Faut rêver

Chronique garantie sans spoilers

Nous sommes en 2002, j’ai 11 ans, et un pote me parle d’un super jeu qu’il a reçu, un certain Kingdom Hearts mêlant les univers de Final Fantasy et de Disney. Je vais chez lui et le vois jouer, et me dis “Waouh! C’est trop cool! Y’a Aladdin, Tarzan et Hercule dans un même jeu! Plus besoin de sortir les versions GameGear et PS1 pour retrouver ces héros!”. Bien évidemment il me prête le jeu une fois qu’il en a fait le tour, et je me lance corps et âme dans l’aventure. C’est un rêve de gamin qui se réalise. Et même si j’ai jamais touché un Final Fantasy de ma vie, j’ai déjà entendu parlé de ces Léon, Cloud et autres Sephiroth.

Nous sommes en 2006, j’ai 15 ans, et même si j’apprécie toujours Disney (à ce jour je n’en loupe toujours pas un), c’est plus trop mon rêve. Alors quand ce même pote me dit qu’il a la suite de Kingdom Hearts, je suis chaud pour voir ce que ça donne et vais donc le voir jouer quelques après-midi, mais je ne mettrais pas les mains dessus. Vous comprenez, en termes de jeux, j’ai eu une des plus grosses claques de ma vie avec un certain Snake Eater l’année précédente. Mais le gameplay avait quand même l’air solide. Faudra que je me le fasse un jour.

Nous sommes en 2011, j’ai 20 ans, et j’ai un pc portable. Je me ferais bien les Kingdom Hearts mais j’ai pas de thunes et pas ma PS2. Heureusement, l’émulation, ça existe. Je lance le premier jeu histoire de me remettre tout ça en tête et je le boucle. C’est sympa mais bien trop gamin, et ça a tout de même pas mal vieilli. Il n’y aura pas de suite à cette tentative. Le rêve est bien loin.

Nous sommes en 2018, j’ai 27 ans, je tombe sur le compilation 1.5+2.5 dans le bac occasion de Micromania. Utilisateur de Senscritique depuis peu, j’ai commencé à m’intéresser aux jeux sous un autre aspect que purement ludique, et je vois la plupart des jeux de la saga encensés par les utilisateurs et mes éclaireurs. Et puis y’a KH3 qui va pointer le bout de son nez. Je vais ptêt redonner une chance au bousin. Je mets la galette dans la PS4 et lance le premier épisode dans sa version Final Mix. J’y prends plaisir, même si je commence à bien le connaître et que j’ai hâte de passer à la suite. J’enchaîne avec la suite indiquée sur la compil’, Chains of Memories, et… Je lâche l’affaire au bout de 2-3 heures. C’est quoi ce gameplay moisi, ce level design inexistant, et cette réutilisation à 100% des assets du premier jeu? Allez, ciao! Au pire c’est pas grave, je lance directement le second, paraît que c’est le meilleur ! Mais? Mais c’est quoi ce prologue/tuto imblairable? Je bite rien et c’est beaucoup trop long. Et puis y’a God of War qui sort là, donc bon… Un cauchemar ce rêve.

Nous sommes en 2021, j’ai 30 ans, et j’attends toujours de pouvoir mettre la main sur une PS5. Alors que je regarde les promos sur le PSStore (eh ouais, Micromania en temps de Covid c’est fini), je vois la compil’ All in One à 20 balles. Je me dis “Mouais, j’ai déjà une partie des jeux, et en vrai je vais jamais y jouer”. Je mets quand même dans le panier, et je retourne à mon lèche-vitrine. “Oh ! Une réduc’ sur The Pathless, nickel ça me tentait bien. Allez hop, j’ajoute et je valide mon panier… Merde, j’ai oublié d’enlever KH...Bon, tant pis.”
Deux semaines passent, j’ai joué à d’autres trucs et je me retrouve face à cette compilation. Allez, c’est le moment, j’ai pas grand chose à me mettre sous la dent. Mais bordel, il faut se farcir Chains of Memories… Allez, je le rush et on en parle plus.

Kingdom Hearts Chains of Memories - 4/10

J'ai dû me forcer pour aller au bout (vu que je suis dans une lancée de me faire tous les KH et qu'à priori, le scénar c'est le bordel si on rate des trucs). Le gameplay à base de cartes alterne entre du button mashing bête et méchant, et des combats où on prie les dieux de la RNG pour ne pas se faire péter ses cartes. Ajouter à cela des éléments scénaristiques importants ne composant que 10% du tout, une réutilisation à 100% des assets de KH1 (qu’ils soient graphiques ou
musicaux - d'ailleurs j'en peux plus de ces loops de 30 secondes, le thème de Traverse Town à la base j'aimais bien, mais là...), et un level design inexistant puisque dépendant de nos choix de cartes...
Une purge à mes yeux, qui montera jusqu’à 4 parce qu'on remerciera tout de même le boulot fait pour passer d'un jeu GBA à ça.

Ouf, c’est fini. Je peux attaquer la pièce de résistance maintenant que je suis lancé. J’ai juste à passer ce prologue bien lourd et je pourrais profiter.

