Mafia: Definitive Edition
7.3
Mafia: Definitive Edition

Jeu de Hangar 13 et 2K Games (2020PlayStation 4)

A ce qu’il parait, cette Definitive edition serait un vrai remake du premier opus ; à comprendre par là une version retravaillée, remodelée, optimisée, pour vraiment trancender au mieux ce chef d’œuvre que fut à l’époque le Mafia original de 2002…
…Eh beh…


Alors mettons tout de suite les choses au clair histoire que vous saisissiez d’où je parle : je n’ai jamais joué à Mafia avant cette édition définitive.
Et si je n’y ai jamais joué c’est parce qu’à l’époque, vu de loin, ce jeu avait l’air d’être un GTA like mou, lent et chiant, ce qui n’avait rien pour m’aguicher tant je n’étais pas client des jeux Rockstar.
Malgré tout, ça n’a pas empêché à ce Mafia et à ses suites de se constituer un large public de fans assez fidèles (et cela même sur le long terme) ; phénomène qui explique d’ailleurs sûrement ce choix des studios Hangar 13 de remettre à flot ces premiers épisodes après un bon toilettage technique (tiens donc, comme GTA) histoire de capitaliser sur la notoriété de la franchise.
Alors après tout pourquoi pas – tant mieux pour les fans – mais en ce qui me concerne j’avoue qu’en 2020 comme en 2002, je ne suis clairement pas senti concerné par ce jeu. Seulement voilà, totalement bradé depuis, un pote a décidé de me l’offrir.
C’était vraiment gentil de sa part mais franchement il ne fallait pas…
…Ah ça non. Il ne fallait vraiment pas.


Bon alors déjà – premier point – ce jeu ça reste quand même du triste GTA… Et je tiens encore une fois à préciser – histoire qu’on ne se méprenne pas sur le sens de mes propos – que moi, pour l’essentiel, je n’aime pas GTA.
Alors certes, j’ai pu globalement me retrouver dans les propositions de GTA V et de Vice City pour le ton décalé et l’univers fleuri proposés, mais par contre les épisodes aux tons plus sérieux comme le III ou le IV c’était pour moi la pire des plaies.
Dirigiste jusqu’à la lie, répétitif au possible, balourd, bavard, sans enjeu, bête… Autant de reproches que j’ai envie de reprendre tels quels pour ce Mafia, Defitive edition.


Et d’ailleurs il va falloir qu’on m’explique comment certaines ou certains peuvent affirmer de but en blanc que GTA et Mafia ça n’a pas grand-chose à voir. (Oui j’ai lu ça, et pas qu’une fois…)
Eum… Comment dire… Moi j’veux bien mais bon il y a quand-même quelques similitudes (euphémisme) entre les deux jeux, non ?
Dans Mafia on incarne un chauffeur de taxi qui va intégrer progressivement la pègre. En termes de jeu ça va se traduire par le fait de devoir accomplir des courses à travers une ville en monde ouvert d’un point A à un point B ; de fuir de temps en temps la police avec un système d’alerte sous forme d’étoiles qu’il faudra faire redescendre à zéro en semant les policiers puis en esquivant les patrouilles sur la carte ; ou bien encore de mener des missions à pied où il sera question de semer bourre-pifs et des billes de sulfate…
Bon… Ai-je vraiment besoin d’en rajouter ?


Ai-je besoin d’évoquer le scénar du petit gars qui monte dans l’organisation criminelle ? Des scènes cinématiques à outrances ? Des jacesseries plates et inutiles que ce soit aussi bien durant les cutscenes que lors de ces interminables trajets ?
Désolé de le dire comme ça mais, de ce que j’en vois, il y a autant de différence entre Mafia et GTA qu’entre le Pepsi et le Coca.
Donc – s’iou plait – actons au moins ça.


Mais qu’on se comprenne bien malgré tout…
Qu’une licence soit une décalcomanie d’une autre, moi perso je m’en fous un peu…
Le problème à mes yeux ça reste que cette formule de jeu – surtout en 2020 ! – elle est juste usée jusqu’à la moelle et surtout… Bah je la trouve chiante au possible en fait.


