Naughty Dog a acquis au cours des années une excellente réputation dans le monde vidéoludique et s'est imposé comme le studio phare de Sony. Souvent résumé à Crash, Nathan Drake ou plus récemment The Last of Us par les medias, il demeure toutefois un nom qui ressort bien moins fréquemment : Jak & Daxter, l'ancien grand rival de la licence Ratchet & Clank du temps de la PlayStation 2 aka la console la plus vendue au monde. Comment expliquer un tel oubli ?... plusieurs explications sont envisageables, comme l'abandon précoce de la série, le succès gigantesque d'Uncharted ensuite, le désintérêt croissant des joueurs pour les univers cartoon... et pourtant, quelle insulte de la part des média d'avoir attendu aussi longtemps pour s'intéresser à Naughty Dog !
Parce que Jak joue un rôle essentiel dans l'évolution du studio, il est le pont entre les jeux légers et rigolos de la trilogie Crash et les jeux plus récents et sérieux que tout le monde connait désormais.
Mais cette analogie est également valable au sein même de cette trilogie, puisque l'on va passer d'un premier opus somme toute classique dans la lignée des Crash Bandicoot à un jeu d'action et shoot très inspiré par GTA, beaucoup plus sombre faisant la part belle à la narration, se rapprochant doucement de la philosophie actuelle du studio.


Le premier opus avait pour lui ses animations incroyablement travaillées et fluides. Les combos s'enchainaient sans problème et la maniabilité était grisante. Le cycle jour/nuit et l'accessibilité des zones sans aucun temps de chargement était une sacrée petite révolution pour l'époque, puisqu'il était possible de traverser tout le jeu sans interruption (une composante indissociable des jeux Naughty Dog qui suivront). Jak & Daxter était une invitation au voyage et à l'exploration, on se souvient notamment de ces grandes bâtiments que l'on pouvait parcourir jusqu'au sommet pour profiter d'une vue d'ensemble magnifique sur le monde qui nous entoure...
Alors que ces considérations techniques avaient finalement été peu remarquées par les media qui ont vu en Jak un sympathique platformer assez classique qui avait surtout le mérite d'offrir une bonne exclu à la PS2 encore toute neuve, tout va basculer avec l'opus suivant.


Car cette transition si importante dans l'histoire du studio démarre réellement avec ce Jak II qui a fait beaucoup parler de lui à sa sortie. Avec son nouveau monde, la transformation de Jak, sa quête de vengeance, ses armes à feu et un ton beaucoup plus sombre, le jeu va beaucoup diviser les critiques et les fans qui se sentent forcément trahis. Fini les enfantillages, place à l'adolescence torturée, passage dans lequel semble d'ailleurs être le duo avec les blagues potaches de Daxter, les premiers émois amoureux de Jak, ses crises de colère, sa quête de réponse vis-a-vis du monde et de soi...


Si les influences de Crash se faisaient ressentir pour le premier opus avec un monde et un chara-design similaires, Jak II va introduire un certain nombre d'éléments qui seront ensuite omniprésents dans Uncharted et qui deviendront la patte du studio. A commencer par un travail assez dingue sur la mise en scène (toutes proportions gardées, nous sommes en 2003), le personnage peut interagir avec les éléments du décors, ça tient du détail comme la poussière qui s'agite quand on foule le sol ou des poutres de bois qui s’affaissent lorsque l'on saute dessus, la musique qui change de rythme selon que l'on prenne une arme ou que l'on prenne un véhicule, des cinématiques de toute beauté (et avec le moteur du jeu pour garder une proximité avec les phases de gameplay). Graphiquement, le studio était déjà à la pointe de ce qui se faisait en son temps même si le jeu souffre de quelques vilains bugs d’affichage.
Mais Naughty Dog aujourd'hui c'est également et surtout un soin tout particulier accordé à l'écriture et on peut dire que ce constat prend ses origines ici avec Jak II, même s'il est clair que l'on est encore loin de la qualité d'un The Last of Us. Jak se démarque donc du genre plateforme par un scénario et un univers plus fournis qu’ailleurs.


En somme, une belle prise de risque, qui à mon sens, est totalement payante. La série devient alors un pur produit de son temps, s'inscrivant comme un pot-pourri de tout ce qui constitue le début des années 2000s, avec un héros au style légèrement punk-emo, aux cheveux verts longs, muni de son skate, le tout dans un gameplay à la GTA au moment où le grand public découvre ce qui deviendra une licence cultissime avec le troisième opus et un modèle d’open-world. Sans oublier le spin-off Jak X qui dévoile une certaine passion de Jak pour le tuning et dont la bande-son est encore une fois indissociable de son époque.
Jak est un de ces rares personnages de JV qui évolue réellement d'un jeu à l'autre. Du jeune héros muet qui s'en va parcourir le monde le cœur pur et plein de bonne volonté, il deviendra ce rebelle colérique en quête de vengeance mais qui finira par trouver la lumière et l'équilibre sain dans le troisième épisode. Le scénario, pas si original que ça, a pourtant le mérite de proposer un spectacle assez grandiose dans son ensemble, mêlant de nombreux thèmes et personnages passionnants. (Krew et Praxis en tête)


Pour revenir aux raisons du semi-échec que fut la série pour Naughty Dog, la crise identitaire dont souffrait le premier volet s'est ici accentuée avec des influences toujours plus diverses et qui ont finalement abouti à un résultat assez unique mais qui a eu du mal à convaincre le plus grand nombre. A l'inverse d'un Ratchet qui identifie clairement son héros et dont la première particularité du jeu réside dans le gameplay et sa variété d'armes et gadgets, Jak manque d'éléments iconiques auxquels se raccrocher : même le nom du protagoniste est banal ! et la série s'est permis de diviser les joueurs dès le second volet, radicalement différent à tous les niveaux. De nombreux antagonistes mais aucun qui s'affirme véritablement, une ambiance empruntant à pas mal de genres dont le cyberpunk, le post-apo.. Des thèmes en pagaille comme la tyrannie, propagande, corruption, religion, le tout au service d'une histoire de vengeance couplée à un Daxter servant d'élément comique, difficile de résumer aussi simplement la série que pour Ratchet & Clank ou même Sly Cooper. Et pourtant, le résultat est là, aucun autre jeu ne ressemble à Jak & Daxter...


Alors non, ce n'est évidemment pas un jeu parfait, loin s'en faut. La difficulté peut être incroyablement mal dosée, les checkpoints inexistants, le système de tir peut paraître approximatif, mais c'est le genre de problème que chaque joueur rencontre à un moment donné dans son parcours. Personnellement, c'est avec celui-ci que j'ai appris la patience et que j'ai pu relativiser en me confrontant plus tard à d'autres jeux réputés difficiles... ma plus grande frustration reste finalement la conclusion de la trilogie qui peine à fournir des réponses pertinentes (voire des réponses tout court), la faute à un Jak 3 qui a manqué de temps de développement.


Si les fans ont longtemps réclamé un Jak 4, Naughty Dog semble à présent bien loin de la série, qui, rappelons-le, représente aussi la dernière participation des deux fondateurs du studio.

HonneteHomme
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le 21 déc. 2019

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