L’aventure Final Fantasy VII pour moi a duré approximativement cinq heures, pas une de plus. Pour vous donner un peu de contexte, j’ai 36 ans et fais partie de la génération qui a grandi avec ces jeux. Oui, dans ma cour de récréation au collège on parlait de Zelda Ocarina of Time ou de Final Fantasy VII entre deux parties de cartes DBZ ou de Pokémons car ces titres légendaires venaient de sortir sur nos consoles préférées. On lisait les tests et avis dans les magazines chez le marchand de journaux, la bonne époque quoi ! La vie était belle, la France digne, on vivait entre nous, c'était chouette. Malgré ma note très en deçà de ce que l'on serait en droit d'attendre pour un tel jeu, je dois être clair : je connais tout l’imaginaire nostalgique qui traverse ce titre de SquareSoft, l’impact immense de cette franchise dans l’appréhension des RPG japonais au tour par tour de toute une génération de joueurs etc. Mais à l’époque je faisais partie du clan Nintendo et possédais une Nintendo 64. Je n’ai donc jamais joué réellement aux Final Fantasy, Gran Turismo, Tomb Raider si ce n’est quand j’allais chez des copains où je pouvais m’y essayer le temps de quelques heures. Idem pour la Dreamcast, c'est une console que j'aimais beaucoup mais mes parents ne voulaient pas me l'acheter. J'ai eu la Gamecube quelques années après. Tout ce contexte pour vous dire que je sais. Je sais ce qui entoure le jeu, d’où il vient, ce qu’il a apporté au médium, la puissance d'évocation, la force nostalgique qu’il draine chez beaucoup de joueurs trentenaires et quadragénaires aujourd’hui en 2024. Comme vous l'avez compris, n’étant pas possesseur de Playstation en 1997, je joue aujourd’hui à FFVII en toute objectivité, en portant un regard honnête et rétro sur une œuvre étrangère qui m’a toujours fasciné. Pour être franc, un ami sur deux dans mon entourage me cite systématiquement en jeu favori de tous les temps Final Fantasy VII ou FFVIII… La pression est palpable. Je ne dois pas décevoir.

Autant il est agréable de me replonger dans les vieux titres poussiéreux de la Nintendo 64 tels que Super Mario 64, Zelda Ocarina of Time, Lylat Wars malgré le fait qu’ils soient datés, qu’ils souffrent d’un gameplay d'un autre âge, ou qu’il soient complètement dépassés techniquement, bref la préhistoire du jeu vidéo au regard de ce qu’il se fait aujourd’hui, autant me plonger dans FFVII fut une torture insoutenable. Si l’on considère que la plupart des jeux de cette génération (32-64 bits) sont devenus laids, alors FFVII en est instinctivement le chef de file. J’ai joué à une version Steam légale sur PC sans mods, rien. Le jeu au naturel. C’est une catastrophe. Les personnages sont hideux, cubiques presque inhumains. Les décors en 2D sont vieillots et baveux, il est parfois difficile de comprendre ce que les artistes ont peint en arrière-plan. Le contraste entre décors 2D et personnages 3D est trop grand détruisant de facto l’immersion sans parler des errements pour savoir où il est possible d'aller ou pas dans ces cartes postales 2D. Pour ma part, je n’ai rien contre cette technique, Zelda Ocarina of Time la reprend également à son compte dans bon nombre d’intérieurs mais Nintendo, à l’époque, le fait avec bien plus de maestria et de parcimonie. L’histoire débute gentiment mais comme bien souvent, la moraline japonisante sur l’équilibre du monde entre respect de la nature et industrialisation soit 95% des scénarios des RPG japonais depuis 40 ans finit par soûler, tout comme l’adolescent élu, un peu sombre mais pas trop. C’est toujours la même chose. Invariablement. A l’époque, c’était chouette et révolutionnaire mais en 2024, c’est une purge. Côté gameplay, je crois que c’est le pire. J’ai un tempérament qui s’agace assez vite quand quelque chose me dérange. Typiquement dans FFVII les combats, dès le départ, commençaient à m’agacer. Il y en a trop. Tous les dix mètres un combat aléatoire contre des moustiques et des robots de merde apparaissait alors que je voulais juste explorer, ramasser les objets disséminés çà et là ou tout simplement me rendre à l’objectif. La fréquence des combats élevée est un classique des jeux de cette époque, rien de personnel à FFVII, mais de nos jours c’est insupportable. Dois-je évoquer l’austérité des menus et des tutoriels pour expliquer le fonctionnement des Matérias ? Le côté « système D » traditionnel des jeux de cette époque m’a aussi gonflé. Les menus sont nazes, on ne comprend pas très bien le fonctionnement de la magie…difficile d’entrer dans l’ambiance quand on n’a pas le recul d’un joueur de l’époque qui anticipe les supers attaques combinées disponibles dans 30 heures... Et la musique, certes légendaire et que j’ai quand même pas mal écouté au cours de ma vie même si je n'avais pas le jeu. Malgré tout, me farcir la même musique de combat en boucle me gonflait déjà en à peine 5 heures, sans parler de la fanfare post-combat. Je n’ose imaginer l’empreinte indélébile laissée par cette musique sur un cerveau d’enfant ou de jeune adolescent lorsqu’il affronte le boss final après 80-100 heures de jeu.