Parce que c’est quoi jouer à Mafia : Definitive edition ?
Au fond c’est la deuxième mission du jeu qui en parle le mieux. Elle est intitulée Running Man.
On vient tout juste de se coltiner une première mission de tuto concernant la maniabilité du véhicule et voilà que désormais on va devoir se taper l’équivalent pour les déplacements à pied.
Comme on a eu le malheur de voiturer deux gusses d’un gang lors de notre précédente mission, d’autres gusses issus du gang adverse nous reconnaissent dans la rue et se décident à nous faire la peau. Il va donc falloir déguerpir au plus vite pour éviter la rossée. La mission commence d’ailleurs ainsi : « maintenir L3 pour courir »…
…Mais même pas besoin d’appuyer sur L3 car mon avatar court déjà tout droit. J’éxécute néanmoins l’input exigé avant qu’on daigne me rendre les commandes…
…Or sitôt la chose faite que je me retrouve déjà dans une impasse. Pas de sortie. Les mecs qui me coursaient me tabassent et vu que la caméra galère dans les espaces clos et comment mon avatar se montre peu réactif (la qualité de l’animation avant l’efficacité du jeu hein…), la messe se retrouve vite dite.
Bref je meurs. Bon, pas grave. Reupload.


Deuxième tentative.
Je refonce tout droit dans la direction qu’on me donne. Je m’efforce de trouver un templin pour passer au-dessus de la rambarde. Y’a de quoi faire mais mon avatar ne réagit sur rien alors que n’importe quel être humain un tantinet valide pourrait se trouver une issue dans cette cette situation… Mais bon, visiblement c’est trop demander à notre futur homme de main.
Je suis à nouveau coincé. Je me fais casser la gueule. Je re-meurs. Reupload.


Troisième tentative.
Pour cette fois-ci je me dis que je vais me montrer attentif. Je me dis que j’ai dû louper le bon chemin. Du coup je me fie au HUD et… Ah ! Visiblement il fallait tourner tout de suite à droite. Bref, au lieu d’aller dans la direction vers laquelle le jeu nous lance, il faut tout de suite piler et tourner (quelle idée, mais bon…) Mais l’avatar étant un paquebot je me bouffe la rambarde. L’avatar peine à pivoter, reste coincé, se fait poncer la gueule. Mort. Reupload.


Quatrième tentative.
Bon OK j’ai compris. En fait il va ne surtout pas falloir s’intéresser à mon environnement, sa logique et à analyser les possibilités.
En fait il faut juste regarder le HUD. On ne court que dans les lignes droites. Pour le reste on se contente d’identifier le rail et on le suit. Point barre.
…Et effectivement. Comme ça, ça marche.
Il faut rester dans le rail. Faire bien gentiment ce qu’on nous demande de faire et rien de plus.
Alors vous allez me dire : « Bah ouais c’est normal c’est que la deuxième mission en même temps ! Ça reste du tuto. » …Ce qui ne serait pas faux effectivement. Mais d’un autre côté le tuto annonce aussi le jeu.


Après quelques sauts et cabrioles téléguidées par le jeu, j’ai juste voulu prendre un peu l’initiative. L’HUB me demandait de tourner à droite mais en face il y avait un tonneau, un empilement de caisses puis un toit qui n’attendaient que moi.
Ce tonneau, cet empilement et ce toit, c’était exactement le genre d’obstacles que le jeu venait de m’apprendre à grimper. Or moi j’avais envie de filer par les toits. Alors zou ! Tout droit. Je grimpe le tonneau (sur un malentendu visiblement) et voilà que ce bon vieux Tommy que j’incarne refuse d’en grimper davantage !
Je me retrouve alors coincé comme un con au sommet de mon tonneau, dans une impasse face à un mur… Bon bah tant pis du coup, je vais attendre que les gusses me rattrapent et me cassent la gueule…
…Bah ouais mais sauf que non en fait.
J’étais sur un tonneau et manifestement ça perturbait mes agresseurs. Alors du coup ils m’ont sagement attendu derrière un grillage. Ça tombait bien, parce que j’avais justement envie de boire un coup à ce moment-là. Je suis allé me servir un verre d’eau dans la cuisine et quand je suis revenu rien n’avait bougé…
Definitive Edition donc…


