Paradise Lust

Doté d’une direction artistique puérile (style manga crasse avec ses gamines en décolleté et les joues qui rougissent parce qu'on parle de cul) et de dialogues gênants (des enjeux narratifs aux interactions avec la gente féminine), et accompagné d’une bande-son dont la médiocrité efface les intentions (de la drum’n’bass calme), Neon White aurait de quoi calmer les ardeurs de n’importe quel joueur sorti de son adolescence libidineuse, le renvoyant vers les heures sombres et pas si lointaines où dans l’inconscient populaire il est un geek boutonneux qui se touche sur la mini-jupe de Tifa en évitant soigneusement de frotter ses bourrelets. Un emballage infâme donc.

Fort heureusement, toutes ces fautes de goût sont rapidement balayées par une excellence dans la proposition ludique, Neon White se positionnant sur un genre de niche en lorgnant vers le devenu culte Mirror’s Edge, celui des speedrunners. Ici, l’objectif est simple, atteindre la ligne d’arrivée en éliminant tous les monstres sur notre chemin en un temps record. Pour cela, on ramassera en chemin des armes sous forme de cartes. Chacune d’entre elles (cinq ou six différentes) pourra soit être utilisée pour tirer sur les masses noires qui figurent nos ennemis, ce qui utilisent des munitions et réduit la durabilité de notre carte, soit défaussée pour une capacité unique (double-saut, dash, grappin…). Le tracé à suivre est balisé par la présence des créatures, permettant ainsi au jour de se focaliser sur l’efficacité dans l’économie de ses actions. Seulement, comme disait Jean-Pierre, “La route est droite mais la pente est forte”. Car si finir un niveau ne sera jamais bien compliqué, c’est bien atteindre la médaille Ace qui vous fera recommencer la centaine de niveaux du soft pour grappiller ces précieuses secondes.

Mais là où se démarque le titre de Ben Esposito (souvenez-vous, c’était lui derrière l’anecdotique mais sympathique Donut County), c’est dans son approche pédagogique de la course à l'échalote. Le jeu vous prendra par la main pour que vous atteignez le chrono visé, et ce par deux petites mécaniques simples, mais diablement efficaces:

Débloquez la médaille d’argent, et vous pourrez activer le ghost de votre meilleur temps. Chouette, je vais pouvoir optimiser mes angles et comprendre comment tuer ce mob sans y passer des plombes!

Débloquez la médaille d’or, et c’est un indice qui apparaîtra dans le niveau, sous forme d’une petite main flottante qui vous montrera un tracé alternatif quand vous l’approcherez. Le raccourci ainsi dévoilé vous fera économiser de nombreuses secondes qui rendront la médaille tant convoitée aisément accessible.

C’est tout con, mais c’est rudement bien mené. Ainsi, le schéma suivant se déroulera lorsque vous commencerez un niveau:

- Première run pour voir de ce dont il s’agit, pour comprendre le trajet. On briguera facilement l’argent, voire l’or dès ce premier essai.

- Des runs successives en optimisant le tracé, tout en gardant un œil dans le décor pour zyeuter l’indice.

- La découverte dudit indice, et la tentative de mise en application sur quelques runs

- La maîtrise et la médaille Ace

Ça peut paraître lourdement chronophage sur le papier, mais dans les faits, la plupart des niveaux naviguent entre trente secondes et une minute pour en voir le bout. Beaucoup d’entre eux seront pliés en moins de cinq minutes, tandis que les plus durs vous y feront peut-être passer quelques dizaines de minutes.

Et si d’aventure vous trouviez la tâche trop aisée, sachez qu’il existe des médailles Red, correspondant au temps des développeurs. Et qu’il y a un leaderboard mondial pour ceux qui ne veulent pas juste speedrunner, mais qui veulent speedrunner de manière compétitive. Et que la médaille de bronze débloque la présence d’un collectable dans le niveau, qui vous demandera de sortir des sentiers battus pour rejoindre un endroit soit planqué, soit demandant de bien gérer ses cartes pour l’atteindre. Ces objets seront ensuite donnés aux différents personnages dans le hub du jeu pour débloquer des dialogues (atroces), et, surtout, des niveaux bonus sous formes de challenges aux conditions particulières (pas de compétences spéciales sur vos armes, des pièges à éviter…). Il m’aura fallu une vingtaine d’heures pour atteindre le bout de l’aventure avec toutes les médailles Ace, tous les collectables, et tous les défis spéciaux remplis. Et pour les plus acharnés d’entre-vous, il existe cinq ou six modes déblocables via les cadeaux, vous demandant d’enchaîner tous les niveaux du jeu sans mourir (ou tous les niveaux bonus attachés à un personnage). J’ai jeté l’éponge à cet endroit là, mais le potentiel y est pour ceux qui sont prêts à doubler la durée de vie de leur jeu avec des heures et des heures d’entraînement.

Vous l’aurez compris, malgré sa beaufitude dans tout ce qui a trait à la communication avec le joueur, Neon White est un bijou au gamefeel incroyable, et à la bienveillance ludique qui ouvre les portes d’un genre pour les joueurs pantouflards qui aimeraient bien s’essayer à la rapidité. Il est un très digne représentant de cette catégorie désormais bien identifiée des “Easy to learn, hard to master”.