Dans le petit monde du Jeu Vidéo, il y a un phénomène bien connu sous le nom de "hype", "cycle de hype", "branlette", "séance d'onanisme collective". Comprenez que durant une période pouvant aller de quelques semaines (au moins) à un an (au plus) avant la sortie du jeu, la planète JV tourne au rythme des trailers et autres previews concoctées à base de "C'est le meilleur jeu de tous les temps" ou de "Une future bombe". Pendant ce qui n'est pas sans rappelé un trip hallucinogène cette fois étendu à l'échelle "planétaire", on croise fréquemment sur les forums (oui, vous savez, ces antres démoniaques dans lesquelles résident d'affreuses créatures libidineuses et friandes de pixels démembrés et de chips) de joyeux lurons dont les messages concernant le jeu -oui, j'y viens, ne partez pas tout de suite - se résument peu ou prou à "OH MON DIEU COMMENT IL VA ETRE TROP BIEN!". Les jours défilent, on regarde sans cesse son calendrier, le numéro du revendeur de jeux le plus proche sous la main bien qu'on ne sache pas encore qu'il est à deux doigts de porter plainte pour harcèlement...

Puis arrive le Jour J, et la deuxième phase du cycle : la découverte/retombée sur terre.

C'est à peu près à ce moment-là qu'une petite bande de morveux émerge de son sommeil annuel pour venir nous pondre des avis à base de : "vous saviez qu'en fait c'est tout pourri ?" Et c'est à la même époque que vos petites mains fébriles insèrent le précieux disque dans votre console, qu'elles s'emparent de votre manette et lancent la partie.
Quelques heures/nuits blanches plus tard, la vérité vous apparaît enfin.

GTA V, c'est avant tout, l'histoire d'un homme, d'un seul. (Alerte aux spoilers à partir d'ici) Le titre a beau nous présenter trois protagonistes bien différents, il devient vite évident qu'il n'y a qu'un seul personnage principal puisque les 3/4 des péripéties sont directement liées à ses actions. Cet homme, c'est Michael De Santa, le Truand du jeu. Coup de bol, c'est aussi le plus intéressant des trois, doté d'une personnalité toute en contradictions et en frustrations enfouies. Véritable enfoiré sous ses costumes impeccables, le braqueur à la retraite doit composer (avec plus ou moins de bonheur) avec les deux autres fumiers au cours d'une histoire aux ficelles grosses comme le cordage d'un voilier.

Eh oui, c'est ce qui saute aux yeux dès les premières minutes, on connaît déjà l'histoire, on connaît les tenants et les aboutissants de tout le bordel qui va secouer Los Santos, et surtout, surtout, on voit venir le pseudo-twist à des kilomètres.
Voila pour la forme. Le fond, lui, n'a pas changé depuis des années : un (dans ce cas, disons trois) héros fait une connerie et pour la réparer il devra servir de porte-flingues à la quasi-totalité de la ville, des fédéraux incompétents au milliardaire yogi. Le tout est entrecoupé par de petites "saynètes" familiales formant un super-sketch (honnêtement, ces scènes sont parmi les plus hilarantes du jeu) venant ajouter sa corde à l'édifice de ficelles. Je ne m'attarderais pas sur les histoires qui concernent les deux autres, d'abord parce que je ne les ai pas encore "présentés", ensuite parce qu'elles sont aussi intéressantes que l'ondulation de mes poils d'avant-bras un jour de vent.

Les deux autres dégénérés, ce sont Franklin et Trevor. Le premier est complètement transparent, passif du début jusqu'à la (presque) fin alors que le second justifie à lui seul l'emploi du terme "dégénérés". Oui, Trevor Philips est drôle, et même intéressant dans ses délires pervers permanents, mais bon Dieu, ce mec est un vrai malade. C'est d'ailleurs à lui que je "dois" une séquence d'ores et déjà entrée au Panthéon de mes plus grands moments de gêne dans un jeu vidéo. Beaucoup plus réussi que Franklin, le hipster le plus violent de l'Histoire n'en reste pas moins un simple "opposé" de Michael. Leur relation, sympathique à suivre au demeurant, n'est jamais rien qu'une opposition entre deux "possibles" pour le même personnage.
En parlant de relation sympathique, un petit aparté sur la qualité des dialogues s'impose. C'est un fait avéré depuis longtemps, Rockstar maîtrise l'art du dialogue comme personne, et GTA V ne déroge pas à la règle. Alors oui, le vocabulaire de Franklin et Lamar se résument à "Nigga" (véridique) mais pour chaque répétition de "Fuck you !", il y a une perle, une réplique absolument culte. ("You're a hipster !")