Alors du coup j’ai bien fini par aller jusqu’au bout de cette mission Running Man et là – ô surprise ! – en courant par hasard à travers les rues de Little Italy voilà que je retombe pile sur les deux mecs que j’ai aidés la veille et qui s’étaient vraiment montrés sympas avec moi…
…Et voilà, le scénario reprend. Une cinématique s’enclenche. Je ne vais plus avoir à reprendre la manette (ou très peu) de la partie…
Or cette mission, comme je le disais plus haut, elle est quand même vraiment tout un symbole de ce qu’est ce jeu…
…De fond en comble.


C’est d’abord tout un symbole pour ce qu’elle dit du dirigisme de ce jeu.
Dans Mafia il y a une ligne de tracée et zéro marge pour s’en éloigner.
La ville de Lost Heaven et ses alentours ont beau être une aire de jeu en monde ouvert comme pouvait l’être Liberty City dans GTA III que malgré tout le jeu ne vous donnera jamais l’opportunité de vous y balader librement.
C’est d’ailleurs certainement pour moi la plus grosse absurdité de ce titre et elle est due à la manière dont a été pensée la narration de ce jeu.
Car dans Mafia notre partie est découpée en épisodes mais – contrairement à GTA – ces épisodes ne sont pas des missions qu’il convient d’aller activer en allant se balader en des points précis du monde ouvert. Non : Mafia commence avec une mission, et sitôt cette mission est-elle finie qu’une autre enchaine.
Dans les faits ça veut donc dire que, concrètement parlant et toujours en opposition aux jeux Rockstar, jamais Mafia ne nous laisse libre de nos balades dans Lost Heaven !
On est toujours en mission. On a toujours un objectif à accomplir, un point auquel se rendre, des événements contextuels à considérer si bien que, si on veut vraiment se balader un peu dans Lost Heaven, il va carrément falloir se dérouter de sa mission en espérant qu’il n’y ait ni timer, ni escorte nous empêchant de quitter notre voiture, ni surgissements précalculés d’hommes de main de la pègre rivale...


Cet aspect-là, pour moi, il est juste insensé.
Il y a toute une équipe qui a sué sang et eaux pour nous pondre un monde ouvert qui est en plus très vaste pour 2002 (et que pour ma part je trouve même impeccable en termes de taille face aux absurdités gigantistes de notre époque) ; un monde qui plus est riche d’une multitude de détails visuels, lesquels ont été en plus de ça remarquablement restaurés par Hangar 13 pour satisfaire aux standards de la huitième génération de consoles, mais ce monde ouvert, JAMAIS le jeu ne nous laisse en profiter à notre rythme ou à notre façon.
Je trouve ça juste absurde.


D’un autre côté je comprends que Hangar 13 ait été à ce point déterminé à nous cloisonner, parce qu’il ne lui faut quand même pas grand-chose pour le faire dévisser ce jeu.
D’ailleurs vous vous souvenez de ce moment de la mission Running Man où j’avais laissé mon avatar en plan sur son tonneau pendant que ses agresseurs l’attendaient bien gentiment sans rien faire ? Eh bah ça aussi c’est juste l’arbre qui cache la forêt les amis !
Sitôt s’éloigne-t-on d’un chouilla de ce que le jeu avait prévu qu’il se met tout de suite en PLS, révélant ainsi toutes ses carences mécaniques.


