas (encore) jouer au jeu posez-vous cette question « à quel point ce titre est-il spécial pour que son appréciation soit positif malgré tous les défauts qu'il a passé en revue ? » Pour une fois je n'avais pas envie de participer à la culture du spoiler sur internet, mais il fallait tout de même écrire quelque chose - même minime - sur cette œuvre.

H_Zinzolin
7
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le 1 déc. 2017

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H_Zinzolin

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