Kingdom Hearts II Final Mix - 8/10 ♥

J'ai passé ce prologue (toujours aussi lourd cela étant) et ai fini par dévorer le jeu de bout en bout. Le gameplay du premier opus est ici repris et magnifié, avec un dynamisme accru, plus de possibilités, et des combats de boss qui envoient (notamment les XIII et Sephiroth). Certes, on pourra finir le jeu en standard avec 70% de button mashing, mais quand ça se corse, c'est le pied. Les mondes quant à eux sont variés et plutôt bien foutus, et l'histoire commence enfin à départir des saynètes de chaque monde Disney (dont on se fout royalement tout au long de la saga, qu'on se le dise) pour ouvrir de nouveaux horizons. Certes c'est toujours assez niaiseux, l'esprit shonen/pouvoir de l'amitié mélangé à du Star Wars, mais y'a quand même un truc, une sorte de magie qui opère. Bref, je ne m'attendais pas à autant aimer le titre qui me motive encore plus pour lancer les suites/préquelles/spin-off. Je suis Nomurisé.

C’était trop bien! Bon, c’est largement moins bien écrit que n’importe lesquels des films dont c’est adapté, beaucoup trop mielleux, mais une toile commence à se tisser. C’est prenant, et du pur bonheur à jouer. J’ai maintenant un KH 358/2 à regarder, on va voir ce que ça donne

Kingdom Hearts 358/2 - Version cinématique - 4/10

Récap d'un jeu (via cinématiques et cartons-textes. Trois heures très longues, sans mise en scène aucune (on discute en mangeant des glaces) et qui n'apportent pas grand chose à l'histoire vu qu'on supposait déjà tout ce qui y est raconté. Seule l’introduction de Xion aura son importance (toute relative) par la suite

Bref, un scénario filler dont j'attendais un peu plus. Un résumé en 5 minutes sur youtube aurait été un meilleur usage de mon temps.

Bon, c’était un passage nécessaire, mais paraît que Birth By Sleep c’est de la bombe. Et puis la toile continue de s’étoffer, on va voir ce que ça donne.

Kingdom Hearts Birth by Sleep - 6/10

Si l'histoire apporte son lot d'ajout intéressant dans l'univers KH, ouvrant un tas de nouvelles pistes scénaristiques pour les autres jeux à venir (malgré tous les raccrochages de wagon faciles propres à la saga, et l'inutilité de 80% du jeu, soit les histoires internes aux mondes Disney), c'est bien le gameplay qui m'a refroidi. Sorte de repompe améliorée de Chains of Memories avec un deck à remplir avec des compétences, celles-ci pouvant se leveler pour ensuite se fusionner pour en donner de nouvelles. Le système de JdC en temps réel ça me broute, d'autant qu'il n'y a quasiment aucune possibilité d'ajouter des raccourcis qui permettrait de faciliter la navigation dans le menu alors qu'on essaye de ne pas se faire poutrer par l'ennemi. En plus de ça il faut se taper le jeu trois fois, avec des variations vraiment minimes (dans des mondes pas inspirés), pour des combats intéressants seulement sur la fin de chaque aventure. Bref, c'est pas mauvais, mais c'est clairement pas ma came.

Ah, et il y a toujours ces insupportables boucles musicales de trente secondes propres à la saga qui auront vite eu raison de ma patience (spéciale dédicace à Cendrillon et Disney Town).

Le soufflet KH est un peu retombé. D’un côté l’histoire, malgré tous ses défauts d’écritures, est intéressante. Mais s’il faut se farcir des jeux de 20 heures ou plus où le gameplay m’embête pour suivre ça, je préfère autant me mater une bonne série. J’ai The Deuce là, c’est quand même autre chose. Et pis là, il y a un autre film de trois heures qui m’attend, je le sens pas.

Kingdom Hearts Re:Coded - 3/10

J'ai tenu une heure avant de me rendre compte que ça ne racontait rien, qu'il n'y avait pas de mise en scène, et que j'en avais encore pour deux heures (et je m'étais déjà fait avoir par 358/2). Du coup j'ai regardé un résumé de dix minutes sur youtube et je me suis rendu compte que j'avais bien raison.

Eh ben ça fait rien pour me rassurer cette histoire. C’était le néant ce truc. En tous cas voici la compilation 1.5 + 2.5 terminée, je peux passer à Dream Drop Distance sur la 2.8.

Kingdom Hearts Dream Drop Distance - 7/10

J'ai adoré. Pourtant ça partait mal, avec ce système de deck de compétence repris de BBS que je n'aimais pas. Heureusement, la mécanique a été assez retouchée pour la rendre intéressante. On rajoute par dessus le système de flow qui vient dynamiser l'ensemble des combats et déplacements, le système des Spirits qui réadapte les lvl up/fusions des compétences de BBS et donne une petite touche Pokémon au jeu, des mondes beaucoup plus inspirés avec un vrai effort sur la mise en scène, la narration et les variations entre les runs parallèles de Sora et Riku, et on a un sacré coup de coeur. Même les musiques ne sont plus en mode repeat (le thème de Traverse Town à même été remanié!).