Moi par exemple, quand on me demande de faire le chauffeur et qu’on ne signale aucune urgence, je suis du genre à jouer le jeu jusqu’au bout et je conduis mon client ou mes collègues dans les règles de l’art : vitesse normale, respect du code, fusion avec le trafic…
…Eh bah que n’avais-je pas fait !
Rouler normalement dans cette ville c’est constater à quel point le trafic de ce jeu patine totalement dans la semoule.
On sent bien que chaque véhicule qui apparait dans notre champ de vision à une trajectoire déjà prédéfinie et qu’il ne saura y déroger en rien.
Ainsi les voitures qui avaient décidé de tourner au prochain carrefour tourneront quoi qu’il en coûte et cela malgré le fait que vous soyez sur leur trajectoire et que vous soyez prioritaire. Idem, insérez-vous dans une file de voitures qui sont arrêtées à un feu de signalisation et alors tous les véhicules situés derrière vous ne sauront plus ni quand ni où s’arrêter.
Combien de fois me suis-je fait rentrer dans le cul à un feu alors que, pourtant, j’alignais à chaque fois mon allure aux véhicules situés juste en face de moi ?!
Et que dire des comportements des piétons ! Et que dire même des tramways ! Je suis quand-même déjà tombé sur deux tramways qui se sont coincés en se croisant hein !
Oui des tramways ! Ces trucs sur des rails là !
Non mais sérieux ?! Et ça se dit Definitive Edition ça ?
…Mais quelle blague !


Et attendez ! Là je ne viens que de vous parler d’une situation simple hein – où il s’agit simplement de se déplacer d’un point A à un point B…
…Mais rajoutez à ça quelques évènements contextuels et alors le jeu sombre totalement dans le n’importe quoi !
Prenons l’exemple de la mission n°4 intitulée Routine : il s’agit de faire le tour des popotes afin d’aller prélever la petite taxe de protection auprès des commerçants du coin.
La première levée en plein Little Italy ne pose aucun souci.
La seconde a lieu dans Chinatown. C’est la première fois que l’intrigue m’amène dans ce quartier et je suis dégoûté qu’on me fasse m’éloigner de ces quelques rues étroites qui semblent plus densément fréquentées.
Je décide donc de faire un petit détour avant d’arriver à destination, juste histoire d’observer ce que le jeu est capable de faire en termes d’immersion dans un quartier aussi typique…
Je ralentis donc. Je m’engage doucement… Et là, un script semble se déclencher malgré moi.
« C’était un piège ! Les flics nous attendaient ! Allez fonce ! Fonce ! Fonce ! Avant qu’ils ne nous mettent la main dessus ! »
Je m’étonne. Je regarde autour de moi. Rien.
En fait je venais d’arriver à hauteur de la mission mais dans la rue d’à-côté. Et c’est certainement ça qui a dû déclencher la narration malgré le fait qu’on ne pouvait strictement pas me voir de là où j’étais… Alors du coup, je me suis dit que j’allais attendre, juste pour voir.
J’arrête la voiture. J’attends une à deux minutes.
Deux policiers finissent par arrîver à pied. Ils s’approchent de la voiture (Pourquoi ? Je n’ai pourtant encore rien fait de suspect) et me demandent de descendre.
Quand je vois qu’ils se rapprochent de la portière, je décide d’embrayer la première et d’avancer de trente mètres. Je prends un virage, je me gare dans un coin. Trente secondes plus tard les deux étoiles policières venaient de disparaitre…
Difficulté surmontée. Merci Hangar 13 pour ce grand moment de jeu vidéo…


De toute façon – et à bien tout prendre – on est à un tel niveau de missions scriptées avec ce Mafia qu’on serait en droit de se demander où se trouve le jeu.
Une mission est d’ailleurs truffée de cinématiques. Ça commence généralement avec une première séquence d’au moins deux minutes. Puis généralement ça s’enchaine avec un propos du genre « va voir Paulie et gère ça avec lui. » On se retrouve alors subitement aux commandes de Tommy et on ne peut alors plus parler avec personne ou aller nulle part ailleurs que jusqu’au point où se trouve Paulie. Ça demande trente secondes de « jeu » manette en main avant que ne se redéclenche une cinématique… Et franchement ça peut enchainer comme ça à plusieurs reprises, à tel point qu’on aura passé plus de temps à mater des cinématiques qu’à entrer des inputs dans la manette.


