L'homme qui murmurait à l'oreille des chevaux (Din)

Comme tous les dimanches depuis plus de dix-neuf ans, j'éprouve d'énormes difficultés à dormir. Je suis sans doute trop stressé par ce qui m'attend cet après-midi ! Seul moyen de me relaxer : une douche glaciale, un petit déjeuner copieux et un brin de toilette. Le goût de mon dentifrice me rappelle comment toute ma vie a basculé. C'était en mai 1997...
Je sirotais un thé glacé, tranquille, à la terrasse d'un café... lorsqu'une créature à renvoyer Sarah Michelle Gellar au rang de cageot intergalactique fit son apparition. Rien de très étonnant, me direz-vous, sauf que la demoiselle en question se dirigea vers ma table et s'y assit. Mon sang eut à peine le temps de faire un tour avant qu'elle ne sorte de son sac deux petites voitures. Une rouge et une bleue. Si tu choisis la bleue, me dit-elle, je t'offre une soupe de potirons transgéniques. Si tu prends la rouge, ta vie changera du tout au tout, tu pourras devenir riche et célèbre et tu ne côtoieras plus que des femmes comme moi... Évidemment, le choix fut vite fait et mon corps se réjouissait à l'avance de ce qui l'attendait : le potiron avait toujours été mon légume favori ! Alors que ma main tremblotante s'apprêtait à se saisir du petit bolide bleu, mon interlocutrice reprit la parole de façon énigmatique : Tout ce que je peux t'offrir, c'est la vérité... C'est ça, et mes potirons alors ? J'attrapais la voiture bleue, à pleine mains, sans hésitation. Très bien, tu as fait le bon choix, petit scarabée. Je t'offre la possibilité de devenir l'un des plus grands pilotes de l'histoire. Tiens, prends ça, je te l'ai acheté. J'ai hâte de voir ce que tu vaux... Alors qu'elle posait sur la nappe une petite boîte estampillée "Gran Turismo", je compris que je m'étais fait rouler (c'est le cas de le dire) : complètement aveuglé par la beauté de la mystérieuse inconnue, j'en avais oublié que j'étais daltonien. Fais chier...


Évidemment, il était hors de question de me jeter d'un coup d'un seul dans la grande compétition et de toute façon, je n'avais ni le niveau ni le droit. Pour accéder aux courses, il me fallait passer mon permis de conduire, ou plutôt mes permis de conduire. Piloter un bolide de course était légèrement plus délicat que de faire avancer la vieille Deudeuche aux couleurs de l'équipe de France de mon daron. J'étais un peu anxieux, mais en fait tout se passa bien... Une fois les trois permis B, A et IA en poche, je pus m'engager dans n'importe quel championnat.
Oups, j'avais oublié un petit détail : les voitures de l'auto-école n'étaient pas à moi, et du coup je n'avais pas de caisse pour courir ! Heureusement, mon énigmatique admiratrice m'avait donné 10,000 crédits pour que je puisse me payer ma première voiture. Bon, avec une telle somme, impossible au départ de m'en acheter une de qualité : j'essayai donc de trouver une bonne occase. Le choix des constructeurs autorisés à participer au championnat de Gran Turismo était vaste. Il fallait ne pas se tromper... Les écuries les plus huppées comme Aston Martin, Chrysler, Chevrolet et TVR ne proposaient pas d'occasion. Il fallait donc se tourner vers les japonais (Mazda, Nissan, Subaru, Honda, Mitsubishi, et Toyota) pour trouver son bonheur. J'optai pour une Nissan R32 Skyline GTS4. C'est pas qu'elle était jolie mais ses performances me semblaient satisfaisantes.
Avec ma caisse "pourrie", et bien que le nombre de compétitions était conséquent (17 coupes et championnats distincts), je n'avais de chance que dans la Sunday Cup (coupe des conducteurs du dimanche). Je signai pour elle et m'y engageai, non sans un peu d'angoisse...


Le matin des qualifications, sur l'Autumn Ring, il faisait un temps splendide. Je démarrai et m'élançai pour mon tour chrono. Tout commença par un demi-tour violent que je négociai parfaitement. Les deux grandes courbes suivantes furent facilement franchissables, même si je bouffai un peu d'herbe et que je me loupai à moitié au freinage précédant les deux chicanes... Mais ça passa quand même et la ligne d'arrivée fut franchie. La petite affaire avait duré 45 secondes mais j'étais déjà mort. Heureusement, le verdict qui tombait me redonna du tonus : j'avais fait la pôle position. 1,500 crédits empochés. Mes premiers sous gagnés en tant que pilote, et assurément pas les derniers !
14h, le départ était imminent. Tous les vétérans avaient les yeux braqués sur moi, le nouveau venu qui leur avait chopé la pôle et les deniers qui allaient avec. Les moteurs vrombissaient que je me préparai déjà à négocier le premier virage à fond avec une meute de chiens fous aux fesses. Merde, j'avais raté le départ, la Mirage jaune poussin qui me dépassa essaya de me faire aller dans l'herbe, mais ça ratait grâce à un freinage limite. L'autre était toujours devant. Je le suivai patiemment et, première surprise pour lui comme pour moi, il n'arriva pas à me lâcher. Un coup d’œil dans le rétro, derrière moi aussi ça bataillait ferme, les places changeant sans arrêt. On arriva aux chicanes, je les négociai mieux que lui et m'en sortis bien plus vite. Le moment était venu : je me portai à sa hauteur et lui fis l'intérieur au virage précédant la ligne droite. Cet enfoiré essaya alors de profiter de l'aspiration pour reprendre à nouveau l'avantage, mais je bouchonnai honteusement. Il me rentra cinq fois dedans, me mit la pression mais je tenais bon, les doigts crispés sur le volant. Le dernier virage... Je le franchis en tête... Victoire ! Je garai la voiture près des stands, enlevai mon casque et ma cagoule et mes gants tout en voyant ma chère associée sauter de joie en beuglant : Je le savais, c'est l'élu ! Je le savais ! Tu m'étonnes que j'étais l'élu, et j'avais pas dit mon dernier mot...
Fin du championnat. Trois victoires consécutives. Ma fortune se monta à plus de 25,000 crédits galactiques. Plus jamais je n'ai bouffé de potirons...



  1. Dieu que c'était le bon temps...

ZolivAnyOne
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le 2 sept. 2016

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Zoliv AnyOne

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