Le RPG au tour par tour est un genre très particulier. Sûrement pas mon genre de prédilection mais je ne souhaite pas juger l’œuvre Final Fantasy VII à l’aune de son genre mais plutôt à ce qu’il fut objectivement à l’époque : un genre nouveau pour les européens porté par une narration forte et un gameplay profond après quelques dizaines d’heures de jeu. La rivalité Cloud/Séphiroth sublimée par l’OST légendaire de Nobuo Uematsu a participé à la légende Final Fantasy VII auprès des jeunes joueurs tout comme la naissance de cette nouvelle franchise sur une console, une marque puissante : Playstation. Tout était une question de contexte, d’âge, d’appréhension d’un genre « nouveau » car pour le reste FFVII est relativement décevant. Plus rien des qualités citées ci-dessus ne transparaît avec force aujourd’hui. Le jeu est laid et a globalement très mal vieilli, l’histoire est relativement enfantine et repose sur les mêmes présupposés depuis des lustres résumés en trois mots : écologie, équilibre, élu ténébreux. La marque Playstation tout comme la licence Final Fantasy ne font plus rêver aujourd’hui ou du moins, bien moins qu’à l’époque (l'effet nouveauté). Les menus et les mécaniques de combats sont archaïques, le gameplay manette en main n’est pas intéressant pour un clou. Désolé mais on ne joue pas à FFVII pour son gameplay, on est d’accord les gars ? Bref, c’est très compliqué de se lancer dans FFVII en 2024, on ne va pas se mentir. Il faut vraiment s’imprégner jusqu’à la moëlle du contexte de l’époque pour outrepasser tous les défauts et se dire : « je suis en train de jouer au deuxième jeu le mieux noté de tous les temps de l’histoire du jeu vidéo ». Malheureusement, il n’a même pas pour lui le côté : « c’est un jeu qui a fait avancer le média à l’époque ». Rien n’est révolutionnaire sur le plan technique ou du game design. C’est le cas par exemple de Super Mario 64 ou de Zelda Ocarina of Time qui, pour moi ont bien mieux vieilli. On peut prendre du plaisir à découvrir ces titres aujourd’hui sans se forcer en invoquant le dieu « contexte » ou la pression sociale du « FFVII est LE meilleur Final Fantasy de l’histoire dans tous les tops internet ». A contrario, je pense aussi à un autre jeu qui a très très mal vieilli mais qui LUI, contrairement à FFVII, a fait avancer le média sur console : GoldenEye 64. Mettez-vous à la place d’un jeune joueur sans la connaissance de tous ces éléments de contexte, sans la compréhension de l’état de l’industrie encore balbutiante au milieu des années 90, sans comprendre ce que représente FFVII dans l’histoire de la saga, sans la frénésie entourant la sortie de la toute nouvelle console Sony venant chambouler le duel iconique Nintendo/Sega, sans la traditionnelle lecture du livret du jeu dans le trajet de retour en voiture etc. Un gamin de 15 ans qui joue à Zelda Ocarina of time en 2024, déjà il débute par le tutoriel caché dans la forêt Kokiri et comprend rapidement qu’il peut verrouiller un adversaire pendant un combat et se déplacer dynamiquement autour de lui sans le perdre de vue. Ce gamin, sans le savoir, vient de reprendre après 30 secondes de jeu la mécanique de combat principale de Dark Souls III ou d'Elden Ring qu’il a terminé la semaine dernière sur PS4 avec son tonton tout en jouant à un titre possédant de vrais modèles 3D dans un vrai environnement 3D. Ai-je besoin d’aller plus loin ?

Toutes mes excuses à toute une génération de joueurs Playstation de l’époque qui a grandi avec FFVII dans leur cœur. Moi aussi quand un quidam raconte des horreurs sur Zelda Ocarina of Time cela me crispe car il s’agit pour moi du meilleur jeu de tous les temps. Personne n’apprécie un regard critique a posteriori (justifié ou pas, argumenté ou pas) sur une œuvre fondatrice d’une passion, génératrice de souvenirs et qui fut à l’époque encensée unanimement par la critique. Final Fantasy VII demeure une pierre angulaire du jeu vidéo, il est un jalon important dans le développement de ce loisir auprès d’une quantité importante de jeunes européens au milieu des années 90 qui ont développé tout un imaginaire RPG, toute une culture autour de cette licence devenue culte et qui s'est renforcée par la suite avec d'autres excellents titres. Cependant, je crois pouvoir dire que plus les années passent moins celles-ci lui rendront justice. Il est de moins en moins évident de saisir, d'appréhender l’engouement de l’époque quand on a le titre manette en mains. Pour moi, Final Fantasy VII est un titre qui tire sa force d'une époque, d'un contexte précis et particulier et qui vibre aujourd'hui dans le cœur des joueurs vétérans lui permettant de maintenir voire d'étendre une aura de titre intouchable. Cependant lorsqu'on gratte par-delà les souvenirs et qu'on se lance objectivement dans cette aventure à la recherche du frisson de l'époque, on prend une claque mais pas celle qui vous fait du bien, celle qui vous rappelle que le temps ne bonifie pas toujours les œuvres tel un bon vin. Ce n'est pas grave après tout FFVII a marqué l'histoire, personne ne pourra jamais lui enlever. Outre le fric, outre l’effet de mode l’idée de faire un remake complètement différent aujourd’hui vient peut-être de ce postulat : redorer le blason d’un jeu à l’aura évanescente.

silaxe
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le 5 avr. 2024

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