Prenez la mission n°8 intitulée Sarah par exemple et vous aurez là un modèle du genre…


Comment se déroule-t-elle cette mission ?
D’abord une longue cinématique durant laquelle Luigi fait savoir qu’il aurait bien besoin qu’un homme jeune, fort, beau et intègre protége sa fille Sarah des voyous qui guettent.
Sarah débarque alors. Luigi lui répète ce qu’il venait déjà de raconter à Tommy et le jeu commence enfin…
Enfin… Disons qu’il faut marcher à côté de Sarah. Pas moins vite. Pas plus vite (de toute façon le jeu l’interdit) le temps que la conversation se déroule jusqu’au bout.
Après une bonne minute de marche nous attend un haut moment de gameplay : il faut frapper à une porte pour que s’enclenche un nouveau dialogue !
Cette conversation terminée, il faut marcher à nouveau, acheter une boisson à un marchand itinérant (l’action s’accomplira automatiquement, il ne faudrait pas nous fatiguer non plus) et ensuite on remarche à nouveau…
Et ce n’est qu’après presque dix minutes qu’enfin survient un potentiel moment de jeu.
Des vilains gars sont là. Il va falloir les taper. Mais pas n’importe comment. Marteler la touche « rond » comme à l’habitude n’est ici pas souhaité, alors de temps en temps il faudra faire une feinte avec « triangle » comme indiqué sur l’écran.
Quand bien même tu prends un gars par surprise et que tu appuies « rond » pour le maraver que le coup ne partira pas. Non non non… D’abord triangle… Puis rond. On fait ça trois ou quatre fois. Ça prend deux minutes. Et une fois la chose finie que le tout se conclut avec une longue cinématique de Tommy chez Sarah.
Durée totale de la mission : environ 15 minutes.
Part de cinématique : environ 40%.
Part de parlotte pendant qu’on maintient le stick vers l’avant : environ 50%.
Part de bagarre à base de triangle, rond, rond, rond, rond : un gros 10%.


…Du grand moment de jeu vidéo, ça c’est certain.


Et attention. N’oubliez pas Running Man !
N’oubliez pas que cette mission était symbolique de tout ce jeu et que, dans Running Man il y avait aussi l’immonde rigidité de l’avatar à prendre aussi en compte hein !…
Alors sur ce point je vais moins m’attarder parce que je n’ai pas non plus envie de trop tirer sur l’ambulance aux pneus crevés. Malgré tout, difficile pour moi de ne pas évoquer cet aspect-là tant il est symptomatique de tout l’ensemble.
Bah oui, là aussi on est dans la logique du coup qu’il faut savoir mettre quand le script l’a voulu et où le jeu l’a voulu. Entre ces armes qu’on ne peut pas sortir dans certaines circonstances parce que le jeu l’interdit, ces ennemis sur lesquels on ne peut pas tirer parce que sinon ça va niquer le déroulement du scénario, ou bien encore ces ennemis qu’il faut tuer dans le bon ordre sinon le personnage va être trop lent à réagir, à aucun moment on nous laisse le choix. Pire à aucun moment on nous laisse le skill.
Skill dans l’application ? Que dalle ! A la batte ou au flingue ce n’est que du bourrinage. On a même des moments scénarisés où on tire en munitions infinies (bah voyons.)
Skill dans l’organisation ? Peau de zob ! Déjà que le jeu ne nous donne clairement pas les outils pour nous organiser par nous-mêmes (par exemple on ne peut pas se plaquer contre un mur en pleine infiltration de maison), mais en plus toute initiative personnelle conduira à des situations relativement proches de celles où mon avatar s’est retrouvé hissé sur son tonneau dans Running Man.
Bref, c’est navrant.


Tout ça au final pour en arriver à cette question forcément fatidique.
Mais tout ça « pour quoi » ?
Franchement quel intérêt ?
Et quand je lis à droite et à gauche que cette version Definitive Edition corrige en plus une platrée de bugs, absurdités et rigidités de l’original, j’avoue que je reste quand même coi quand je pense à ce qu’a dû être le Mafia de 2002.