L'humour d'ailleurs, est toujours aussi gras que ce à quoi R* nous avait habitué. Pas subtil pour un sou, hein, en tout cas pas assez pour dépasser le cadre de la parodie potache, c'est sûr. Mais bon, le tout fait partie de...hmm...l'"esthétique" GTA, à tel point que je me demande ce que viendraient faire sur le soft des gens insensibles à ce type de connerie. Oui, oui, GTA V est un pur concentré de conneries avec ses bouseux camés, ses psys qu'on a envie de baffer et ses films improbables. C'est marrant d'ailleurs, en écrivant ces lignes je me rends compte que le paragraphe du dessus est aussi prétentieux qu'inutile. Mais passons.

Une structure narrative recyclée, un humour aussi gras qu'un cheeseburger, pas de doute nous avons bien affaire à un rejeton de la série phare de Rockstar. Même chose en ce qui concerne le gameplay, et c'est là que le bât blesse.
Vous vous souvenez de votre réaction lorsque Big R a annoncé que l'on incarnerait pas un mais trois personnages ? Cette idée de gameplay, cette promesse d'évolution, ce potentiel ludique...Au final ? Beaucoup de bruit pour pas grand-chose. La seule différence que l'on ressent en jouant l'un des personnages, c'est l'existence de cette foutue capacité spéciale à la con, véritable doigt d'honneur au joueur quand on voit tout ce qu'il aurait été possible de proposer à la place. Cela dit, on ne crachera pas sur le fait de voir arriver une (petite) notion de roleplay dans GTA. Une bonne idée à moitié exploitée, d'autant que ce n'est pas la seule. Qui a dit la bourse ?

Le système économique, voila le gros gros problème du jeu. Sur le papier, le concept des deux bourses (l'une influencée par le jeu lui-même, l'autre par le Rockstar Social Club) était alléchant. En pratique, les choses sont bien différentes. Concrètement, vous manquerez toujours d'argent dans ce GTA, au moins jusqu'à la toute fin où vous en aurez alors beaucoup plus mais toujours pas assez. Cela signifie que pour investir en bourse et faire des bénéfices, vous devrez soit attendre ladite fin du jeu et garder les missions influant sur le jeu lui-même, soit vous taper des activités aussi inintéressantes que la chasse (qui mériterait presque que je la gratifie d'un jeu de mot scato, pour vous dire le niveau du truc). Pas que vous serez en manque de munitions (bien au contraire), mais les développeurs se sont amusés à implémenter des propriétés à plus de 100 000 000 millions (et qui génèrent un revenu ridicule), histoire que les 1000 G ne soient pas trop faciles à atteindre. On comprend mieux l'importance des braqu...

Ah oui, les fameux braquages. Vos seules occasions hors-bourse de ramasser un petit pécule (notez que je ne compte pas les attaques de supérettes comme un moyen de gagner de l'argent. D'abord parce que ça rapporte que dalle ensuite parce que c'est nul). Autant dire que Rockstar les a soignés, au point qu'il n'y en a en tout et pour tout que 5. Oui, 5 sur près de 70 missions. C'est vous dire le travail qui a été effectué sur chacun d'entre eux, et croyez-moi, cette phrase n'est pas ironique. Petits bijoux de mise en scène, chaque braquage est l'occasion de choisir une approche et un plan spécifiques, garantissant au soft une rejouabilité inédite pour un GTA-Like. Une vraie plus-value, pour un jeu qui avait besoin de pallier au manque de contenu annexe intéressant.

L'autre problème de GTA V, c'est d'ailleurs le fait que le multi a visiblement pris le pas sur le solo, du moins en ce qui concerne ce contenu annexe que j'ai évoqué plus haut. Le moins que l'on puisse, c'est que le jeu (ohohoh) n'en valait pas forcément la chandelle, quand on voit l'état absolument lamentable d'un multijoueur dans lequel les bugs et autres problèmes de connexion pullulent (et je ne parlerai pas de la communauté à chier, c'était de toute façon prévisible). Cela dit, les choses commencent à bouger, et peut-être reverrais-je mon jugement d'ici quelques temps.

Enfin, en ce qui concerne le gameplay, les quelques évolutions sont plutôt bienvenues, en particulier la conduite, bien plus arcade et du coup bien plus fun. Malheureusement, il semble que pour Rockstar "plus fun" soit synonyme de "véhicule indestructible". C'est dommage, parce que même si les dégâts s'affichent sur le véhicule, on ne les ressent à aucun moment dans la conduite dudit véhicule. Pour ceux qui rêvent de conquérir les cieux, le topo est peu ou prou le même pour les avions. En revanche, la conduite des hélicos, ignoble, gâche tout le plaisir que l'on pourrait retirer d'un vol de voiture avec le Cargobob.

Tous ces faits, ces manques et ces réussites nous pètent à la gueule au fur et à mesure que l'on progresse dans le jeu. Oui, GTA V est un très bon open-world, incroyablement fun à jouer et doter d'un immense potentiel. Malheureusement, ce potentiel n'est jamais vraiment exploité, et on se retrouve avec un très bon jeu qui aurait pu être un hit incontournable.

Phase 3 du cycle : le passage sur Senscritique.
RoiDesSables
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le 15 oct. 2013

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RoiDesSables

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