Bref, j'ai adoré le gameplay, sauf pour un point qui, s'il ne m'a pas dérangé outre mesure, s'est avéré totalement inutile : le système de drop. Sur le papier, ça m'aurait fait chier de lâcher mon perso parce qu'un timer me l'impose. Dans les faits, vue la facilité d'obtention et de consommation des potions Drop-me-not, ça ne m'est jamais arrivé. D'un point de vue scénar, on comble des trous, on raccroche des wagons, on balance de nouveaux concepts, mais on intrigue toujours autant : du KH pur jus donc.

Ouf, celui-ci était bien, ça me rassure, ces semaines passées dans l’univers de Nomura ne sont pas en vain! On va pouvoir enchaîner sur le film issu des jeux mobiles, Black Cover. Là c’est juste une heure donc ça va.

Kingdom Hearts Back Cover - 5/10

Ça balance une genèse à l'univers KH en couvrant ses arrières pour les prochains twists scénaristiques à venir dans la série. Un petit effort de mise en scène, mais ça reste tout de même super verbeux, et pour raconter pas grand chose mis à part 2-3 éléments clé. Bof, mais c'est toujours un bon cran au dessus des "films" 358/2 et Re:Coded.

Ah! Plus qu’un jeu et j’arrive sur la conclusion! En plus on passe à la current gen, fini les décors vides, les personnages lisses et les effets de la décennie précédente !

Kingdom Hearts 0.2 Birth By Sleep - A Fragmentary Passage - 7/10

Enième pirouette scénaristique de Nomura avant de se lancer dans la clôture de la (première?) trilogie. Si ce qu'il raconte sur ses 2-3 heures de temps n'est pas inintéressant et se pare (enfin) d'une superbe mise en scène, le jeu est avant tout une démo technique, une sorte de proto de ce que sera KH3. Et si visuellement on frôle l'uncanny valley sur les personnages (Mickey est dégueulasse), ça envoie du très lourd dès que l'on est en combat, Aqua virevoltant au milieu d'effets pyrotechniques de toute beauté, de décors chiadés, et d'ennemis menaçants. Un bien beau teaser.

Bon ben voilà… On est vendredi soir, en temps normal j’aurais lancé KH3 pour le weekend mais une nouvelle inopinée m’est tombée dessus : une PS5 arrive en début de semaine prochaine ! Fini les bruits d’avion de chasse, adieu les temps de chargement, bonjour le 60fps constants et la véritable 4k! Je vais prendre mon mal en patience, KH3 inaugurera ma nouvelle console !

Kingdom Hearts III - 8/10

Autant dire que j'étais dans le mood pour attaquer cette conclusion à l'arc Xehanort. Le scénar fait dans le fan-service à outrance et demande au joueur d'avoir en tête l'ensemble de la saga. Comme d'hab c'est enfantin et les pirouettes scénaristiques sont nombreuses, mais la magie opère dans le plus pur esprit Shonen. La réalisation prend beaucoup de dynamisme par rapport aux opus précédents, et les mondes Disney sont enfin intéressants, avec une énorme variété d'activités proposées pour renouveler le gameplay. Mais le cœur de ce gameplay, sorte de menu best of des précédents titres n'est pas assez ancré dans ce qui me faisait vibrer dans KH2, multipliant les interactions où l'on sera spectateur. Une superbe pyrotechnie pour une baisse de rigueur. Le jeu est d'ailleurs bien plus simple qu'à l'accoutumée, même en essayant de ne pas abuser des attractions.

Malgré tout, j'ai pris mon pied dans ses environnements magnifiques, ses combats ectaculaires, son histoire riche et son final over the top.

Eh bien, quelle épopée. Mon mois de mars aurait été sous le signe de Sora, Riku, Xehanort, Mickey, Aqua et autres Kairi. La saga a connu des hauts et des bas, mais reste empreinte d’une magie constante. Sans aller jusqu’au retour en enfance, on décèle un véritable désir créatif derrière les œuvres de Nomura et de ses équipes. On alterne entre un tas de gameplay différents (pour le pire et pour le meilleur), des dizaines de mondes plus ou moins variés, autant de mini-jeux plus ou moins inspirés, et encore plus de twists scénaristiques plus ou moins faciles. Une épopée sans pareille dans le médium, quoiqu’on en pense, et qui par la multiplication de ses titres et concepts saura indubitablement parler à un public très large, si tant est que celui-ci fasse preuve de persévérance pour passer les étapes qui lui paraîtront fades. Y’en a pour tous les goûts. Kingdom Hearts fait partie de ces œuvres qui sont supérieures à la somme de tous leurs éléments pris individuellement.

La toile est tissée, le rêve s’achève.

P.S.: Je n’aborde pas ici le DLC Re:Mind que je ferais peut-être un jour si je n’ai pas à raquer 30€ pour l’avoir. Idem pour le jeu de rythme Melody of Memories.

Merci à Nixotane pour tous les échanges que l'on a pu avoir durant cette épopée.