Alors on clamera alors peut-être les qualités de l’univers ou l’histoire, mais ça, moi, j’avoue que je ne l’entends pas.
L’univers je peux encore comprendre qu’il séduise, mais dans de telles conditions de jeu est-ce encore véritablement un argument ?
…Quant à l’histoire, je n’ai même pas envie de m’attarder dessus. Elle est juste un empilement de clichés scorcesiens déjà vu cent fois ailleurs ; qui plus est portés par des personnages et des dialogues consternants de pauvreté.
Tout est dit textuellement. Il n’y a jamais de sous-entendu. Jamais de lecture ou de passif induit par des regards et des comportements… Il n’y a juste que des simagrées et du roulage de mécanique de puceau. On est là aussi au niveau zéro de la création.
Au fond ce n’est pas un hasard s’il y a des écoles de scénario : c’est peut-être que, à un moment donné, écrire ça nécessite un peu de technique…
Alors après certes, l’écriture d’adolescent c’est (malheureusement) une constante du jeu vidéo et ce ne n’est donc pas sur un jeu qui a déjà vingt ans qu’on serait en droit de nourrir un quelconque espoir à ce sujet, soit… Néanmoins, dépourvu de tout jeu et laissant énormément de temps à ses cinématiques, on aurait été en droit d’espérer un minimum d’intérêt niveau intrigue, mais même pas.


Dès lors, après un pareil tour d’horizon, on serait en droit de se demander – histoire de conclure – quelle image je tire en fin de compte de ce fameux Mafia ?
Au vu de l’interminable et sulfureuse liste de défauts que je viens d’entonner – pour au final très peu de qualités – est-ce qu’il vous faut comprendre que je m’apprête à vous dire que la légende Mafia est à mes yeux totalement usurpée et qu’il n’y a au fond rien à sauver de ce jeu, notamment de ce portage ?
Alors c’est sûr : j’aimerais ne pas être catégorique dans ma réponse et ne pas tomber dans l’excès d’un jugement lapidaire et sans mesure – c’est toujours plus constructif que de peser le pour et le contre puis d’offrir une grille de lecture subtile et renouvelée sur toutes ces œuvres dont on estime les légendes grandement surfaite – mais j’avoue que, pour le coup, je vais avoir du mal à faire ça.
En gros, à part de très jolis décors et une course de voiture plutôt sympa en permière partie de jeu, je ne trouve rien à sauver…
…Ou pour être plus exact je n’ai envie de rien sauver.


Franchement, sur quel point ce jeu exprime-t-il une quelconque plus-value ?
Alors d’accord, en 2002, il fait partie des jeux qui offrent un vaste open-world – chose qui n’était pas courante pour l’époque – et je peux comprendre que ça ait laissé une marque de nostalgie auprès de certains…
…Mais franchement, même pris dans son contexte de sortie originel, qu’est-ce que ce Mafia apporte vraiment en termes de jeu ?
On ne choisit pas où il faut courir, où on peut sauter, où on doit rouler, qui on doit taper et quand le taper. On n’a même pas d’impact sur l’intrigue. On se contente juste de relier quelques points et sans aucune possibilité d’interaction.
Ça, ça ne s’appelle pas un jeu. Ça s’appelle un film…
…Et un film mal écrit qui plus est.


Alors après c’est certain qu’affirmer les choses ainsi c’est pour le moins catégorique, j’en conviens. Mais j’ai beau retourner la situation dans tous les sens que j’arrive pour autant à chaque fois à cette même conclusion.
Et pour celles et ceux qui seraient tentés de me répliquer : « Mais en même temps tu aurais voulu qu’il fasse quoi ce Mafia ? …Qu’il soit une simple redite de GTA c’est ça ? »
…A ceux-là j’aurais tendance à répondre que : « peut-être pas une redite de GTA mais au moins quelque chose qui vise concrètement à nous plonger dans les griffes de la mafia. »
…Parce que, pour moi, il est là le principal échec de Mafia.


Mais comment aurait-on pu s’y prendre dans ce cas ?
Juste pour le plaisir de l’exercice, reprenons cette fameuse mission Running Man et voyons ce qu'elle aurait pu nous offrir en étant pensée autrement.
Imaginons par exemple que, dès le départ, on m’ait autorisé à grimper ces foutues caisses pour pouvoir m’échapper par où je voulais, qu’est-ce que ça aurait changé ?
Bah déjà – première chose – ça aurait changé mon rapport à l’environnement. Sans point de fuite imposé, je me serais mis à observer les lieux pour trouver par quel chemin semer au plus vite les bandits. Mieux que ça, j’aurais davantage expérimenté les mécaniques de jeu pour découvrir ce qu’il aurait été possible de faire et de ne pas faire…
…Et si l’objectif final était de m’envoyer dans les pattes des hommes de Salieri, alors dans ce cas il aurait juste suffi de faire en sorte que je ne puisse jamais vraiment me planquer ; que quoi qu’il arrive les hommes de Morello me retrouvent ! Dans ce cas, ma seule solution aurait été de me rapprocher des quelques points judicieusement disposés dans le quartier où les hommes de Salieri se trouvaient.
Factuellement cette autre manière de faire m’aurait conduit à la même conclusion scénaristique, mais concrètement elle aurait changé mon rapport de joueur au monde ouvert… Car même ouvert je n’aurais pas eu le choix : même avec la plus grande probité du monde, Little Italy m’aurait poussé dans les bras de la mafia.


Je trouve d’ailleurs dommage par rapport à cette mission Running Man que Mafia n’ait pas pensé à en faire le vrai point de départ de son intrigue.
Son aire de jeu est magnifique et on n’a jamais l’occasion de se poser et d’en observer la finesse de reconstitution. Donc au lieu de commencer avec une mission qui nous fait tracer à toute berzingue dans la ville – à tel point qu’on n’ait jamais vraiment l’occasion de se localiser et de profiter du paysage – il aurait été de meilleur ton de commencer d’abord à pied, dans le cadre restreint du quartier de Little Italy, et de laisser cette histoire de taxi pour après.


D’ailleurs – histoire de pousser jusqu’au bout cette logique consistant à faire les choses dans le bon ordre et dans le bon sens – moi j’aurais commencé l’histoire de ce Mafia par une mission à pied sans course. Pas de Running Man mais plutôt un discovery tour.
Tommy débarque de nulle part et doit commencer par parcourir et découvrir Little Italy. Imaginons-le débarquer de nulle part, sans le sou. Imaginons qu’il arrive là dans l’espoir de se relancer grâce à un héritage ou à une invitation d’un oncle lointain qui, au bout du compte, ne l’amène qu’à mettre la main sur un vieux garage miteux et un triste taxi délabré.
La première mission de Tommy pour espérer gagner honnêtement sa vie aurait alors été de rechercher les pièces manquantes de son taxi, lesquelles étant réparties dans tout le quartier. Faute de pognon en poche, soit le vol soit le fait de rendre quelques services à des malfrats locaux se seraient dès lors imposés très vite…
A partir de là, plus besoin de sortir des cinématiques à rallonge pour poser les personnages. Ça aurait été les contraintes du jeu qui nous auraient poussées dans les bras de la mafia, nos besoins ludiques qui nous auraient amené à prendre contact avec toute la bande.
Dans cette configuration, le joueur serait alors devenu acteur de son engagement. Et ça, l’air de rien, ça aurait changé pas mal de choses en termes d’ immersion.


…Et pour les missions en taxi ça aurait pu être la même chose !
Sitôt le taxi retapé qu’on aurait dû commencer à se balader en ville pour faire des courses. Mais histoire d’éviter d’avoir à se faire chier à suivre bêtement un GPS comme c’est le cas dans Mafia, il aurait été bon que le jeu nous contraigne à sortir sa carte, à localiser les endroits, puis à définir nos propres trajectoires ; à se repérer par soi-même. Dans de telles conditions, notre capacité à satisfaire une course le plus rapidement ou soyeusement possible n’aurait pas été récompensé pareille ! Le niveau d’oseille accumulé aurait alors joué sur notre acceptation au sein de la mafia et sur les missions proposées.
Là encore, ces seuls paramètres auraient joué sur notre immersion et surtout aurait permis d’insuffler dans nos missions des enjeux.
Et qui dit « début d’enjeu » dit enfin « début de jeu » !


Tout ce que j’évoque là, ce n’est franchement pas sorcier.
Il n’y avait aucune contrainte technique en 2002 qui aurait empêché les développeurs de l’époque – les gars de chez Illusion Software – de partir sur ce chemin-là. Et puis surtout, il y en avait encore moins en 2020 quand Hangar 13 a décidé de nous sortir cette Definitive Edition !
Parce qu’à un moment donné il ne s’agirait pas non plus d’oublier qu’on parle ici d’un jeu sorti en 2020. Et quand bien même je peux entendre d’un côté qu’un remake puisse vouloir rester fidèle à son modèle d’origine que de l’autre il ne faudrait non plus évacuer pour autant ce qu’implique l’exigence d’un remake.
De ce que j’en ai pu en lire, Hangar 13 a jugé nécessaire de repenser le gameplay et l’organisation de certaines missions pour que ces deux éléments puissent être davantage conformes aux standards de 2020, ce qui me semble effectivement être une logique pleine de bon sens…
…Mais pourquoi alors ne pas être allé jusqu’au bout de la démarche ?
Pourquoi ne pas avoir pris la peine de décloisonner et d’enrichir un peu cet univers au potentiel pourtant si fort ?


Mais bon… Au final, cette question, il est au fond bien inutile de se la poser. Parce que la réponse, on la connait tous.
On sait pourquoi le jeu n’a pas été décloisonné. On sait pourquoi il n’a pas été réécrit. On sait pourquoi il n’a pas été pleinement ouvert comme on saurait le faire en 2020…
C’est pour la même raison qui explique que la Definitive Edition des premiers GTA 3D n’en a pas fait davantage à ce sujet…
Si Hangar 13 comme Rockstar se satisfont de versions définitives buguées, vieillottes et ludiquement dépassées, c’est tout simplement parce qu’au fond ils savent que ça se vendra quand même.


Le principal moteur de vente d’un vieux Mafia ou d’un vieux GTA qu’on a restauré, il ne tient pas en la qualité du jeu, il tient juste à la renommée. A la nostalgie…
Il était acquis à l’avance que les anciens achèteraient cette Definitive Edition, de la même manière qu’il y avait fort à parier que des novices profiteraient de cette occasion pour parfaire leur culture, ou bien pour inviter leurs proches à parfaire la leur en leur faisant – comme à moi – des cadeaux fort bien intentionnés mais pour le coup légèrement empoisonnés.
Et encore une fois « pourquoi pas », surtout si certaines ou certains savent se contenter de ce simple effet de nostalgie ! Ce n’est clairement pas moi qui vais leur jeter la pierre ; moi qui suis le premier couillon à racheter les remakes de Mario et autres Zelda quand bien même je sais qu’ils ne sont pas forcément fameux…
Par contre, ça pourrait peut-être être chouette de ne pas perdre pour autant sa lucidité sur la réalité du produit que les studios osent nous fournir.


Car oui, la restauration de ce Mafia est élégante et saura satisfaire aux exigences esthétiques de son époque. Mais non, Mafia n’en est pas pour autant une proposition de jeu digne de 2020. C’est même tout l’inverse.
Ni vraiment un jeu. Ni vraiment une proposition. Mafia Définitive Edition est davantage un racket mené en bande organisé qu’une somptueuse fresque scorsesienne transposée en JV.


Comme quoi, avec ce jeu, la mafia n’était pas là où on le croyait…
…Et c’est malheureusement triste qu’on ait été finalement si peu à l’avoir remarqué.

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le 30 mai 2022

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L’histoire de l’homme qui avançait en reculant

Il y a quelques semaines de cela je revoyais « Inception » et j’écrivais ceci : « A bien tout prendre, pour moi, il n’y a qu’un seul vrai problème à cet « Inception » (mais de taille) : c’est la...

le 27 août 2020

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Ad Astra
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Fade Astra

Et en voilà un de plus. Un auteur supplémentaire qui se risque à explorer l’espace… L’air de rien, en se lançant sur cette voie, James Gray se glisse dans le sillage de grands noms du cinéma tels que...

le 20 sept. 2019

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Avatar - La Voie de l'eau
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Dans l'océan, personne ne vous entendra bâiller...

Avatar premier du nom c'était il y a treize ans et c'était... passable. On nous l'avait vendu comme l'événement cinématographique, la révolution technique, la renaissance du cinéma en 3D relief, mais...

le 14 déc. 2022

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